Un autre mandat de Donald Trump serait « dévastateur pour le climat »

14 février 2024
Un autre mandat de Donald Trump serait « dévastateur pour le climat »

Assahafa.com

Le candidat à l’investiture républicaine a fait de la question énergétique l’un de ses chevaux de bataille pour convaincre les Américains de l’inefficacité du président Joe Biden.

Donald Trump ne s’en cache pas : s’il est reporté au pouvoir, le premier jour de sa présidence lui servira, entre autres, à autoriser un maximum de forages pétroliers et gaziers. En voie de remporter les primaires républicaines si la tendance se maintient, le candidat a fait vœu de démanteler les protections environnementales mises en place par l’administration Biden et d’asseoir la « domination énergétique » des États-Unis une bonne fois pour toutes.

Après sa victoire aux caucus républicains de l’Iowa, le 15 janvier, Donald Trump a déclaré sans détour qu’il allait drill, baby, drill; extraire le plus de combustibles fossiles possible, ceux-là mêmes que la communauté internationale s’est engagée à délaisser à la COP28 sur les changements climatiques de 2023.

Le candidat a fait de cette expression son leitmotiv. Il l’a notamment servie à l’animateur vedette de Fox News, Sean Hannity, lors d’un rassemblement en Iowa, quelques semaines avant sa victoire.

Vous promettez aux Américains, ce soir, que vous n’abuserez jamais de votre pouvoir afin de vous venger de quelqu’un? lui a demandé le commentateur conservateur.

À l’exception du premier jour! lui a répondu l’ancien président du tac au tac.

J’adore ce gars! Il me demande : « Tu ne vas pas être un dictateur, n’est-ce pas? » Et je lui ai dit : […] « On va fermer la frontière et forer, forer, forer. » Après ça, je ne suis plus un dictateur, a-t-il enchaîné, tout sourire, devant la foule réunie.

Les déclarations du genre ont rythmé sa campagne depuis l’an dernier. Si les Américains lui accordent un deuxième mandat, il a promis d’en profiter notamment pour jeter à la poubelle les normes insensées de l’administration Biden sur les véhicules électriques et de couper court aux engagements des États-Unis en matière de justice climatique.

Pour la communauté scientifique et les citoyens mobilisés pour le climat, les intentions du républicain sont on ne peut plus claires. Une réélection de Donald Trump marquerait un retour en force des lobbys du pétrole à Washington et un affaiblissement des agences réglementaires qui s’assurent du respect des normes environnementales.

Les conséquences d’une deuxième administration Trump seraient dévastatrices pour le climat et pour l’environnement, résume Dana R. Fisher, directrice du Center for Environment, Community & Equity (CECE) de l’American University, à Washington.

Selon la spécialiste et auteure du livre Saving Ourselves : from Climate Shocks to Climate Action, Donald Trump entend reprendre son programme là où il l’avait laissé lors de son départ de la Maison-Blanche, en 2020, en lui ajoutant du mordant.

C’est un candidat qui se présente avec une plateforme très agressive à l’encontre des politiques climatiques, […] qui soutient clairement les intérêts fossiles et qui veut rediriger les efforts investis par le gouvernement fédéral dans la protection du climat vers une hausse de l’extraction des combustibles fossiles.

Une citation deDana R. Fisher, directrice du CECE de l’American University et auteure

Au terme de son mandat, une analyse du New York Times chiffrait à plus d’une centaine le nombre de lois et normes environnementales invalidées ou affaiblies durant sa présidence.

À son arrivée à la Maison-Blanche, en 2017, Donald Trump avait rapidement abrogé une série de politiques climatiques adoptées par l’administration de son prédécesseur, Barack Obama. Le plan de ce dernier pour faire fermer les centrales de charbon, le Clean Power Plan – pilier de la stratégie de M. Obama pour lutter contre les changements climatiques –, avait été annulé à l’automne de la même année.

Ça a été la destruction systématique des politiques environnementales de l’administration précédente, sur le plan du climat, de la biodiversité, des aires protégées, même de la réglementation des substances toxiques et nocives dans l’eau, dans l’air et dans le sol, décrit Hugo Séguin, spécialiste des politiques climatiques et directeur de la firme COPTICOM.

Sa présidence a en outre été marquée par des nominations politiques partisanes de personnalités hostiles à la question environnementale, rappelle-t-il. À la tête de l’Environmental Protection Agency (EPA), l’agence qui veille au respect des normes environnementales aux États-Unis, le nouveau président avait nommé Scott Pruitt, un climatosceptique notoire qui avait intenté par le passé plusieurs actions en justice… contre l’EPA.

