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Un million de dollars. Pour un simple feu de circulation. Il n’y a pas que les projets majeurs qui coûtent de plus en plus cher. Un peu partout au Québec, des dépenses somme toute mineures explosent, déplorent des élus qui craignent de bientôt frapper un mur.
« Où est-ce que ça va s’arrêter ? On ne pourra pas soutenir un tel rythme pendant encore des années », affirme sans détour la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, en entrevue.
Fin avril, dans une lettre publiée dans La Presse1, l’élue a dénoncé le fait que le financement des infrastructures bondit dangereusement. Même dans le registre des plus petites dépenses, « le prix de remplacement d’un seul feu de circulation est désormais de 1 million », avait-elle écrit, en évoquant une « pleine démesure ».
Sa sortie est d’autant plus frappante que, selon les calculs de la Ville de Longueuil, remplacer un feu de circulation coûtait à peine 500 000 $ en 2020.
En cinq ans, le coût de cette opération assez simple et courante a donc doublé sur la Rive-Sud.
Pire encore, le coût de 1 million n’inclut même pas les dépenses de main-d’œuvre qui, elles aussi, ont grimpé. Règle générale, à Longueuil, refaire six intersections nécessite une ressource à temps plein pendant un an et demi, ce qui signifie – dans la plupart des cas – un salaire de plus de 100 000 $.
Toutes les villes sont concernées
La situation est similaire à Montréal. Si, en moyenne, le coût de l’installation d’un feu de signalisation oscille entre 350 000 $ et 400 000 $, la facture peut vite augmenter, affirme le porte-parole Hugo Bourgouin.
« Pour des intersections plus complexes, notamment celles qui requièrent des aménagements particuliers ou des interventions majeures, comme de l’excavation […], des bases de feu irrégulières ou le déplacement de puisards, par exemple, les coûts peuvent être au-delà de 700 000 $ », note-t-il.
En entrevue, le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Varennes, Martin Damphousse, est catégorique : l’explosion des coûts de base « touche tout le monde dans le milieu municipal, et ce, sans exception ».
Un simple chalet de parc, ce n’est pas rare qu’on soit à 1 million de dollars. Et on ne parle pas d’une maison sur deux étages, là, mais simplement d’un tout petit bâtiment. […] Honnêtement, parfois, ça donne le vertige.
Martin Damphousse, président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Varennes
L’élu cite aussi l’exemple des modules de jeux. « On jouerait à un quiz et je pense que personne n’estimerait correctement le prix approximatif. En réalité, on n’est pas loin d’atteindre 100 000 $ à chaque achat pour un modèle de base. Même pour un banc de parc, ça peut atteindre 4000 $ », dit M. Damphousse.
Des normes à revoir ?
Comme plusieurs autres élus municipaux, le président de l’UMQ demande que l’on tienne dès maintenant un « état des lieux où on met en commun des constructeurs, des promoteurs, le gouvernement, le milieu municipal », afin de s’attaquer à l’explosion des coûts.
« Il faut prendre un temps d’arrêt, comprendre les causes, puis identifier des solutions à tout ça », ajoute Catherine Fournier. Elle montre notamment du doigt les processus administratifs souvent lourds liés aux travaux publics.
Règle générale, des travaux mineurs, comme ceux d’un feu de circulation, passent par plusieurs étapes. D’abord, l’étude d’avant-projet vise à analyser les besoins, évaluer la condition de l’intersection, puis recommander des améliorations. Cette étape occupe trois ou quatre employés pendant deux à trois mois.
Suit l’étude géotechnique, qui consiste à détecter les problèmes environnementaux existants ou potentiels, laquelle peut prendre jusqu’à quatre mois. Avant de lancer le chantier, il faut ensuite avoir composé une équipe de gestion des sols. Le plus souvent, il s’agit d’un consultant externe qui supervise notamment les activités de remblayage, de bétonnage et d’asphaltage.
Ultimement, la conception des plans et devis peut prendre jusqu’à quatre mois et impliquer une dizaine d’employés, en raison des différents niveaux d’approbation. Il faut se plier aux normes du ministère des Transports, faire approuver le tout par un membre de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) et s’assurer que la surveillance du chantier soit faite par un ingénieur qualifié.
« Toutes ces normes partent de bonnes intentions, mais dans le cadre d’un exercice collectif, ça vaudrait la peine de les repenser et de déterminer celles qui sont encore nécessaires en 2025 », affirme Mme Fournier à ce sujet.
Son administration s’apprête d’ailleurs à adopter un contrat pour la réfection complète des infrastructures souterraines sur un tronçon de rue de 300 mètres, sur le chemin Chambly. Coût total : 3,5 millions.
Source: la presse