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L’ancien ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau, affirme que le Canada a perdu sa position dans le monde avec le premier ministre Justin Trudeau, qu’il critique comme un dirigeant mal préparé qui donne la priorité à la politique et fait de grandes déclarations sans aucune suite.
« Je crois que Justin Trudeau a surestimé l’impact du Canada à l’étranger », a écrit M. Garneau dans son autobiographie, qui devrait être publiée en octobre par Penguin Random House.
Alors qu’une grande partie du livre est un voyage dans le passé de la carrière prépolitique de M. Garneau dans l’armée et en tant qu’astronaute, le dernier tiers est consacré à son temps en tant que député.
M. Garneau, aujourd’hui âgé de 75 ans, a été élu pour la première fois en 2008 comme député libéral de la circonscription montréalaise de Westmount–Ville-Marie, une circonscription qui est devenue plus tard Notre-Dame-de-Grâce–Westmount après un redécoupage de la carte électorale en 2015.
Il a organisé une campagne infructueuse à la direction du parti en 2013, se retirant finalement de la course et soutenant M. Trudeau, qui allait remporter une victoire écrasante.
Après l’arrivée au pouvoir des libéraux en 2015, Marc Garneau a servi dans le cabinet de M. Trudeau pendant six ans, dont plus de cinq en tant que ministre des Transports. Il a passé les neuf derniers mois en tant que ministre des Affaires étrangères, jusqu’à ce que le premier ministre Trudeau le retire complètement du cabinet après les élections de 2021.
Dans son livre, M. Garneau reconnaît avoir été pris de court par cette décision – qui selon lui ne lui a jamais été expliquée par le premier ministre.
Il dit clairement que lui et M. Trudeau avaient peu de points communs en dehors de leurs « valeurs libérales » et que les deux n’étaient pas proches.
Le ministre des Affaires étrangères peu valorisé
Une autre chose qu’il dit clairement : M. Garneau pense que le premier ministre Trudeau n’a pas valorisé l’importance d’un ministre des Affaires étrangères et n’est pas très doué dans les relations internationales.
« Malheureusement, la position du Canada dans le monde a diminué, en partie parce que nos déclarations ne sont pas toujours accompagnées d’une capacité d’agir ou d’actions qui démontrent clairement que nous pensons ce que nous disons », a-t-il constaté.
Nous perdons en crédibilité.
Marc Garneau, ancien ministre des Affaires étrangères
Il décrit les voyages de M. Trudeau en Chine en 2016 et 2017, ainsi qu’en Inde en 2018, avant son mandat de ministre des Affaires étrangères, comme « infructueux ».
Les deux voyages en Chine n’ont pas réussi à relancer les négociations de libre-échange avec Pékin, et M. Trudeau a été critiqué à l’époque pour avoir tenté de mettre des questions non commerciales sur la table lors des négociations avec le gouvernement chinois. Cela impliquait de faire pression en faveur des droits de la personne, ce qui n’a pas été bien accueilli à Pékin.
Les échecs du voyage en Inde ont été bien documentés, dont la décision d’avoir par inadvertance invité à une réception un homme reconnu coupable de tentative d’assassinat d’un ministre indien au Canada en 1986.
« Nous n’étions pas bien préparés », a déclaré M. Garneau à propos des trois visites à l’étranger.
« Fondamentalement, nous ne comprenions pas qui nous rencontrions. Nous pensions pouvoir séduire et nous étions surpris que cela ne se passe pas ainsi. Fini l’approche lucide d’un premier ministre comme Jean Chrétien, qui savait toujours à qui il faisait face et qui a forgé des alliances pragmatiques avec les puissances mondiales. »
Des stratégies retardées
Marc Garneau critique également M. Trudeau pour avoir retardé la publication de nouvelles stratégies nationales pour traiter avec la Chine et élargir les relations du Canada dans la région indopacifique.