Dès sa première année, l’administration Trump a aussi retiré les États-Unis de l’Accord de Paris – que le pays a réintégré dès l’arrivée au pouvoir de Joe Biden.

C’était une décision symbolique de Trump parce que l’accord n’est pas contraignant; il est tout à fait possible de le signer et de ne rien faire, explique Jean-Daniel Collomb, professeur d’études américaines à l’Université Grenoble Alpes. Et il en a sorti les États-Unis malgré tout! Ça montre très bien qu’il n’a pas du tout d’hésitation à se mettre hors du consensus.

Le rêve américain détruit par les politiques climatiques de Biden

Donald Trump s’est d’ailleurs souvent placé à contresens du consensus scientifique selon lequel les changements climatiques sont provoqués par l’activité humaine.

Celui qui affirmait en 2016 que les changements climatiques étaient une arnaque n’a pas manqué de revenir à la charge à ce sujet après avoir été évincé de la Maison-Blanche. À la suite de son mandat, il a ajouté des éléments à son argumentaire lors d’entrevues accordées à des médias américains.

Il a notamment affirmé que l’expression changements climatiques avait remplacé celle de réchauffement climatique […] parce que les températures étaient trop froides. Mais le climat, a-t-il ajouté, a toujours changé, indépendamment des activités industrielles.

Cette fois-ci, Donald Trump concentre son discours sur la domination énergétique des États-Unis, à savoir la maximisation de la production d’énergies fossiles et de la consommation énergétique au pays. Cette stratégie doit permettre aux États-Unis de réduire la flambée des prix de l’essence, du diesel et du gaz naturel tout en s’assurant que le pays ne sera plus jamais à la merci d’un fournisseur étranger, selon sa plateforme.

Alors que les États-Unis sont déjà les premiers producteurs de pétrole et de gaz naturel du monde, Donald Trump martèle que l’administration Biden empêche l’économie américaine d’être florissante comme elle l’était sous sa présidence et qu’il faut donc libérer la capacité de production énergétique pour rectifier le tir, souligne Jean-Daniel Collomb. Autrement dit, les environnementalistes qui dominent l’administration Biden détruisent le rêve américain.

Le candidat mise ainsi sur l’une des sources d’insatisfaction des Américains à l’égard de Joe Biden – l’inflation – pour tenter de convaincre les électeurs que les politiques climatiques du président sortant sont à l’origine de la hausse du coût de la vie.

Un retour planifié dans le moindre détail

En plus d’accorder des permis d’extraction au secteur pétrolier et gazier sur des terres publiques, Donald Trump risque de vouloir démanteler rapidement l’appareil réglementaire que l’administration Biden a tenté de mettre en place au cours de son mandat. Il pourrait s’attaquer aux normes imposées aux véhicules ou à celles visant les centrales électriques, cite en exemple M. Collomb.

L’essentiel des garde-fous mis en place par les démocrates pour soutenir l’expansion des énergies renouvelables – comme le solaire et l’éolien, que Donald Trump qualifie d’escroquerie – pourraient ainsi y passer.

C’est le discours le plus violent à l’encontre de l’environnement qu’on a entendu de n’importe quel politicien américain qui a la possibilité de reprendre le pouvoir.

Une citation deHugo Séguin, directeur de la firme COPTICOM et chargé de cours à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke

Dans un imposant document de plus de 900 pages baptisé Project 2025, des groupes de réflexion conservateurs, dont la Heritage Foundation, ont énuméré les priorités qui devraient faire partie du programme d’une future administration républicaine dès son premier jour au pouvoir.

Restructuration totale du programme fédéral de recherche sur les changements climatiques, nomination d’un conseiller à l’énergie et à l’environnement à l’écoute des besoins du secteur pétrogazier, remise en cause du coût social du carbone, sortie de l’Accord de Paris : voilà un aperçu de ce que ces loyalistes attendent du nouveau président.

La prochaine administration fera face à un défi de taille : démanteler les politiques et les procédures visant à faire avancer les initiatives radicales en matière de genre, de race et d’équité sous la bannière de la science. On devra en finir avec le fanatisme climatique de l’administration Biden dans l’ensemble du gouvernement, peut-on lire dans le document.

Les vastes réserves de pétrole et de gaz naturel de l’Amérique ne sont pas un problème environnemental; elles sont le moteur de la croissance économique.

Une citation deExtrait du Project 2025

Le Project 2025 montre que les forces qui soutiennent Donald Trump connaissent les leviers à leur disposition pour invalider des règlements et se prémunir contre d’éventuels recours en justice.

