Une route des vacances à la circulation « infernale »

7 juillet 2025
Une route des vacances à la circulation « infernale »

Assahafa.com

Une fois de plus cet été, les véhicules récréatifs ont repris leurs droits sur la route 132, au Bas-Saint-Laurent. Or, même si les automobilistes n’ont jamais été aussi nombreux, Québec ne décaissera pas d’argent supplémentaire pour compléter l’autoroute 20 dans les prochaines années et se limitera à des travaux d’asphaltage sur la 132. Au grand dam d’élus et de résidents exténués par le flot incessant de véhicules.

Attablés à la Cantine côtière à Saint-Fabien, Gilles et Nathalie cassent la croûte par un midi ensoleillé, à quelques pas de la route provinciale. Le couple de la région de Québec, qui a commandé le poisson du jour, revient d’un séjour de quelques jours en Gaspésie.

On n’arrête pas de sauter avec notre véhicule tout le long de la route!, décrit le vacancier. Lorsque questionné sur l’état de la route des vacances, il évoque le projet de construire un troisième lien à plusieurs milliards de dollars dans la Capitale-Nationale, sa région natale.

C’est un désastre, pour moi, de voir que nos politiciens gaspillent notre argent à toutes sortes de choses frivoles, alors qu’ils devraient se concentrer sur la seule voie qu’on a pour aller en Gaspésie, martèle-t-il avant d’attaquer son dîner.

Dans le village voisin de Saint-Simon-de-Rimouski, Martine Dumont s’apprête à s’engager sur la 132 depuis sa demeure, une manœuvre qui peut lui prendre entre cinq et dix minutes pendant les vacances de la construction, en raison de l’achalandage, selon ses dires.

Plus ça va, plus il y a des automobiles, des gros pick-ups avec des grosses roulottes… Ça n’arrête pas, c’est l’enfer! commente la résidente. Par chance, sa maison est quelque peu reculée par rapport à la route 132, contrairement à celles qui sont embarquées sur le trottoir et pour lesquelles ça doit vibrer.

Quand la vaisselle claque

C’est loin de n’être qu’une impression. Après une certaine accalmie pendant la pandémie, l’achalandage est reparti à la hausse sur la route 132 pour atteindre des sommets inégalés, selon des données du ministère des Transports publiées ce printemps.

Entre Saint-Simon et Saint-Fabien, tronçon qui a été le théâtre de plusieurs accidents, plus de 10 000 véhicules empruntent quotidiennement la voie rapide pendant l’été, depuis deux ans. Et cette année encore, sur la 132, on en voit beaucoup, note le pdg de Tourisme Bas-Saint-Laurent, Pierre Lévesque.

Pour la portion à l’est de Saint-Fabien, ils sont plus de 11 000 par jour à circuler sur la route qui longe le parc national du Bic depuis 2021.

À la ferme d’Éric Beaulieu et de Karine Guy, située le long de la 132 à Saint-Fabien, nul besoin de statistiques; le trafic y est constant et bruyant, peu importe les chiffres.

Quand je suis arrivée ici, la vaisselle ne se promenait pas dans les armoires. Maintenant, quand il y a des grosses craques dans le chemin et que des vans passent dessus, ça fait ka-cling dans l’armoire!

Son conjoint acquiesce, lui qui doit parfois traverser la voie au volant de son tracteur pour rejoindre sa parcelle de terre située de l’autre côté. Des doigts d’honneur, j’en ai déjà eu, relate Éric Beaulieu.

Aux visiteurs désireux de se rendre à la ferme, le couple suggère de poursuivre leur route jusqu’au village et de faire demi-tour plutôt que de risquer d’attendre que la voie soit libre en direction inverse. Ici, on peut se faire taper dedans n’importe quand, affirme Karine Guy.

Ce que le couple déplore par-dessus tout, c’est que le prolongement de l’autoroute 20, projet promis depuis un demi-siècle qui consiste à relier Notre-Dame-des-Neiges au Bic, a été mis sur pause au printemps dernier. Même si Québec maintient qu’il s’agit d’un projet « important », aucune nouvelle somme n’est consentie pour sa réalisation d’ici 2030 en raison du contexte budgétaire.

Des travaux d’asphaltage sont néanmoins prévus dans les deux prochaines années sur les secteurs de la R-132 à l’est des municipalités de Saint-Simon-de-Rimouski et Saint-Fabien.

On délaisse une population comme si la région n’était pas importante, constate le maire de Saint-Simon, Denis Marcoux, qui qualifie la circulation d’infernaleLe patchage, ça finit par coûter cher. On met beaucoup d’argent dans ces choses-là, et au bout de quelques années, c’est à refaire. Faudrait arrêter de faire ça et régler le problème une fois pour toutes.

Jusqu’ici, la Municipalité de 455 âmes n’a jamais voulu prendre position dans l’épineux – et éternel – débat sur le prolongement de l’autoroute 20 dans le Bas-Saint-Laurent. Si l’achalandage sur la 132 est intenable pour certains, il fournit une clientèle abondante pour bien des commerçants.

