« Je sais comment me battre », dit Freeland

20 janvier 2025
« Je sais comment me battre », dit Freeland

Assahafa.com

Chrystia Freeland a été rattrapée par son rôle de numéro deux du gouvernement de Justin Trudeau, dimanche, lors du lancement officiel de sa campagne pour la direction du Parti libéral du Canada (PLC). Des militants propalestiniens ont perturbé l’évènement durant une trentaine de minutes sans toutefois réussir à lui faire perdre sa contenance.

« Ce n’est pas correct, a-t-elle réagi. Ce n’est pas acceptable de perturber la démocratie canadienne et je veux que tout le monde sache que je n’ai pas peur et que je ne reculerai pas. »

L’ex-ministre des Finances et ex-vice-première ministre a été interrompue par des manifestants dès les premières minutes de son discours. « Tu soutiens le génocide », a scandé en anglais une militante avant de se faire escorter vers la sortie.

Le manège s’est répété à de nombreuses reprises durant une trentaine de minutes, interrompant la candidate dès qu’elle recommençait à parler. En tout, environ une douzaine de militants propalestiniens ont participé à ce coup d’éclat pour démontrer leur mécontentement envers le gouvernement et réclamer un embargo bilatéral sur le transfert d’armes et toute forme de coopération militaire entre le Canada et Israël.

« Libérez la Palestine ! », s’est exclamé un autre.

Mme Freeland a défendu le droit de manifester, mais cela « ne signifie pas d’étouffer la voix des autres », a-t-elle précisé en point de presse par la suite. Elle a dit faire preuve d’un « optimisme prudent » face au cessez-le-feu dans la bande de Gaza entré en vigueur le même jour, ajoutant avoir eu « le cœur brisé » de voir le carnage causé par les bombardements depuis 15 mois.

Les militants ont été escortés à l’extérieur un à un par son entourage. La Presse a même pu observer Dimitri Soudas, ex-directeur des communications de Stephen Harper et collaborateur à l’émission Mordus de politique de Radio-Canada, intervenir auprès d’un militant pour le faire taire.

Le groupe a ensuite cogné sur la porte extérieure du bâtiment à plusieurs reprises pour rendre le discours de Mme Freeland inaudible.

« Si vous voulez vous tenir debout face à Donald Trump – et c’est ce que je vais faire –, vous ne pouvez pas laisser un peu de bruit vous déranger, n’est-ce pas ? », a-t-elle affirmé devant de nombreux libéraux venus pour appuyer sa candidature.

Elle ne s’est pas laissée démonter, mais les militants ont réussi à casser l’ambiance de son lancement. À la sortie de l’évènement, une douzaine de policiers étaient dispersés par petits groupes à l’extérieur. L’un d’entre eux a confirmé à La Presse que les manifestants avaient quitté les lieux d’eux-mêmes à leur arrivée et qu’ils n’ont procédé à aucune arrestation.

L’effet Trump

Un peu plus tôt, Mme Freeland avait fait son entrée dans le gymnase d’une maison des jeunes de sa circonscription sur la chanson Maneater de la chanteuse canadienne Nelly Furtado. La ténor libérale, qui a donné le coup de grâce à Justin Trudeau en claquant la porte du Cabinet, s’est présentée comme la meilleure personne pour mener la bataille contre le président désigné des États-Unis, Donald Trump, et sa menace de guerre tarifaire, à moins de 24 heures de sa cérémonie de prestation de serment.

 Nous avons besoin d’un leader aguerri, avec les cicatrices pour le prouver, a-t-elle lancé. […] Je sais comment me battre et je sais comment gagner. »

Il y a une raison pour laquelle Donald Trump sait exactement qui je suis. Et il y a une raison pour laquelle il ne m’aime pas beaucoup. C’est parce que la dernière fois qu’on s’est retrouvés face à face, je me suis battue pour le Canada et on a gagné.

 Chrystia Freeland

Mme Freeland avait renégocié l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), renommé l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), lors du premier mandat de M. Trump.

Elle a promis de répliquer dollar pour dollar si le président désigné des États-Unis imposait des tarifs douaniers de 25 %, « une menace potentiellement existentielle » pour le Canada. Ces tarifs pourraient être imposés assez rapidement après la prestation de serment de M. Trump ce lundi.

Elle s’en est également prise au chef conservateur, Pierre Poilievre, en affirmant qu’il était « faible » et qu’il avait « peur de se battre contre des gens qu’il admire ».

« Ne vous détrompez pas, si Pierre Poilievre est élu, il sera à bord du premier vol pour Mar-a-Lago pour embrasser la bague », a-t-elle dit en faisant allusion au baiser de l’anneau pontifical.

Les conservateurs se sont empressés de rappeler que celle qui aspire à être la prochaine première ministre du Canada a soutenu les politiques mises de l’avant par M. Trudeau, comme la taxe sur le carbone qu’elle promet aujourd’hui d’éliminer.

« Chrystia Freeland n’a pas seulement voté en faveur de la taxe carbone. Elle est la ministre des Finances qui l’a augmentée », a souligné M. Poilievre sur X.

