Flou et inquiétudes sur l’état des digues du Québec

22 avril 2024
Flou et inquiétudes sur l’état des digues du Québec

Assahafa.com

La date du 27 avril 2019 a marqué au fer rouge de nombreux résidents de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, dans les Laurentides. Après la rupture de la digue, le lac des Deux Montagnes a déversé son torrent sur le tiers de la municipalité. Plus de 6000 citoyens ont été évacués et 2500 maisons ont été inondées.

Des maisons comme celle de Nathalie Duval. J’ai été très très très surprise, parce qu’on m’a dit que depuis 1974, il n’y avait pas eu d’inondation et que c’était impossible, parce que la digue était haute, raconte-t-elle.

Quand j’ai acheté, c’était vraiment marqué sur mon certificat : zone non inondable.

Une citation de Nathalie Duval, résidente de Sainte-Marthe-sur-le-Lac Dans la foulée des inondations printanières qui ont durement touché le Québec aux printemps 2017 et 2019, le gouvernement a chargé un comité d’experts d’élaborer des recommandations pour la gestion des zones à risque d’inondations.

La rupture d’une digue de protection à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, au printemps 2019, a mis en lumière le fait que les ouvrages de protection contre les inondations ne font pas l’objet de suivis et ni d’entretiens réguliers, peut-on lire dans le rapport produit par ce comité.

En 2019, plus de 6000 maisons ont été inondées à Sainte-Marthe-sur-le-Lac. (Photo d’archives) De plus, il n’existe pas d’inventaire de ces ouvrages spécifiant leurs caractéristiques telles que leur localisation et leur vulnérabilité, ajoutent les experts.

Cinq ans plus tard, le problème persiste. Et les dérèglements climatiques rendent la situation d’autant plus préoccupante, alertent des chercheurs.

Au cours des prochaines années, on va faire face évidemment à des phénomènes extrêmes de plus en plus majeurs qui vont engendrer ce qu’on appelle des flash floods [crues soudaines], donc des inondations extrêmement rapides suite à des gros événements de précipitation, explique Philippe Gachon, professeur en hydroclimatologie à l’UQAM.

Une nouvelle carte… et des incertitudes persistantes

En vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, Québec prévoit mettre en place un registre public des ouvrages de protection contre les inondations une fois que les règles sur la gouvernance et la responsabilité de ces ouvrages auront fini d’être élaborées. L’information du répertoire proviendrait des municipalités ayant un ouvrage de protection contre les inondations sur leur territoire, écrit le ministère de l’Environnement dans un courriel envoyé à Radio-Canada.

Depuis les épisodes d’inondations de 2017, la province est en phase de transition, affirme Pascale Biron, hydrogéomorphologue et professeure à l’Université Concordia. Il y a beaucoup d’initiatives et énormément de fonds du gouvernement qui ont été mis à réviser en profondeur la cartographie des zones inondables, souligne-t-elle.

Pascale Biron est professeure au Département de géographie, d’aménagement et d’environnement de l’Université Concordia.

Québec s’apprête d’ailleurs à publier des nouvelles cartes de zones à risque d’inondations, qui prendront en compte l’impact des changements climatiques sur les cours d’eau, les crues plus rares, la combinaison d’aléas, les barrages influents, et les ouvrages de protection contre les inondations, etc., écrit le ministère.

Les risques d’inondations sont présentement évalués par des cotes du type 0-20 ans, signifiant que chaque année, les résidences de la zone ont une chance sur 20 d’être inondées. Ce système de classification est très mal compris, estime Pascale Biron, qui a conseillé le gouvernement dans ses travaux sur les territoires inondables.

Les nouvelles cartes utiliseront donc plutôt des catégories comme celles de risque élevé, moyen ou faible.

Rupture d’une digue : 6000 personnes évacuées à Sainte-Marthe-sur-le-Lac
Pour l’instant, peu d’informations sont connues sur la future classification des zones à risque d’inondation. Des experts demandent d’ajouter les territoires qui se situent derrière les digues parmi les régions à risque.

Dans le cas de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, il y avait une espèce de considération que la digue protégeait, donc qu’on n’était pas dans une zone à risque, affirme la professeure Biron. Il y a un faux sentiment de sécurité, souvent, qui vient avec les digues, de penser que ça va toujours nous protéger.

Mais dans les faits, la digue peut soit être endommagée ou l’eau peut éventuellement atteindre un niveau supérieur à la digue. Et là, c’est vraiment un [problème] parce que c’est une inondation qui est très très rapide.

Une citation de Pascale Biron, hydrogéomorphologue et professeure à l’Université Concordia
La professeure prône des approches comme la transparence hydraulique, adoptée par certains pays tels que la France et les Pays-Bas. Cette méthode consiste à présumer qu’il n’y a pas de digues, vérifier quelles seraient les zones inondables dans ce cas-là et ensuite intégrer ça dans la cartographie pour que les gens sachent que s’il y avait un problème, ils se trouveraient dans un territoire à risque.

Les résidents peuvent alors prévoir l’aménagement de leur maison en connaissances de cause, notamment en évitant de placer dans le sous-sol les chambres d’enfants et boîtes électriques.

Pascale Biron souligne que les digues sont associées à des « faux sentiments de sécurité », comme dans le cas de Sainte-Marthe-sur-le-Lac en 2019.

De l’avis de Philippe Gachon, il y a des bonnes choses qui vont émaner des nouvelles cartes que proposera le gouvernement.

Le professeur de l’UQAM se désole toutefois que pour l’instant, les cartes qu’on sait qu’ils vont sortir vont être surtout reliées au débordement des cours d’eau, sans tenir compte des phénomènes météorologiques qui peuvent augmenter le niveau de l’eau dans certains secteurs.

Parmi ces phénomènes figurent entre autres les précipitations majeures et l’embâcle, soit l’obstruction d’un cours d’eau par un amoncellement de glaces.

Il faut mettre des ressources nécessaires pour développer ces connaissances, développer les outils, parce que c’est essentiellement le réseau académique qui développe cette connaissance-là, insiste-t-il.

Philippe Gachon est expert en hydroclimatologie et professeur au département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Du côté de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, la digue a été reconstruite, plus haute et plus solide que la précédente. Toutefois, une question demeure : quel sera le statut de la municipalité dans la nouvelle cartographie proposée par Québec?

Ce que j’entends, c’est qu’on devrait être qualifiés en zone à risque, et non nécessairement en zone inondable, indique le maire, François Robillard. Mais les tenants et aboutissants de la zone à risque, on ne les connaît pas encore. Et malheureusement, la ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac entourant l’élaboration de cette réglementation.

Source: Radio Canada

Derniers articles
Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse.
j'accepte!