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Depuis l’éclatement de la pandémie, le premier ministre Legault s’est rendu compte qu’il fallait parfois sortir le bâton pour les gestionnaires du réseau de la santé. Sans, toutefois, aller jusqu’à saluer la réforme Barrette, sous le gouvernement Couillard.
François Legault nous donne rendez-vous au centre de vaccination du stade olympique, après sa 105e conférence de presse depuis le début de la pandémie. Il est fébrile. On peut dire que c’est son premier vrai bain de foule en un an. Sur place, il remercie les travailleurs de la santé pour leur lutte acharnée contre le virus.
Malgré les efforts sans relâche des employés, le paquebot
de la santé, comme il l’appelle, avait besoin d’un sérieux coup de barre pour affronter la tempête. Le premier ministre nous énumère de nouveau toutes les mesures que son gouvernement a mises en place pour responsabiliser
le réseau.
Entre autres, il fallait rendre les gestionnaires imputables dans les établissements et nommer des responsables de la prévention des infections. Le remplacement du capitaine après la première vague, la ministre Danielle McCann, était aussi nécessaire.
C’est pas un blâme envers Danielle, répète-t-il d’emblée, en entrevue à Radio-Canada. Danielle, c’est quelqu’un qui collabore, écoute, concilie. Elle l’a très bien fait, mais ç’a été très épuisant. La sentait-il épuisée? Ce que je sentais, c’est que tout le monde était épuisé! On ne peut pas travailler semaine après semaine, sept jours sur sept. Psychologiquement, c’était dur de voir autant de décès, ce qui se passait dans les CHSLD, des gens qui n’étaient pas nourris, qu’on abandonnait…
François Legault rappelle qu’il manquait 20 000 employés dans le réseau au plus fort de la pandémie, mais que son appel pour embaucher massivement des préposées aux bénéficiaires a fonctionné.
Selon lui, le réseau de la santé souffrait des réformes de l’ancien ministre Gaétan Barrette. Au début du mandat de la CAQ, seule Danielle McCann pouvait cicatriser les plaies avec sa douceur. Mais on comprend entre les lignes que sa plus grande qualité s’est révélée un défaut quand la pandémie a éclaté. Le drame du CHSLD Herron a durement rappelé au gouvernement Legault qu’il devait tenir fermement le gouvernail de la santé, pour éviter que le paquebot vogue à la dérive.
Moi, je vous dirais que Danielle McCann était la meilleure personne pour apaiser et motiver le réseau. Je pense que Christian Dubé a une approche un peu plus cassante, qui est nécessaire actuellement parce qu’il y a un travail à faire sur l’imputabilité. Par ses propos, on comprend que François Legault s’est rendu compte durant la pandémie qu’il fallait parfois sortir le bâton pour les gestionnaires du réseau… sans, toutefois, aller jusqu’à saluer la méthode Barrette.
Il aime visiblement retrouver cette approche chez d’autres hauts fonctionnaires, comme la sous-ministre à la Santé, Dominique Savoie. Elle est un peu cassante, elle aussi! dit-il, un sourire en coin.
Le Dr Arruda, toujours l’homme de la situation?
L’approche cassante
n’est cependant pas celle de son directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda. Malgré les faux pas et les critiques grandissantes à son endroit, François Legault n’hésite pas une seconde lorsque nous lui demandons s’il le considère encore l’homme de la situation : Absolument!
Même s’il reconnaît que l’étoile du Dr Arruda a pâli depuis le printemps, il le défend. C’est la même chose pour moi, là! Il y a des Québécois qui trouvent que je suis trop dur, que je vais trop loin… et il y a des Québécois qui trouvent que je ne vais pas assez loin, que je suis trop lousse. C’est la même chose avec le Dr Arruda! […] Ce n’est pas un équilibre qui est facile.
Il se félicite d’avoir été plus sévère que certaines des recommandations, notamment durant le temps des Fêtes. Alors que la santé publique recommandait la réouverture des cinémas, des salles de spectacle et des restaurants, François Legault a choisi de les garder fermés. Il a aussi refusé de mettre en place des demi-classes dans les écoles. Selon lui, la cellule de crise ne fait pas face à deux visions différentes, mais il y a aussi une question de regarder la faisabilité et des fois, la santé publique nous arrive avec des choses qui ne sont pas faisables
.
