LA DÉRIVE STRUCTURELLE DU MODÈLE AKDITAL ET LE RISQUE D’UNE PRIVATISATION RAMPANTE DU SYSTÈME DE SANTÉ

20 novembre 2025
LA DÉRIVE STRUCTURELLE DU MODÈLE AKDITAL ET LE RISQUE D’UNE PRIVATISATION RAMPANTE DU SYSTÈME DE SANTÉ

Assahafa.com

Adraoui Abderrahmane

La séquence ouverte par l’initiative avortée des centres de proximité d’Akdital a agi comme révélateur d’une dynamique plus profonde : celle d’un acteur privé dont l’expansion, longtemps tolérée, s’est muée en force centrifuge capable d’altérer l’équilibre institutionnel du secteur sanitaire. L’épisode du retrait soudain, imposé par la mobilisation conjointe des corporations médicales, n’est pas l’expression d’une régulation maîtrisée, mais le symptôme d’un système qui avance par à-coups, au bord de la rupture.

L’approche adoptée par Akdital reposait sur une structure parallèle, hybride, échappant aux catégories prévues par la loi, cumulant actes cliniques, imagerie, télémédecine et procédures relevant normalement d’établissements dûment autorisés. La logique affichée de « couverture territoriale » masquait un mouvement d’implantation dans des zones déjà pourvues, transformant le déficit sanitaire en prétexte stratégique. Cette méthode révélait moins un besoin réel qu’une volonté d’étendre un dispositif capable d’absorber progressivement l’activité libérale classique grâce à des tarifs d’appel et à une puissance financière impossible à égaler par les praticiens indépendants.

La réaction professionnelle, rare par son ampleur, a souligné la nature du risque : l’émergence d’un quasi-monopole structurant, capable d’industrialiser l’acte médical et de réduire la pratique à un simple maillon d’une chaîne productive. Cette inquiétude s’inscrit dans un climat institutionnel déjà rendu volatil par d’autres dossiers nationaux où l’appareil public a montré sa difficulté à imposer des limites claires aux acteurs dominants. L’attitude d’Akdital elle-même – exprimée non par une institution, mais par son président le Dr. Rochdi Talib, adoptant le «je» menaçant d’investir à l’étranger les budgets initialement prévus – a donné à cette séquence la dimension d’un bras de fer symbolique révélant un sentiment d’extraterritorialité économique.

Le risque systémique est désormais manifeste : multiplication de structures hors-cadre, inflation des actes, pression accrue sur l’AMO, fragilisation de la couverture médicale généralisée et effacement progressif du pluralisme professionnel. Cette vulnérabilité se double d’un enjeu politique central : l’État, pour préserver la soutenabilité du système, doit réaffirmer son autorité normative au moment même où d’autres secteurs stratégiques connaissent leurs propres zones d’instabilité.

La crise Akdital ne constitue donc pas une parenthèse, mais un tournant. Elle impose un recentrage urgent : clarification juridique, contrôle effectif, protection de l’AMO, restauration de la régulation et réaffirmation de la souveraineté sanitaire. Sans cela, le pays entrerait dans une phase de consolidation irréversible où la santé deviendrait le terrain d’une privatisation diffuse, financée par le contribuable et pilotée hors du cadre public, transformant une dérive conjoncturelle en architecture définitive. L’enjeu dépasse de loin un acteur : il concerne la capacité du Maroc à défendre un modèle de santé pluraliste, ordonné et souverain.

 

Derniers articles
Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse.
j'accepte!