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Le grand responsable de la transition numérique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), Karl Malenfant, s’insurge contre la volonté de la commission Gallant de le réinterroger à huis clos, le 5 août, selon une requête obtenue par Radio-Canada. Cet interrogatoire doit être un préalable à la tenue de son témoignage public, prévu cet automne.
Un tel huis clos vise manifestement à obtenir sa version des faits confidentiellement et aura pour conséquence que le public ne pourra entendre l’intégralité de son témoignage
, lit-on dans la requête transmise à la commission par l’avocat de M. Malenfant, Me Jean-François Bertrand.
Il demande au commissaire Denis Gallant de casser l’obligation à comparaître transmise à son client.
Karl Malenfant a déjà rencontré les enquêteurs de la commission au début du mois de mai lors d’un entretien à micros fermés qui a duré environ trois heures.
Or, la commission lui a fait parvenir une nouvelle assignation à comparaître à huis clos pour le 5 août, mais cette fois, en présence du commissaire Gallant.
Me Bertrand s’insurge contre cette nouvelle convocation. On ne lui dit pas « tu vas venir rencontrer les enquêteurs ». On lui dit « tu vas venir témoigner le 5 août, mais à huis clos ». C’est ça qui est unique. Je n’ai pas vu ça pour aucun autre témoin ni dans aucune autre commission d’enquête
, clame-t-il en entrevue avec Radio-Canada.
Une commission d’enquête, on fait ça pour le public. Par définition, tout ce qui se fait en cachette du public, c’est pas correct. Ça viole l’esprit même d’une commission d’enquête.
C’est faux
, rétorque la porte-parole de la commission Gallant, Me Joanne Marceau, qui soutient que cette procédure a déjà été utilisée pour d’autres témoins, assignés à comparaître sous la contrainte. Elle se garde toutefois d’en dévoiler le nombre exact.
Elle ajoute que tous les témoins, contraints ou non, ont d’abord été interrogés par des enquêteurs ou des procureurs de la commission, et ce, avant d’être appelés à la barre des témoins lors des audiences publiques.
Les employés de la commission ont ainsi entendu plus de 150 personnes lors de ces rencontres à huis clos. Seulement 45 d’entre elles ont comparu publiquement.
Me Marceau rappelle que seul le témoignage fait dans le cadre de l’audience publique sera considéré
dans le rapport final de la commission, attendu pour le 15 décembre 2025.
Rappelons que Denis Gallant a refusé d’octroyer à Karl Malenfant le statut de participant à la commission, ce qui lui aurait permis de déposer des documents en preuve et de contre-interroger les témoins.
La liberté d’expression de Malenfant est bafouée, dit son avocat
Dans sa requête, Me Bertrand conteste la validité même du règlement qui octroie au commissaire Denis Gallant le pouvoir de contraindre des gens à participer aux enquêtes préliminaires.
En litige : l’article 59 des règlements et procédures de la commission d’enquête, qui balise les pouvoirs de contrainte pour convoquer les témoins à une audience à huis clos dans la phase préliminaire de l’enquête publique
.
Est-ce qu’on peut affirmer sans rire qu’on est encore dans la phase préliminaire, après 35 jours et 365 heures de témoignages?
, tonne Me Bertrand en entrevue.
Karl Malenfant et son équipe demandent ainsi que la règle 59 soit déclarée inopérante en vertu de l’article 52 de la Charte des droits et libertés de la personne
. Ils soutiennent notamment que la sommation à comparaître viole la liberté d’expression de l’ancien cadre de la SAAQ.
Le nom de M. Malenfant est omniprésent dans les témoignages entendus jusqu’ici à la commission. C’est lui qui dirigeait le grand projet de modernisation des systèmes numériques de la SAAQ, baptisé CASA
, qui a entre autres mené à la plateforme SAAQclic, dont les ratés et les dépassements de coûts ont été largement documentés.
Dans un rapport de février 2025, la vérificatrice générale du Québec estimait d’ailleurs que le projet coûterait, au bas mot, 1,1 milliard $, soit 500 millions $ de plus qu’anticipé.
Karl Malenfant, par l’entremise de son avocat, conteste ces chiffres, ainsi que l’étiquette fiasco
accolée au projet qu’il a chapeauté.
Malenfant veut détruire le narratif
de la commission
Au téléphone, Me Jean-François Bertrand laisse entendre que les procureurs de la commission utiliseraient la règle 59 à d’autres fins
que celles d’entendre la version des faits de son client.
Selon lui, les enquêteurs, les procureurs et le commissaire Gallant chercheraient à connaître les arguments de défense de M. Malenfant pour mieux les contredire à l’audience publique.
Est-ce qu’on cherche à savoir s’il va arriver avec des éléments qui détruisent leur narratif? Je ne suis pas dans leurs souliers, mais chose certaine, ils utilisent à mauvais escient la règle 59.
Une insinuation qui fait sourciller Me Joanne Marceau. Au contraire
, dit-elle, le commissaire Gallant serait présent pour préserver les droits
de M. Malenfant lors de son interrogatoire.
Il y a juste le commissaire qui peut utiliser le pouvoir de contrainte
, explique Me Marceau, qui cite la Loi sur les commissions d’enquête.
Un témoin qui est obligé de comparaître bénéficie de plusieurs protections, dont celle de ne pas s’incriminer
, explique la porte-parole.
M. Gallant serait présent lors de l’interrogatoire pour assurer que ces protections, qui n’existent que pour les témoins qui sont contraints de venir témoigner
, soient respectées, avance Me Marceau.
Chose certaine, M. Malenfant témoignera bel et bien publiquement aux audiences de la commission Gallant, assure Me Joanne Marceau.
Selon nos informations, son témoignage devrait avoir lieu à un certain moment entre le 15 septembre et le 3 octobre, à Montréal.
Les audiences publiques de la commission Gallant doivent reprendre le 18 août.
Source: Radio Canada