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Les sous-ministres embauchés sous contrat provenant de l’externe se sont multipliés sous le gouvernement Legault, forcé d’embaucher une coach issue de la fonction publique pour encadrer ces hauts dirigeants.
Tout récemment retraitée et comptant sur une vaste expérience de l’appareil de l’État, Line Drouin agira désormais comme «accompagnatrice» auprès des titulaires d’un emploi supérieur.
Cette ancienne sous-ministre à la Justice, qui a également chapeauté les portefeuilles de la Forêt et des Affaires municipales en passant par les Ressources naturelles, doit «accompagner» les hauts fonctionnaires qui ne sont pas issus du sérail public et les «soutenir dans [leur] familiarisation à l’environnement de la haute fonction publique», précise le Conseil exécutif.
C’est qu’il y en a de plus en plus. Depuis dix ans, le recrutement de sous-ministres embauchés sous contrat s’est intensifié.
En 2012-2013, 14% des sous-ministres en titre provenaient de l’externe. Désormais, près de 40% d’entre eux ne proviennent pas de la fonction publique. Chez les sous-ministres associés ou adjoints, la hausse est plus légère. La proportion des contractuels est passée de 18 à 19%.
BEAUCOUP DE CONTRACTUELS À LA SANTÉ
C’est au ministère de la Santé, où les salaires sont mirobolants, qu’on retrouve le plus grand nombre de hauts fonctionnaires provenant de l’externe. Le contrat du grand patron des sous-ministres, Daniel Paré, lui permet de toucher plus de 318 000$ par an. Un traitement annuel qui est majoré chaque année du même niveau d’augmentation que les cadres de la fonction publique.
Sous sa gouverne, neuf des quatorze sous-ministres adjoints ou associés du ministère de la Santé sont aussi des contractuels.
C’est le cas notamment d’Horacio Arruda, qui bénéficie d’une rémunération annuelle de 330 000$, du directeur national de la santé publique Luc Boileau (337 000$) ou du sous-ministre adjoint Stéphane Bergeron (375 000$).
À la Culture, la moitié des dirigeants ne sont pas issus de la fonction publique. Les ministères des Relations internationales et de la Cybersécurité et du Numérique ne sont pas en reste. Contractuel, l’ancien député et ex-président de la CAQ Stéphane Le Bouyonnec chapeaute les gestionnaires du ministère d’Éric Caire. Il a sous sa direction deux sous-ministres adjoints embauchés à l’externe.
PLUS PERMÉABLES À LA PRESSION POLITIQUE
Le recours accru au privé pour les administrateurs publics peut être vu comme de la bonne gouvernance puisque cette voie offre une plus grande flexibilité à l’embauche, convient Denis Saint-Martin, professeur de Science politique à l’Université de Montréal.
La CAQ va vous dire: “nous avons un meilleur instrument pour recruter des talents, parce qu’on peut y aller selon nos besoins et on peut aller chercher quelqu’un qui a une expertise, qui est un top gun, dans la santé par exemple».
Mais il y a des effets pervers à embaucher sous contrat de hauts fonctionnaires. Ces derniers «sont peut-être politiquement un peu plus fragiles» que leurs confrères qui ont une permanence du secteur public, insiste l’universitaire.
TROISIÈME LIEN
Ainsi, un sous-ministre peut plus aisément tenir tête aux politiciens quand il n’a pas de crainte de perdre son job.
«Imaginez que vous êtes ma ministre et vous me faites une proposition pour un projet quelconque, bien comme sous ministre, je peux vous dire que votre idée, c’est de la bouillie pour les chats, ça n’a pas de bon sens. On a fait les analyses de votre troisième lien à Québec, puis ça n’a aucun sens, aucun bon sens du point de vue des coûts-bénéfice. Je vais vous déplaire, mais vous ne pourrez pas me mettre dehors parce que je ne vous ai pas flatté dans le bon sens du poil», illustre Denis Saint-Martin.
«C’est l’avantage de la permanence et ça permet aux élites administratives, du moins en théorie, de dire la vérité au pouvoir et de résister à des projets qui n’ont pas de sens», renchérit-il.
Sans parler du phénomène des «portes tournantes», amplifié lorsque les administrateurs publics font un bref passage dans la fonction publique avant de retourner au privé conseiller des entreprises dans leurs relations avec le gouvernement, souligne le professeur.
Source: tvanouvelles