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Dans un rapport déposé lundi soir, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) a constaté plusieurs problèmes dans les communications entre les agences de renseignement du Canada et le gouvernement fédéral lors des deux dernières élections fédérales.
D’après l’OSSNR, les renseignements concernant l’ingérence étrangère ne sont parfois pas parvenus jusqu’au bureau du premier ministre en 2021 parce que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et le conseiller à la sécurité nationale du premier ministre Trudeau ne s’entendaient pas sur la nature de la menace.
L’organisme indépendant a été chargé en mars 2023 de se pencher sur la gestion du renseignement sur l’ingérence étrangère au Canada à la suite de la publication d’articles dans les médias, citant des sources de sécurité anonymes et des documents classifiés qui accusaient la Chine d’interférer dans les élections fédérales de 2019 et 2021.
Certains de ces rapports suggèrent également que des membres du gouvernement libéral étaient au courant de certaines tentatives d’ingérence de la Chine, mais n’ont pas agi.
Le gouvernement a déposé le rapport de l’OSSNR lundi en fin de journée à la Chambre des communes.
Malentendu au sommet
Selon l’organisme de surveillance du renseignement, les analystes du Bureau du Conseil privé et du SCRS ont produit en 2021 des rapports destinés à servir d’aperçus des activités d’ingérence de la Chine à l’étranger.
Le conseiller du premier ministre en matière de renseignement de sécurité nationale, quant à lui, a considéré les rapports comme des comptes rendus d’activités diplomatiques normales
, selon le rapport de l’OSSNR.
L’écart entre le point de vue du SCRS et celui de l’OSSNR est important, car la question est fondamentale
, lit-on dans le document.
Le SCRS a recueilli, analysé et communiqué des renseignements sur des activités qu’il considérait comme des menaces importantes pour la sécurité nationale; l’un des principaux consommateurs de ces rapports (et le canal de facto des renseignements au premier ministre) n’était pas d’accord avec cette évaluation.
L’OSSNR estime que ce désaccord a joué un rôle dans le fait que ces renseignements ne sont pas parvenus à l’exécutif politique, y compris au premier ministre Trudeau.
Les engagements pris pour lutter contre l’ingérence politique étrangère sont simples en théorie, mais souffriront inévitablement dans la pratique si des désaccords rudimentaires sur la nature de la menace persistent au sein de la communauté.
Le rapport ne précise pas à quel conseiller du premier ministre il fait référence. Le bureau du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement a connu des changements en 2021.
Vincent Rigby a pris sa retraite et a quitté le poste à la fin du mois de juin de cette année-là, avant d’être remplacé par Jody Thomas au début de l’année 2022.
Dave Morrison, le vice-ministre des Affaires étrangères, a assuré la fonction de conseiller jusqu’à la nomination de Jody Thomas. Mais pendant la période du 16 juillet au 3 août 2021, c’est Mike MacDonald qui a assuré l’intérim.
Zone grise
L’OSSNR estime que les désaccords et les décalages
entre le conseiller et le SCRS concernent ce que l’on appelle la zone grise
, où l’ingérence étrangère politique se situe, soit à la limite de l’activité politique ou diplomatique typique.
D’autre part, le risque de caractériser un comportement politique ou diplomatique légitime comme une menace a conduit certains membres de la communauté du renseignement à ne pas identifier certaines activités comme des activités menaçantes
, souligne l’OSSNR.
Le rapport recommande que les consommateurs réguliers de renseignements s’efforcent d’améliorer les connaissances en matière de renseignement au sein de leurs départements et que, par ailleurs, la communauté de la sécurité et du renseignement développe une compréhension commune et opérationnelle de ce qui constitue une ingérence politique étrangère
.
Incohérence au SCRS
Le document indique que le SCRS a également eu du mal à composer avec la nécessité de signaler l’ingérence étrangère sans être perçu comme s’ingérant lui-même dans les élections.
Par conséquent, la diffusion par le SCRS de renseignements sur l’ingérence politique étrangère au cours des deux dernières élections a été incohérente
et la menace que représentent les activités d’ingérence étrangère n’a pas été clairement communiquée au gouvernement.
L’enquête a également mis en évidence des lacunes.
Au début du mois, la commission d’enquête sur les ingérences étrangères a estimé que les tentatives d’ingérence d’autres pays dans les élections générales de 2019 et 2021 n’avaient pas eu d’incidence sur le choix du parti qui formerait le gouvernement.
Néanmoins, les actes d’ingérence qui se sont produits sont une tache sur notre processus électoral et ont eu un impact sur le processus menant au vote
, a écrit la juge Marie-Josée Hogue dans son rapport initial.
Mme Hogue a déclaré qu’aucune des preuves qu’elle a entendues à ce jour ne suggère que les fonctionnaires ont agi de mauvaise foi
ou que des informations ont été délibérément et abusivement dissimulées.
Mais elle suggère que, dans certains cas, les informations relatives à l’ingérence étrangère ne sont pas parvenues à leur destinataire, tandis que dans d’autres cas, les informations n’ont pas été correctement comprises par ceux qui les ont reçues
, a-t-elle écrit.
Source: Radio Canada