« Mme Freeland avait des convictions, mais ce n’était pas elle, la première ministre. Ce n’est pas son héritage », a fait valoir en entrevue le président du caucus québécois des libéraux, Stéphane Lauzon, qui soutient sa candidature.

M. Lauzon était présent en personne au lancement, comme une dizaine de ministres et de députés. Parmi eux, le ministre de la Justice, Arif Virani, et le ministre de la Santé, Mark Holland. Neuf autres y ont assisté virtuellement, dont la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Diane Lebouthillier.

Le député québécois Anthony Housefather, qui était sur place, estime qu’elle « va amener le parti au centre », après qu’il « a bougé trop à gauche sur la question des dépenses et sur la question de la politique étrangère ».

Mme Freeland ne s’est pas engagée à retourner à l’équilibre budgétaire dès la première année d’un premier mandat à cause de l’incertitude causée par M. Trump.

À la fin du discours de Mme Freeland, son équipe a limité les questions des journalistes, prétextant le manque de temps.

Appuis au Québec

Mme Freeland dispose du soutien d’au moins cinq élus québécois, mais son rival Mark Carney a réussi à obtenir un appui de taille au Québec dimanche : celui de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly. Celle-ci dispose d’une bonne organisation, ce qui pourrait aider l’ex-gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre dans une province avec laquelle il a peu de liens.

Pour moi, le Québec, la langue française, l’identité distincte de la nation québécoise sera au cœur de ma campagne », a réagi Mme Freeland, rappelant qu’elle avait accordé sa première entrevue en français.

Je sais qu’aujourd’hui la langue française, l’identité du Québec sont menacées comme jamais. La menace que pose Trump au Canada, c’est aussi une menace qui se pose au Québec.

 Chrystia Freeland

L’ex-ministre Randy Boissonnault était également sur place, dans la première rangée derrière Mme Freeland durant son allocution. Il avait démissionné en novembre de son poste de ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles après une controverse entourant sa fausse identité autochtone.

Le prochain chef libéral sera élu le 9 mars par les membres du parti. Trois autres candidats moins connus – le député mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse Jaime Battiste, le député ontarien Chandra Arya et l’ancien député libéral de la région de Montréal Frank Baylis – ont indiqué avoir l’intention de se lancer.

Ils ont jusqu’à jeudi pour annoncer officiellement leur participation et verser les premiers 50 000 $ pour les frais d’inscription. Le montant total est fixé à 350 000 $. Les militants ont jusqu’au 27 janvier pour s’inscrire comme libéraux s’ils souhaitent voter.

Chrystia Freeland en cinq temps

Journaliste d’abord

Née en Alberta d’une mère ukrainienne et d’un père canadien, Chrystia Freeland – ou Christina, de son vrai nom – est titulaire d’une maîtrise en études slaves de l’Université d’Oxford. Elle entreprend sa carrière en tant que journaliste dans les années 1990, notamment comme cheffe de bureau du Financial Times à Moscou, où elle couvre le début de la période postsoviétique. Mme Freeland a également travaillé pour le Globe and Mail, le Washington Post et The Economist.

Expertises économique et internationale

À titre de journaliste, Chrystia Freeland couvre surtout le monde économique et l’actualité internationale. Ce faisant, elle parfait ses connaissances sur ces deux plans et couvre notamment la crise financière de 2008. En 2012, Mme Freeland publie Plutocrats, un ouvrage dans lequel elle explore l’ascension de l’élite économique mondiale et les inégalités croissantes dans le monde. Ce travail renforce sa réputation d’observatrice de la mondialisation et est largement salué pour sa réflexion sur les inégalités économiques.

Élue pour la première fois…

Chrystia Freeland est élue à la Chambre des communes pour la première fois en 2013, lors d’une partielle dans la circonscription de Toronto-Centre. Même si elle siège alors comme députée de l’opposition – les conservateurs de Stephen Harper forment le gouvernement –, elle se rend en 2014 en Ukraine, peu après l’annexion de la Crimée par la Russie. Elle est interdite de séjour en Russie en vertu de sanctions imposées par le président Vladimir Poutine.

… puis invaincue

À compter de 2015 et jusqu’à ce jour, c’est à titre de députée de University–Rosedale que siège Chrystia Freeland. Quand les libéraux de Justin Trudeau sont portés au pouvoir pour la première fois, elle prend la tête du ministère du Commerce international. En 2017, elle est nommée ministre des Affaires étrangères du Canada, puis, en 2019, vice-première ministre du pays. En 2020, en remplacement de Bill Morneau, elle devient la première femme ministre des Finances dans l’histoire du Canada.

Ténor libérale

La réputation de Chrystia Freeland comme ténor libérale n’est plus à faire et elle est longtemps perçue comme l’un des plus fidèles soutiens du premier ministre Justin Trudeau. En décembre dernier, elle rompt toutefois les rangs et démissionne avec fracas de son poste de ministre des Finances, que M. Trudeau avait cavalièrement offert à Mark Carney. Elle met alors de l’avant son désaccord avec le premier ministre quant à la « meilleure voie à suivre pour le Canada ».

Source: la presse

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