Mais le maire en a assez. C’est pourquoi les élus de Saint-Simon seront appelés à se prononcer sur une résolution pour appuyer la finalisation du tronçon. La motion sera débattue lundi soir lors de la séance du conseil municipal.

Ici, comme un peu partout le long de la 132 à l’est de Notre-Dame-des-Neiges, des résidents exhibent des pancartes orange sur lesquelles on peut lire On veut l’A-20. Elles sont immanquables pour les dizaines de milliers de passants.

D’autres propriétaires ont toutefois décidé d’afficher une autre position. L’an dernier, le restaurant Bon voyage, notamment, a installé une pancarte rose réclamant plutôt des améliorations à la route provinciale existante. Mais cette année, aucune affiche en vue à l’intersection fabiennoise.

La raison? Le commerce se l’est fait voler, indique un représentant de la bannière au bout du fil. Plantera-t-il une nouvelle affiche cet été? Je ne sais pas, nous répond-il, expliquant avoir d’autres priorités.

Prolonger ou améliorer?

Malgré la conviction de nombreux citoyens vivant sur le bord de la route 132, compléter la cinquantaine de kilomètres d’autoroute restants ne fait pas l’unanimité dans la région.

Des citoyens notamment établis à Trois-Pistoles et Notre-Dame-des-Neiges rejettent en bloc le projet entre autres pour des raisons environnementales. Son achèvement implique de construire le plus haut pont au Québec pour traverser la rivière des Trois Pistoles, un joyau naturel que plusieurs souhaitent protéger bec et ongles.

Outre la destruction de milieux humides et l’émission de gaz à effet de serre, les opposants en ont contre le prolongement puisqu’il se base entre autres sur des consultations qui remontent à il y a plus de 20 ans. À l’époque, la société accordait moins d’importance aux changements climatiques et à la protection des milieux naturels, d’après eux. C’est pourquoi ils réclament la tenue de nouvelles audiences publiques sur l’environnement.

Ils appellent plutôt le gouvernement Legault à améliorer la route 132 existante en réduisant la limite de vitesse et en ajoutant des bandes rugueuses et des voies de dépassement, par exemple. Sur leur site Internet, le regroupement Le pont de la 20 ça tient pas debout propose même d’aménager une voie de contournement pour éviter de traverser le village de Saint-Simon-de-Rimouski.

Il faut que ce soit fait conjointement avec d’autres choses, ajoute le porte-parole du regroupement, Sébastien Rioux. Il cite en exemple le développement du transport collectif en région et la réduction du transport lourd par camion comme solutions pour diminuer l’achalandage sur la 132.

Le maire de Saint-Simon-de-Rimouski reçoit toutefois avec incrédulité les suggestions d’améliorer la seule route qui relie l’Est-du-Québec au reste de la province. Pour lui, les scénarios proposés ne sont pas de vraies solutions susceptibles de calmer les récriminations de sa population.

Il rappelle avoir demandé au ministère des Transports, dès son élection en 2021, de réduire la vitesse à l’extérieur du village. Les fonctionnaires lui ont refusé sa demande, tout comme celles de Saint-Fabien et du secteur du Bic, à Rimouski. Pour eux, la priorité, c’est pas les citoyens à Saint-Simon, c’est la fluidité de la circulation, analyse l’élu.

Par écrit, le ministère des Transports assure apporter les correctifs qui s’imposent lorsqu’une Municipalité lui demande d’améliorer une portion de route, mais seulement si les études menées concluent que des améliorations sont requises.

Il importe de souligner que la configuration de la route 132 entre Notre-Dame-des-Neiges et Rimouski est conforme aux normes en vigueur, insiste le porte-parole du ministère, Jean-Philippe Langlais, au sujet de la voie qui a fait l’objet d’un épisode de l’émission Les routes les plus dangereuses du monde diffusée à TV5.

Partisans et détracteurs du prolongement de l’A-20 s’entendent toutefois sur une chose, selon Sébastien Rioux; la sécurité routière doit impérativement être améliorée dans la région. C’est pourquoi le regroupement Le pont de la 20 ça tient pas debout se dit déçu par le fait que la 132 ne fera que l’objet de travaux d’asphaltage dans les prochaines années.

La population du Bas-Saint-Laurent se fait complètement niaiser! Ça fait 50 ans qu’on n’améliore pas la sécurité en ne touchant pas à la 132 et en ne faisant pas de 20. Il faut arrêter de tergiverser là-dessus!

Une citation deSébastien Rioux, porte-parole du regroupement Le pont de la 20 ça tient pas debout

Ce n’est pas normal qu’il y ait des autobus scolaires qui circulent sur la même route que les poids lourds, tranche pour sa part Éric Beaulieu depuis son terrain qui offre une vue privilégiée, mais bruyante, sur le pic Champlain. Pour lui, améliorer la 132, une route pour les touristes, ne réglera rien.

À quelques maisons de là, une dame âgée raconte vouloir déménager sous peu. Elle avait posé ses pénates sur le bord de la 132 en espérant un jour voir la circulation s’apaiser avec le parachèvement de l’autoroute 20 dans la région.

Force est de constater qu’elle n’assistera pas de sitôt à l’apaisement escompté.

Source: Radio Canada

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