Des décisions contestées
Tout porte à croire que certaines décisions des derniers mois ont suscité de vifs débats, même dans l’entourage immédiat du premier ministre. Ayant plusieurs amis dans les milieux d’affaires, culturels et de la restauration, il explique qu’il a dû défendre certaines de ses décisions… notamment auprès de ses amis de tennis
, qui se demandent encore pourquoi les installations sportives intérieures ne sont toujours pas ouvertes, alors que les cinémas le sont.
À la question avez-vous perdu des amis à cause de vos décisions?
, il se garde de donner des détails trop personnels, mais il affirme vaguement que des vrais amis, on ne perd jamais ça à cause d’une chicane comme ça… C’est plus des connaissances. Et la plupart de ces personnes-là, aujourd’hui, je pense qu’elles sont plus en accord avec les décisions que j’ai prises.
François Legault trouve aussi très, très dur
de constater les répercussions de ses décisions sur sa mère de 92 ans. Il lui parle souvent et tente de l’encourager en lui rappelant que la vaccination va permettre un retour graduel à la normale. Une de mes sœurs est devenue grand-mère, donc ma mère est devenue arrière-grand-mère. Elle ne peut pas voir le petit, qui a maintenant presque 1 an
, dit-il.
Le défi des listes d’attente en chirurgie
Un total de 144 993 patients sont en attente d’une chirurgie, contre 114 000 avant la pandémie. Réduire cette liste sera sans aucun doute l’un des prochains défis du gouvernement Legault. Le premier ministre assure que le délestage n’a fait aucun mort jusqu’à maintenant. Il dit l’avoir vérifié lui-même auprès de sa sous-ministre Lucie Opatrny, après la mort d’une jeune mère de 28 ans qui attendait une chirurgie.
Il n’y a pas eu de délestage pour le genre de chirurgie qu’elle attendait
, affirme-t-il. Ce qu’elle [Lucie Opatrny] me dit, et moi je la crois, c’est qu’il n’y a aucune chirurgie urgente où il y a une question de vie ou de mort qui a été reportée. [….] Il peut y avoir des cancers qui progressent, mais les balises sont respectées. Quand quelqu’un a besoin d’être opéré pour le cancer, il est opéré pour le cancer.
François Legault maintient qu’une enquête publique sur sa gestion de la pandémie n’est pas nécessaire puisqu’il a nommé la Commissaire à la santé et au bien-être pour examiner les décisions. Il se défend d’être borné quand on lui demande ce qui l’effraie. Quand je regarde la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique, ils ont fait exactement comme nous. […] Est-ce que les autres provinces sont bornées? Je pense que c’était surtout important d’avoir un rapport rapide, en septembre cette année.
Désaccords avec Ottawa
Le premier ministre refuse d’admettre que la politique a parfois pris le dessus sur la pandémie, en ce qui concerne ses relations avec son homologue Justin Trudeau. Les deux hommes ont souvent croisé le fer, notamment sur la question des transferts en santé et des actions à poser pour éviter que les voyageurs propagent le virus.
Il y a des décisions qui ont été prises par Justin Trudeau avec lesquelles je n’étais pas d’accord!
Lorsqu’on lui demande s’il juge que M. Trudeau est responsable d’une partie des problèmes rencontrés durant la pandémie, il cherche ses mots pour exprimer sa pensée. Le virus est entré par les frontières. Est-ce qu’on aurait pu être plus rapides à fermer les frontières? Moi, je pense que oui
, répond-il.
Il convient cependant que le premier ministre canadien a été très prudent tout au long de la pandémie. Je suis de ceux qui souhaitent qu’on soit plus prudents
, conclut François Legault. Pour cette raison, il est convaincu que le Québec se relèvera de la pandémie et qu’une nouvelle vie
pourra bientôt commencer, grâce à l’accélération de la campagne de vaccination.
Source: Radio-Canada