La stratégie chinoise a été retardée en grande partie parce que Justin Trudeau et son « entourage » hésitaient à divulguer quoi que ce soit à ce sujet alors que Michael Kovrig et Michael Spavor étaient toujours détenus en Chine, écrit-il.
« Je pense que c’était une erreur pure et simple. »
De même, il dit qu’il n’a pas pu présenter une nouvelle stratégie indopacifique au cabinet, et qu’elle n’a été publiée qu’en novembre 2022 – alors qu’elle était prête depuis un an et qu’il n’était plus ministre.
Marc Garneau a refusé une demande d’entrevue sur le livre.
Le bureau de Justin Trudeau n’a pas répondu à une demande de commentaires sur son contenu.
L’ex-astronaute n’est pas le premier ancien ministre de Justin Trudeau à rédiger un mémoire fustigeant le premier ministre. En 2023, l’ancien ministre des Finances Bill Morneau a publié ses propres mémoires, dans lesquels il reprochait à M. Trudeau de prendre des décisions principalement unilatérales et de faire passer la politique avant les politiques publiques.
L’ancien ministre des Finances, Bill Morneau
Tous deux décrivent une concentration du pouvoir au sein du cabinet du premier ministre qui ne s’est pas améliorée malgré les promesses de décentralisation de M. Trudeau lors de son arrivée au pouvoir en 2015.
M. Garneau écrit que lorsqu’il était responsable des transports, M. Trudeau ne semblait pas du tout s’intéresser au dossier. Lorsqu’il est passé aux affaires étrangères, il espérait que le premier ministre souhaite solliciter son avis sur certaines questions.
Mais il ne l’a pas fait, selon lui.
Il écrit que M. Trudeau n’a fait appel à lui qu’une seule fois pour lui donner des conseils, lors d’une rencontre avec l’ambassadeur de l’époque en Chine, Dominic Barton, sur le sort actuel des deux Michael.
« L’attitude distante du premier ministre m’a amené à conclure qu’il ne considérait pas mes conseils suffisamment utiles pour vouloir m’entendre directement, s’en remettant plutôt à son personnel », a raconté M. Garneau.
J’ai trouvé cela pour le moins décevant. On s’attendait à ce que la communication entre lui et moi se fasse via le [Bureau du premier ministre], et donc par conséquent je n’ai jamais su quelles informations, le cas échéant, lui parvenaient.
Marc Garneau, ancien ministre des Affaires étrangères
Le gouvernement Trudeau, affirme M. Garneau, est globalement trop réactif et mal préparé.
« Il ne suffit pas de prêter attention uniquement lorsqu’une préoccupation surgit, ce dont ce gouvernement a pris l’habitude », a-t-il soutenu.
Un roulement trop important
Selon M. Garneau, le fait que le Canada ait eu recours à tant de ministres des Affaires étrangères différents a miné la crédibilité du rôle et a laissé l’impression que M. Trudeau et le Canada n’accordent pas d’importance ou ne donnent pas la priorité au dossier.
Marc Garneau était la quatrième des cinq personnes qui ont dirigé la politique étrangère canadienne au cours des huit années et demie où M. Trudeau a été premier ministre.
« Nos alliés pouvaient logiquement se demander si le Canada attachait suffisamment d’importance à ce dossier, et ils l’ont fait », a-t-il écrit.
Lors de chacun de ses appels de présentation avec ses homologues, il relate qu’on lui a dit qu’ils espéraient qu’il tiendrait plus longtemps que ses prédécesseurs, ce qu’il décrit comme « un message pas si subtil ».
Cela ne s’est pas produit.
Marc Garneau n’est resté que neuf mois, le mandat le plus court des cinq.
Chrystia Freeland, la deuxième à être nommée, a occupé ce poste pendant près de trois ans, et Mélanie Joly, l’actuelle ministre des Affaires étrangères, se rapproche de 33 mois dans ce rôle.
Stéphane Dion a été le premier, conservant le titre pendant 18 mois, et François-Philippe Champagne, qui a été le troisième ministre des Affaires étrangères, a été en poste pendant 14 mois.
Source: la presse