« Trop lent », Québec tarde à dépenser le milliard économisé en santé

30 août 2023
« Trop lent », Québec tarde à dépenser le milliard économisé en santé

Assahafa.com

La Coalition avenir Québec avait promis d’aller chercher de l’argent dans les poches des médecins spécialistes tout en revoyant la pertinence de certaines pratiques médicales. Elle y est parvenue, mais ces économies tardent à être réinvesties dans le système de santé, montre un rapport obtenu par Radio-Canada.

Le document a été produit par l’Institut de la pertinence des actes médicaux (IPAM), qui a la responsabilité, depuis mars 2020, de trouver les économies en santé pour le compte du gouvernement.

Dans le rapport, remis aux fonctionnaires du ministère de la Santé, l’IPAM montre qu’il a fait sa partie du travail, mais il déplore que le ministère tarde à faire la sienne, soit de mettre en place les projets pour réinvestir cet argent au bénéfice des patients.

Le rythme de déploiement des projets de réinvestissement est trop lent.

Une citation deExtrait du rapport de l’Institut de la pertinence des actes médicaux

Avec l’aide des médecins spécialistes, l’IPAM a identifié 1,4 des 1,6 milliard de dollars d’économies à aller chercher dans l’enveloppe de rémunération des médecins spécialistes. Il a aussi trouvé 234 des 240 millions d’économies récurrentes par année, la moitié venant de tarifs médicaux réévalués, et l’autre moitié, de changements de pratiques médicales.

L’Institut a aussi défini les projets que le ministère doit mettre en œuvre pour réinvestir ces économies. C’est cette conclusion du travail qui se fait attendre.

Selon l’état de situation au 31 mars 2023, un total de 55 projets de réinvestissement d’une valeur de 910 millions de dollars ont déjà été approuvés, mais seuls 53 millions ont été réellement dépensés, soit 6 %.

Les projets n’avancent pas, confirme une source bien au fait de ce dossier. Le problème, c’est de mobiliser le paquebot, ajoute cette source en faisant référence à la lourdeur du ministère de la Santé.

Lors de la signature de l’entente entre le gouvernement et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), en 2019, Christian Dubé (alors président du Conseil du Trésor) avait déclaré que cet accord jetait les bases d’un nouveau partenariat qui permettra un réinvestissement dans le réseau de la santé au bénéfice des patients.

Toutes ces économies seront réinvesties dans le réseau pour améliorer l’accès aux soins en médecine spécialisée, avait ajouté M. Dubé.

Le ministère admet des délais et promet d’accélérer

Invité à réagir au rapport de l’IPAM, le ministère de la Santé reconnaît des « délais » attribuables à deux facteurs : la pandémie, qui a monopolisé les ressources, et l’importante pénurie de main-d’œuvre [qui] a grandement affecté la capacité du réseau à mettre en place les projets approuvés aussi rapidement que visé.

Ces objectifs ambitieux […] nécessitent l’apport d’énormément de ressources. Parmi les projets, plusieurs sont des transformations importantes des pratiques qui nécessitent une planification d’envergure.

Une citation deFrancis Martel, porte-parole du ministère de la Santé du Québec

En ce moment, nos équipes sont mobilisées afin d’accélérer la cadence du démarrage de projets, assure le ministère.

Par ailleurs, Québec calcule les choses un peu différemment de l’IPAM. Le ministère estime que ce sont plutôt 270 millions qui ont été réinvestis depuis 2019, y compris ce qui a été fait avant la mise en place de l’Institut.

Parmi les exemples de projets financés, on peut citer le rapprochement entre les gériatres et la première ligne, le développement d’un projet pilote pour l’implantation de la télé-échographie obstétricale en région éloignée ou encore la mise en place du guichet d’accès à la santé mentale.

Mais tous les projets ne sont pas aussi avancés.

Des projets à risque?

Plusieurs de ces projets risquent même d’être compromis, selon le rapport de l’IPAM. Dix d’entre eux sont classés en situation critique, soit parce qu’ils sont suspendus, soit parce que leurs orientations ne sont pas définies.

Pour 15 autres projets, l’IPAM signale des retards de démarrage, de planification ou de déploiement.

Un exercice de repriorisation des projets est en cours et implique l’ensemble des partenaires, peut-on lire dans le rapport. Il est question, par exemple, du projet de dossier médical électronique et du projet de reprise des activités chirurgicales.

L’IPAM calcule que les projets qui connaissent le plus de difficultés totalisent 605 millions de dollars, soit les deux tiers de la valeur totale.

La réalisation des économies afférentes aux mesures de pertinence identifiées est tributaire à près de 50 % de la mise en place des projets de réinvestissement, d’où l’importance d’une mise en œuvre rapide des projets.

Une citation deExtrait du rapport de l’Institut de la pertinence des actes médicaux

Contactée par Radio-Canada, la direction de l’IPAM confirme qu’elle constate que ça prend plus de temps à démarrer que prévu. Elle évoque plusieurs raisons : pénurie de personnel, projets approuvés en période de pandémie, réorganisation au sein du réseau des établissements de santé, résistance de la part de certains médecins spécialistes, etc.

Nous sommes en train de préparer une rencontre pour fin septembre avec les partenaires du ministère de la Santé et de la FMSQ, ajoute la direction de l’IPAM.

Nous allons voir jusqu’où il faudra prioriser, revoir ou même abandonner des projets et revoir des échéanciers dans le cadre d’un plan d’action.

Une citation deDirection de l’Institut de la pertinence des actes médicaux

Ce qui est important pour nous, c’est de nous assurer qu’à la fin de 2025, tous les projets de réinvestissement et toutes les mesures de pertinence seront démarrés ou réalisés à notre satisfaction, ajoute l’IPAM.

L’opposition demande des comptes

Ce retard est désolant, selon le Parti libéral du Québec. Christian Dubé préfère passer ses semaines à brasser des structures plutôt que de se concentrer sur des projets comme ceux-ci qui peuvent améliorer dès maintenant les soins aux Québécois

Québec solidaire accuse le ministre Dubé d’être gratteux. Le député Vincent Marissal lui demande d’injecter rapidement cet argent dans le réseau de la santé : on a besoin de ce milliard [de dollars] pour bonifier les conditions de travail des infirmières, pour rénover nos infrastructures vieillissantes et pour investir en prévention, le parent pauvre du réseau.

Qu’est-ce qu’on attend pour agir? demande pour sa part le Parti québécois. Avec les listes d’attentes qui s’allongent, l’accès déficient aux services dans tout le réseau, ce n’est pourtant pas sorcier de cibler les priorités, a déclaré le député Joël Arseneau.

Source: Radio Canada

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