Pas question de plier devant Moscou pour raviver l’accord céréalier, prévient Kiev

5 septembre 2023
Pas question de plier devant Moscou pour raviver l’accord céréalier, prévient Kiev

Assahafa.com

Mykhailo Podolyak, conseiller du président ukrainien, a prévenu mardi que l’Ukraine n’assouplira pas sa position vis-à-vis de Moscou dans le but de réactiver l’accord céréalier en mer Noire, douchant ainsi les espoirs du président turc Recip Tayyip Erdogan.

Lundi, après avoir rencontré Vladimir Poutine à Sotchi, le président turc avait fait part d’optimisme quant aux probabilités de relancer sous peu cet accord sur l’exportation de céréales ukrainiennes en mer Noire.

Nous, la Turquie, pensons que nous trouverons rapidement une solution qui répondra aux attentes, avait déclaré Recep Tayyip Erdogan.

Mais, mardi, questionné par Reuters, le conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré qu’il n’était pas question d’appliquer une politique d’apaisement envers l’agresseurPourquoi le ferait-on?, a rétorqué Mykhailo Podolyak, qui dit ne voir aucun intérêt à discuter d’options qui n’en sont pas et à encourager la Russie à commettre de nouveaux crimes.

La Russie n’a nul besoin d’accord d’exportation céréalière, a poursuivi M. Podolyak, qui affirme que Moscou veut priver l’Ukraine de tout accès au marché mondial du blé, faire grimper les prix et monopoliser le commerce en mer Noire.

De son côté, le président Poutine a réitéré lundi, après avoir rencontré son homologue turc, que l’accord céréalier ne pourra être reconduit que si l’Occident prend des mesures pour faciliter les exportations russes de nourriture et de fertilisants.

Kiev et Moscou avaient conclu en juillet 2022 cet accord d’exportations céréalières après d’âpres négociations menées sous l’impulsion de l’ONU, avec l’aide de la Turquie. L’entente créait des corridors sécuritaires que les deux parties s’engageaient à ne pas attaquer. Les navires au départ et à destination de l’Ukraine devaient faire escale à Istanbul pour être fouillés, afin d’assurer que des armes ne transitent pas avec le blé, et la Russie avait également reçu des garanties pour exporter ses céréales et ses engrais.

Mais un an plus tard, le président Poutine a refusé de le reconduire, estimant que son principal objectif n’avait pas été atteint. Le principal objectif de l’accord, soit la livraison de céréales aux pays dans le besoin, notamment sur le continent africain, n’est pas réalisé, avait écrit la présidence russe.

Comme Moscou l’avait évoqué en juillet dans un article publié sur le site du Kremlin et intitulé La Russie et l’Afrique : unir les efforts pour la paix, le progrès et un avenir prospère, la Russie a confirmé lundi qu’elle livrera gratuitement du blé à six pays africains. Elle assurera aussi à l’Égypte des tarifs préférentiels.

La Russie veut redessiner les routes du blé

De l’avis de Sébastien Abis, auteur de Géopolitique du blé et chercheur associé à l’Institut français de relations internationales et stratégiques (Iris), la Russie, premier exportateur mondial de blé, conforte sa position dominante en mer Noire et tend à redessiner les routes de la céréale.

La Russie seule assure un quart des exportations mondiales de blé et détient un stock conséquent.

Une citation deSébastien Abis, chercheur associé à l’Institut français de relations internationales et stratégiques

L’accord de la mer Noire avait permis à Kiev de sortir près de 33 millions de tonnes de produits agricoles du pays en un an, rappelle pour sa part l’économiste Joseph Glauber, chercheur à l’International Food Policy Research Institute (IFPRI) à Washington. Mais cela ne lui a pas permis de rebondir en termes de production agricole, en raison de la guerre elle-même qui a amputé d’un quart ses terres arables, explique M. Glauber.

À la suite de l’expiration de l’accord, cet été, le Kremlin avait mis en garde l’Ukraine contre les risques que courraient ses navires si Kiev s’entêtait à poursuivre ses exportations de céréales en mer Noire. Il n’y a plus, désormais, de garanties de sécurité, avait déclaré Moscou.

Comme le fait remarquer Joseph Glauber, les voies fluviales restent fragiles, car elles sont régulièrement bombardées.

Des risques accrus pour les cargos

Une grande crainte des opérateurs est désormais un dérapage en mer Noire, ce qui entraîne l’emballement des primes d’assurance. Toutefois, estime le chercheur Sébastien Abis, les Russes n’y ont pas intérêt. La mer Noire doit rester leur corridor à eux.

Depuis la fin de l’accord céréalier, la Russie multiplie les bombardements d’infrastructures portuaires ukrainiennes, tandis que Kiev utilise des drones pour viser la zone du crucial détroit de Kertch, par lequel transite une large partie des exportations russes de mer Noire.

Lundi, quelques heures avant que ne débutent les pourparlers avec le président Erdogan, Moscou avait bombardé des infrastructures ukrainiennes d’importance pour l’exportation céréalière, endommageant des entrepôts et incendiant des bâtiments. Le port d’Izmaïl, sur le Danube, a notamment été frappé par une longue attaque de drones, selon le gouverneur de la région d’Odessa.

On est dans une zone où les risques ont considérablement augmenté pour les cargos, là où, avant, les risques se concentraient sur les bâtiments de guerre, résume Mathieu Berrurier, directeur général du groupe Eyssautier Verlingue, un courtier en assurances spécialisé dans la protection des entreprises basé en France, et ayant des bureaux à Londres et à Athènes.

Moscou soigne son image, selon une experte

En annonçant la livraison de blé à six pays africains, Moscou cherche d’abord à soigner son image, selon Olia Tayeb Cherif, responsable d’études à la Fondation pour l’Agriculture et la ruralité dans le monde, basée en France.

En entrevue lundi à l’émission Ça nous regarde, sur ICI Première, la chercheuse a expliqué que la situation en ce qui a trait aux prix des céréales a évolué : on n’en craint pas l’inflation comme c’était le cas au début de la guerre en Ukraine, et le prix du blé est plutôt stable depuis quelques mois. L’impact du conflit n’occasionne pas une situation de famine, affirme-t-elle.

S’appuyant sur des chiffres publiés chaque année par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur la hausse de l’insécurité alimentaire, Mme Tayeb Cherif dit que les cas les plus graves de famine surviennent dans des zones frappées par des accidents climatiques, qui se conjuguent souvent à des conflits armésC’est dans des régions très précises : on peut citer le Yémen, l’Afghanistan et surtout la Corne de l’Afrique. Le conflit ukrainien n’aura pas un impact aussi grand.

Source: Radio Canada

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