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Le gouvernement Legault veut imposer un moratoire de 3 ans sur les évictions, le temps que la crise du logement s’apaise. La protection offerte aux aînés à faible revenu sera aussi élargie aux 65 ans et plus, comme le réclamait Québec solidaire.
La ministre responsable de l’Habitation France-Élaine Duranceau a présenté mercredi matin son projet de loi 65 «limitant le droit d’éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés».
La pièce législative reprend une partie du projet de loi déposé par Québec solidaire, qui visait à élargir la loi «Françoise David», de façon à empêcher un locateur d’évincer un aîné de 65 ans et plus à faible revenu.
La méthode de calcul du revenu donnant droit à cette protection sera aussi révisée afin de protéger davantage d’aînés. La mesure devrait profiter à environ 24 000 ménages additionnels.
D’ici à ce que les modifications législatives soient adoptées, cette protection demeure réservée aux 70 ans et plus habitant leur logement depuis 10 ans et plus.
MORATOIRE CONTRE LES ÉVICTIONS
La ministre responsable de l’Habitation propose aussi d’imposer un moratoire sur les évictions pour une période de 3 ans, ou tant que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) affichera un taux d’inoccupation sous les 3% pour l’ensemble du Québec.
Ce dernier tourne autour de 1% actuellement, une situation exacerbée par l’arrivée massive de 560 000 immigrants temporaires, incluant les demandeurs d’asile en 2023, a pointé du doigt la ministre. «C’est équivalent de recréer la ville de Québec, mais sans logement», a-t-elle illustré, en point de presse.
«On vient mettre un couvercle sur la marmite», a résumé Mme Duranceau. «On vise les spéculateurs […] qui changent le marché locatif sans réellement augmenter l’offre», a-t-elle souligné.
Ce moratoire entrera en vigueur dès la sanction du projet de loi, vraisemblablement d’ici la fin de la session parlementaire, si les partis d’opposition collaborent.
ÉVITER UNE COURSE AUX ÉVICTIONS
Québec souhaite toutefois éviter, dans l’intervalle, une course aux évictions. Des mesures transitoires entreront donc en vigueur à compter d’aujourd’hui, jusqu’à son adoption. Autrement dit, à moins d’une entente commune avec son locataire, il sera beaucoup plus compliqué, pour un locateur, de procéder à une éviction même si la loi 65 n’est pas encore adoptée.
Les demandes d’expulsion ne sont pas visées par le moratoire. Il sera donc toujours possible pour un propriétaire de logement de déposer une demande au Tribunal administratif du logement (TAL) pour expulser un mauvais locataire, par exemple pour non-paiement ou dégradation du loyer.
Le projet de loi ne vise pas non plus les reprises de logement, c’est-à-dire qu’il sera encore possible pour un locateur d’obliger un locataire à partir pour loger un parent ou un enfant, à moins que ce locataire soit âgé de 65 ans et plus et à faible revenu. Sauf si la personne que l’on souhaite reloger est aussi un aîné à faible revenu, un parent âgé, par exemple.
OPÉRATION DE RELATIONS PUBLIQUES
Comme Mme Duranceau s’opposait depuis des mois «de façon entêtée et obstinée» à protéger davantage d’aînés contre les évictions, le député péquiste Joël Arseneau considère qu’il s’agit d’une pure «entreprise de relations publiques pour réhabiliter l’image» de la ministre, qu’il juge «ternie».
Rappelons que la ministre avait refusé de profiter de son projet de loi 31, adopté en février dernier, pour élargir la loi «Françoise David».
«Ma réflexion a évolué», s’est défendue Mme Duranceau.
«Il n’est jamais trop tard pour se rendre compte qu’on a erré […] mieux vaut tard que jamais», a commenté la co-porte-parole par intérim de Québec solidaire, Christine Labrie.
La députée libérale Virginie Dufour a abondé dans le même sens que M. Arseneau, en ajoutant que la plupart des avis d’éviction pour le premier juillet ont déjà été communiqués aux locataires.
«Ce n’est pas ça qui va régler la crise du logement», a dit la députée de Mille-Îles, qui réclame davantage d’aide aux propriétaires pour améliorer le parc de logements, pour éviter de nuire à l’offre.
«La CAQ en est rendue à copier un projet de loi de QS pour violer le droit des propriétaires de duplex et de triplex. Encore une entrave qui découragera l’investissement immobilier et qui va aggraver la crise du logement», a réagi de son côté le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime.
PROJET DE LOI LIMITANT LES ÉVICTIONS ET RENFORÇANT LA PROTECTION DES LOCATAIRES AÎNÉS
DEUX PRINCIPALES MESURES:
1. Moratoire de 3 ans sur les évictions faites à des fins de changement d’affectation, de subdivision ou d’agrandissement d’un logement
- Sont exclues du moratoire: reprise d’un logement à des fins personnelles ou familiales, évictions liées à une démolition d’immeuble, RPA cessant ses activités.
- Fin du moratoire avant l’échéance si le taux d’inoccupation publié par la SCHL pour l’ensemble du Québec atteint 3 %
- À tout moment, possibilité pour le gouvernement de soustraire toute partie du territoire de l’application du moratoire, si la situation le justifie
2. Élargissement de la protection des locataires aînés contre les évictions et la reprise de logement
- L’âge d’admissibilité passe de 70 à 65 ans
- L’aîné doit occuper son logement depuis au moins 10 ans pour être admissible
- Son revenu doit être égal ou inférieur à 125 % du revenu d’admissibilité (38 000 $) pour un logement à loyer modique
Le taux d’inoccupation en chute libre:
- 2021: 2,5 %
- 2022: 1,7 %
- 2023: 1,3 %
Source: tvanouvelles