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Les conservateurs l’accusent de « tromper » les Canadiens, les bloquistes lui reprochent d’avoir « largué » une grande partie du Québec et les néo-démocrates lui en veulent pour avoir « délaissé » les femmes, la diversité et les travailleurs… À peine investi dans son nouveau rôle de premier ministre, Mark Carney a été la cible de tirs groupés de la part des chefs des principaux partis de l’opposition fédérale.
Les critiques les plus acerbes sont venues du chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, qui a accusé le nouveau premier ministre d’avoir recyclé les ministres libéraux de son prédécesseur.
Ce sont les mêmes libéraux qui ont voté pour augmenter la taxe carbone, doubler la dette, doubler les files d’attente aux banques alimentaires et augmenter les coûts du logement, a dit le leader conservateur en point de presse. Ils ont également soutenu le blocage des pipelines […], ce qui a rendu le Canada encore plus dépendant des États-Unis.
Les libéraux essaient de tromper les Canadiens pour se faire élire une quatrième fois, avec les mêmes ministres, les mêmes députés, les mêmes conseillers et les mêmes promesses libérales, et cela aboutira aux mêmes résultats.
Il a aussi dénoncé le fait que la grande région du Québec n’est pas représentée au sein du nouveau cabinet, notamment après le départ de l’ex-ministre Jean-Yves Duclos. Selon lui, le fait d’avoir aboli le ministère des Langues officielles en l’assimilant à celui de la Culture et de l’Identité canadiennes est la preuve que Mark Carney manque de respect pour le français
.
Mark Carney pense que les Canadiens sont stupides
, a encore lancé le chef conservateur.
M. Poilievre, qui a fait campagne pendant des mois en faveur de l’abolition de la tarification du carbone, une mesure environnementale phare des libéraux qui est récemment tombée en disgrâce, a par ailleurs affirmé que Mark Carney essaie d’escroquer
les Canadiens.
Selon lui, le gouvernement ne peut pas décider de l’abolition de cette taxe sans un feu vert du Parlement, dont les travaux sont actuellement suspendus.
Le Cabinet Carney, qui s’est réuni quelques minutes après la cérémonie d’assermentation, a toutefois adopté un décret qui lui permet de remettre à zéro le prix de la tarification du carbone qui touche les consommateurs. Le volet qui touche les industries restera quant à lui intact, comme l’avait promis M. Carney lors de la campagne à la chefferie du Parti libéral du Canada plus tôt cette année.
Les travailleurs pas assez soutenus, selon le NPD
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a pour sa part dénoncé l’absence de parité hommes-femmes dans l’équipe de M. Carney ainsi que la disparition du ministère du Travail.
Le nouveau gouvernement compte en effet 13 hommes et 11 femmes, si on inclut la whip en chef du gouvernement.
Le message qu’il envoie, c’est que les femmes, ce n’est pas important. La diversité, ce n’est pas important. Et les travailleurs et les syndicats ne sont pas importants.
M. Carney a justifié la réduction du nombre de ministères au sein de son gouvernement en affirmant que son équipe est plus ciblée
et axée sur l’action
. Le soutien aux travailleurs, assure-t-il, fait partie de ses principales priorités.
Toutefois, selon M. Singh, cela ne se reflète pas dans la composition du nouveau Cabinet. Les gens ont peur de perdre leur emploi […] à un moment où la vie est chère et va le devenir encore plus [en raison] de la guerre commerciale
qu’a lancée le président américain Donald Trump contre le Canada.
Depuis sa réélection, M. Trump menace d’utiliser la force économique
contre le Canada tout en répétant qu’il souhaite faire du pays le 51e État
américain. Il a notamment imposé des droits de douane de 25 % sur plusieurs produits importés du Canada, y compris l’acier et l’aluminium, deux secteurs névralgiques pour l’économie du pays, notamment celle du Québec.
M. Singh a enfin réitéré son appel pour la réouverture du Parlement afin d’adopter une série de mesures d’urgence censées protéger les travailleurs en ces temps difficiles
.
