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Plusieurs banques ont été incendiées ce vendredi par une population qui subit de plein fouet la chute de la livre libanaise et la faillite économique du pays. Des difficultés aggravées par un confinement qui a duré deux mois.
Les véhicules de pompiers ont été incapables, ce vendredi, d’aller éteindre les banques incendiées par les manifestants au cours des dernières vingt-quatre heures dans les rues des principales villes du pays, par manque de carburant. Ce n’est là qu’un détail concret de l’effondrement économique de l’Etat libanais. Le signal beaucoup plus flagrant se mesure aux taux de change de la monnaie nationale qui a encore plongé ces derniers jours atteignant des pics de 6 000 ou 7 000 livres pour un dollar vendredi. Indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1 507 livres, la monnaie a amorcé sa chute vertigineuse cet automne. Le pays a été déclaré officiellement en banqueroute en mars. La dégringolade se traduit par une explosion de l’inflation dans le pays, affectant les prix des produits alimentaires de base pour les habitants dont près de 40 % sont passés sous le seuil de pauvreté.
Après de nouvelles manifestations de colère qui ont tourné à l’émeute jeudi soir, notamment à Tripoli, la deuxième ville du pays, un «vendredi de rejet de la débauche du dollar» a été décrété. Une grève générale a été observée à l’appel de l’association des commerçants du Liban Nord dans tous les secteurs comme «première étape vers la grève illimitée et la désobéissance civile» menace le regroupement de la ville devenue épicentre de la contestation.
La crise financière et économique a été encore aggravée par les mesures de confinement pendant deux mois pour enrayer la propagation du Covid-19, conduisant à des fermetures de commerces et des licenciements massifs. Les manifestants visent en particulier le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, pour son incapacité à enrayer la dépréciation de la monnaie, ainsi que le gouvernement dirigé par Hassane Diab, jugé incompétent et passif face à la gravité de la situation.
«Une simple piqûre de morphine»
Face à l’explosion de colère, le gouvernement libanais a multiplié les réunions vendredi, en présence de Riad Salamé, ainsi que d’autres dirigeants des banques du pays. L’injection de dollars sur le marché a été annoncée par plusieurs responsables pour faire remonter la monnaie. «La Banque du Liban a commencé à injecter des dollars. La situation est positive», a déclaré le ministre de l’Industrie. «Il y a une volonté du gouvernement de soutenir la livre. Nous nous sommes accordés pour injecter des dollars sur le marché pour répondre aux besoins nécessaires des Libanais», a déclaré de son côté le vice-président des agents de change, Mahmoud Halawé, ajoutant que les forces de sécurité allaient renforcer leur lutte contre le marché noir.
«Une simple piqûre de morphine», réagit un commerçant de Beyrouth joint par téléphone. «La réalité, c’est qu’il n’y a plus d’argent disponible chez qui que ce soit», affirme Joseph Tohmé, du mouvement «Citoyens et Citoyennes dans un Etat». Ce parti politique fondé récemment prône une refondation totale du système politique libanais. Il appelle à une manifestation ce samedi réclamant la fin du «gouvernement de répartition» confessionnel et la constitution d’un «gouvernement de transition pour établir un projet politique alternatif».
Corruption et incompétence
La formule de répartition du pouvoir entre communautés libanaises est remise en question depuis la grande révolte déclenchée en octobre 2019. Les difficultés économiques ces dernières années ont été l’un des catalyseurs du soulèvement inédit, pour dénoncer une classe politique quasi inchangée depuis des décennies, accusée de corruption et d’incompétence. «Pendant plus de vingt ans, le Liban a vécu grâce aux capitaux déversés de l’étranger par les pays du Golfe, l’Iran ou les expatriés libanais, conclut Joseph Tohmé. Tout cela s’est tari ces dernières années. Mais le gouvernement est dans le déni.»
Source: Liberation