Il y a toute une équipe en place qui réfléchit déjà [au premier jour d’une présidence Trump]. C’est le signe que la droite qui le soutient est extrêmement organisée et bien au fait des différents outils administratifs, législatifs et judiciaires à sa portée pour atteindre ces objectifs, notamment sur le plan du climat. Ce niveau de détail est assez unique, explique Dana R. Fisher, qui étudie les politiques climatiques des États-Unis depuis plus de 25 ans.

Plusieurs personnes impliquées dans l’idéation de ce vaste programme ont déjà œuvré au sein de l’administration Trump. Et bien que le candidat républicain propose sa propre plateforme sur un site distinct, il n’y a aucune raison de croire qu’il ne soutiendrait pas le Project 2025, ajoute Mme Fisher.

S’il bénéficiait de l’appui d’une Chambre des représentants et d’un Sénat à majorité républicaine, le chemin pourrait être tracé pour réaliser un certain nombre d’actions énoncées dans le Project 2025. Comme évoqué dans les pages du document, le président compterait en outre sur une Cour suprême très conservatrice, souligne la spécialiste.

Quoique ralentie, l’action climatique des États les plus progressistes, comme la Californie et New York, pourrait se poursuivre sous une administration Trump. Ce n’est pas le politique qui détermine à lui seul si un État va dans la bonne direction, souligne Hugo Séguin. En environnement, le marché est important.

Face à la montée des prix des combustibles fossiles, les énergies renouvelables et les nouvelles technologies risquent de s’imposer comme la solution viable, que Trump le veuille ou non, prédit-il.

L’Inflation Reduction Act dans la ligne de mire de Trump

Qu’en est-il de l’Inflation Reduction Act, que Donald Trump s’est fermement engagé à abolir? Pièce maîtresse de l’administration Biden, ce programme de 370 milliards de dollars américains prévoit des investissements massifs pour favoriser la transition énergétique et freiner l’inflation au pays.

À l’instar de la Bipartisan Infrastructure Law, aussi adoptée sous Biden, l’Inflation Reduction Act finance à coups de milliards de dollars le développement d’énergies propres, en particulier dans des États rouges, c’est-à-dire réputés pour voter en faveur des républicains.

Depuis son adoption, il n’a pas été rare de voir des élus républicains assister à l’inauguration d’usines et de grands projets d’Infrastructures financés grâce à l’Inflation Reduction Act. Tous les représentants républicains ont pourtant refusé d’appuyer cette réforme au Congrès, fait remarquer Jean-Daniel Collomb.

Il serait donc plus difficile pour Donald Trump d’abroger l’IRAun héritage beaucoup plus solide que les réglementations qui sont en train d’être adoptées, selon le professeur.

Bien qu’elle s’attende aussi à ce que Donald Trump se heurte à une certaine résistance dans les communautés où ces projets prennent place, Dana R. Fisher s’inquiète de voir les républicains se ranger derrière leur chef de file.

Le récent refus des républicains de voter en faveur d’une entente bipartisane sur l’immigration laisse présager le pire, selon elle. Parce que Donald Trump n’a pas soutenu cette politique – un accord bipartisan où les républicains avaient pourtant joué un rôle important –, ils ont décidé de balayer des mois de travail, résume-t-elle. Nous avons donc des indices assez clairs de la façon dont ces élus fidèles réagissent lorsque Donald Trump prend position.

Rappelons aussi que le populisme de droite qui caractérise la rhétorique du candidat républicain s’accompagne d’une tendance à intimider ceux qui se mettent en travers de son chemin, selon Hugo Séguin. Ceux et celles qui désirent mettre en place des politiques environnementales, dit-il, risquent de se retrouver dans le collimateur de Donald Trump.

Les républicains ont fait de l’opposition [aux politiques climatiques] une marque identitaire. Un vent glacial va souffler sur les États-Unis si Trump revient au pouvoir.

Une citation deHugo Séguin, directeur de la firme COPTICOM et chargé de cours à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke

Un effet frigorifiant au Canada?

Les environnementalistes ne sont pas les seuls à avoir des appréhensions quant au possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a lui aussi déclaré qu’il y avait lieu de s’inquiéter si ce scénario venait à se concrétiser.

À l’image d’un poisson-pilote, qui se greffe aux flancs du requin pour bénéficier de ses ressources et de sa sécurité, le Canada a tendance à copier les normes américaines, illustre Hugo Séguin.