Le chef du NPD, qui a pourtant déchiré son entente avec le gouvernement minoritaire libéral en promettant de le faire tomber à la première occasion
, affirme depuis quelques semaines qu’il serait prêt à voter en faveur de mesures d’aide aux travailleurs au Parlement, quitte à retarder le déclenchement des élections.
Le Parlement a été prorogé jusqu’au 24 mars par l’ancien premier ministre Trudeau après que celui-ci eut annoncé son intention de démissionner afin de donner du temps à son parti d’élire un nouveau chef pour lui succéder.
Il est attendu que M. Carney, qui a occupé le poste de gouverneur de la Banque du Canada et qui commence tout juste à faire ses premiers pas en politique, demande à la gouverneure générale Mary Simon de dissoudre le Parlement et de déclencher des élections fédérales anticipées avant la reprise des travaux parlementaires.
« Un exercice coquet », selon le Bloc
Ne défaites pas vos boîtes
tout de suite, a ainsi conseillé le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.
Selon lui, la formation de ce nouveau gouvernement représente un exercice coquet dont la vocation […] est d’envoyer un message aux différentes régions du Canada
.
Tout comme M. Poilievre, il dénonce lui aussi l’absence de représentation pour la grande région de Québec et pour l’Est-du-Québec. M. Blanchet a aussi dit qu’il souhaite un engagement de la part du nouveau ministre des Finances, François-Philippe Champagne, de protéger les intérêts du Québec, notamment lors d’éventuelles négociations avec l’administration Trump.
C’est une occasion en or pour le Québec d’empêcher que l’aérospatiale, la gestion de l’offre, la forêt, les minéraux stratégiques, les pêcheries, la culture, l’énergie propre − ce qui définit l’essence même de l’économie du Québec − ne deviennent un ensemble de monnaies d’échange.
M. Blanchet a enfin souligné le départ du Québécois Steven Guilbeault du ministère de l’Environnement et la nomination du Manitobain Terry Duguid à sa place. On [l’]enlève de là parce qu’on veut aller chercher des votes auprès des conservateurs. C’est un peu ça, l’exercice
, a dit le chef bloquiste. Ces gens-là sont là strictement par clientélisme
, a-t-il encore dit en référence aux ministres qui composent le nouveau Cabinet.
Les provinces réagissent aussi
Du côté des provinces, les critiques se sont faites plus rares. La plupart des premiers ministres provinciaux ont félicité M. Carney pour son assermentation et pour la formation de son nouveau Conseil des ministres.
À Québec, François Legault a tenu à féliciter les ministres québécois qui font partie de son gouvernement : Mélanie Joly, François-Philippe Champagne, Steven Guilbeault, Steven MacKinnon, Élisabeth Brière et Rachel Bendayan
. Il faut poursuivre le travail pour protéger notre économie contre les tarifs injustifiés de Donald Trump
, a-t-il écrit dans un message publié sur X.
Son homologue de l’Ontario, Doug Ford, n’avait quant à lui que quelques mots à dire sur X. Commentant la fin de la taxe carbone pour les particuliers, il a dit : Bon débarras! C’était la pire taxe jamais créée!
J’ai hâte de collaborer avec vous tous au sein d’Équipe Canada afin de relever ensemble les défis à venir
, a pour sa part déclaré la première ministre du Nouveau-Brunswick, Susan Holt.
Son homologue de l’Alberta, Danielle Smith, s’est toutefois dite « extrêmement préoccupée ». Selon elle, Mark Carney a gardé dans son Cabinet des ministres responsables des politiques gouvernementales les plus dommageables imposées par Ottawa à l’Alberta depuis plus de 100 ans
.
Mme Smith, qui est une fervente défenseuse de l’exploitation des ressources pétrolières, visait ainsi les ministres Guilbeault et Wilkinson, entre autres.
Elle a également appelé M. Carney à ne plus attendre pour déclencher des élections fédérales. Cela devrait être sa première tâche
, a encore affirmé Mme Smith.