Lorsqu’un gouvernement républicain est au pouvoir de l’autre côté de la frontière, il n’est pas rare de voir des lobbys plaider que le Canada ne devrait pas chercher à imposer des normes plus exigeantes que celles des Américains. Habituellement, les gouvernements canadiens s’écrasent devant cet argument, dit le spécialiste, qui redoute un effet frigorifiant sur la volonté du Canada d’adopter des normes environnementales.

Un bilan méconnu des Américains

Pour convaincre les électeurs de le maintenir au pouvoir, Joe Biden répète qu’il est le président américain qui en a fait le plus pour lutter contre les changements climatiques.

De toute l’histoire des États-Unis, il n’y a aucun doute, affirme Jean-Daniel Collomb, qui a étudié le bilan climatique du premier mandat de Biden. En matière d’investissements, de politique industrielle, son administration a fait beaucoup plus que compenser la présidence de Donald Trump, ajoute-t-il, rappelant que le président a dû composer avec l’héritage des gouvernements précédents, qui ont tous cherché à exploiter les ressources naturelles.

Les États-Unis demeurent néanmoins en tête de liste des plus grands émetteurs de CO2 de la planète, aux côtés de la Chine. Sous Joe Biden, le pays est devenu pour la première fois le plus grand exportateur de gaz naturel liquéfié du globe. Il est pris entre la volonté de décarboner l’économie américaine et la difficulté d’aller contre des secteurs extrêmement importants pour cette économie, analyse M. Collomb.

Des électeurs interpellés par la question climatique n’ont pas digéré que le président Biden soit revenu sur sa parole en autorisant l’an dernier le projet WLorsqu’un gouvernement républicain est au pouvoir de l’autre côté de la frontière, il n’est pas rare de voir des lobbys plaider que le Canada ne devrait pas chercher à imposer des normes plus exigeantes que celles des Américains. Habituellement, les gouvernements canadiens s’écrasent devant cet argument, dit le spécialiste, qui redoute un effet frigorifiant sur la volonté du Canada d’adopter des normes environnementales.

Un bilan méconnu des Américains

Pour convaincre les électeurs de le maintenir au pouvoir, Joe Biden répète qu’il est le président américain qui en a fait le plus pour lutter contre les changements climatiques.

De toute l’histoire des États-Unis, il n’y a aucun doute, affirme Jean-Daniel Collomb, qui a étudié le bilan climatique du premier mandat de Biden. En matière d’investissements, de politique industrielle, son administration a fait beaucoup plus que compenser la présidence de Donald Trump, ajoute-t-il, rappelant que le président a dû composer avec l’héritage des gouvernements précédents, qui ont tous cherché à exploiter les ressources naturelles.

Les États-Unis demeurent néanmoins en tête de liste des plus grands émetteurs de CO2 de la planète, aux côtés de la Chine. Sous Joe Biden, le pays est devenu pour la première fois le plus grand exportateur de gaz naturel liquéfié du globe. Il est pris entre la volonté de décarboner l’économie américaine et la difficulté d’aller contre des secteurs extrêmement importants pour cette économie, analyse M. Collomb.

Des électeurs interpellés par la question climatique n’ont pas digéré que le président Biden soit revenu sur sa parole en autorisant l’an dernier le projet Willow du géant pétrolier américain ConocoPhilips sur des terres publiques, en Alaska.illow du géant pétrolier américain ConocoPhilips sur des terres publiques, en Alaska.

Pour courtiser les électeurs qu’il a pu froisser, le président Biden a annoncé en janvier l’interdiction de nouveaux terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié. Une mesure électoraliste à peine voilée, selon les experts consultés par Radio-Canada.

Il a besoin d’être soutenu par les environnementalistes. D’autant plus que son bilan climatique est assez mal connu des électeurs américains, ce qui est un peu ironique pour lui.

Une citation deJean-Daniel Collomb, professeur d’études américaines à l’Université Grenoble Alpes

Il veut montrer qu’il est à l’écoute de ces électeurs et qu’il se préoccupe des mêmes questions qu’eux, explique Dana R. Fisher. Et depuis l’annonce, on a vu de nombreux groupes de défense du climat qui critiquaient Biden se ranger derrière lui dans le cadre de la présidentielle américaine, observe-t-elle.

Ces électeurs savent toutefois que le moratoire n’empêche pas la poursuite des opérations des terminaux existants. Surtout, ils se doutent que la mesure ne survivra pas si la balance penche en faveur des républicains le 5 novembre prochain.

Ce n’est pas la meilleure façon d’inciter les électeurs à se rendre aux urnes, convient Dana R. Fisher, mais quiconque se soucie des changements climatiques n’a pas d’autre choix que Joe Biden.

Source: Radio Canada

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