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À quatre jours de la date butoir pour arriver à un accord avec les États-Unis, le premier ministre Mark Carney croit toujours qu’une entente est possible, bien que les négociations soient « complexes » et que l’imposition de droits de douane se profile, même en cas d’accord.
Les négociations sont dans une phase intense, elles sont complexes, on le voit dans les ententes commerciales auxquelles sont arrivées certaines juridictions comme l’Union européenne, le Japon, l’Indonésie, le Royaume-Uni, etc. L’assurance qu’on donne aux Canadiens et au milieu des affaires, c’est qu’on ne fera un deal que si c’est un bon deal pour le Canada
, a déclaré lundi le premier ministre Mark Carney, qui était en visite à l’Île-du-Prince-Édouard pour une annonce.
S’il convient que les négociations sont difficiles
et que le président Trump défend fermement les travailleurs américains, M. Carney répète qu’un terrain d’entente est possible
entre les deux partenaires.
Mais pas à coût nul.
Comme je le disais il y a quelques semaines, il est peu probable qu’il y ait des accords sans aucun tarif. L’approche américaine, ce n’est plus une approche d’intégration, c’est une approche avec des tarifs pour quelques secteurs clés de l’économie américaine.
Dimanche, l’Union européenne (UE) a annoncé qu’elle était parvenue à s’entendre avec Donald Trump. En plus de voir ses exportations vers les États-Unis taxées à hauteur de 15 %, l’UE devra débourser 750 milliards $ en énergie et 600 milliards en achats supplémentaires aux États-Unis, notamment en armement.
Les autres modalités de l’accord conclu en Écosse ne sont pas encore connues et devraient être révélées par l’UE et les États-Unis dans une déclaration commune au cours des prochains jours. Pour certains dirigeants européens, il s’agit d’une forme de capitulation, alors que d’autres y voient un bon accord qui permet d’éviter le pire, puisque 5 millions d’emplois étaient possiblement en jeu.
Outre l’UE, le Royaume-Uni (10 % de surtaxes), le Japon (15 %), les Philippines (19 %), le Vietnam (20 %) et l’Indonésie (19 %) ont signé des ententes avec les États-Unis, qui leur imposeront à eux aussi des surtaxes sur leurs exportations.
Lundi, les délégations chinoise et américaine se sont réunies à Stockholm, en Suède, pour entamer un troisième cycle de discussions sur les droits de douane.
Protéger l’ACEUM
Il reste maintenant à savoir quelle sera l’ampleur des tarifs américains sur les exportations canadiennes et quels produits seront concernés, sachant qu’a priori, une grande majorité des biens canadiens traversant la frontière resteront exemptés de taxes, car ils sont conformes à l’ACEUM, l’accord négocié entre les États-Unis, le Canada et le Mexique lors du premier mandat de Donald Trump.
S’il y a une chose pour laquelle on doit se battre et [qu’on doit] protéger, c’est l’intégrité de cet accord parce que ça nous donne un avantage sur l’ensemble de la planète
, a souligné Jean Charest, ancien premier ministre du Québec et membre du Conseil sur les relations canado-américaines, en entrevue lundi sur les ondes d’ICI RDI.
Pour Jeremy Ghio, ancien stratège libéral et actuellement directeur principal chez Tact Intelligence-conseil, le Canada ne sera pas épargné par les tarifs.
On a vu le Japon, la Grande-Bretagne, l’Indonésie, le Vietnam conclure des ententes avec Washington et être quand même frappés de certains tarifs. Bon, ce ne sont pas des tarifs à 50, 40 ou 35 % comme on l’a déjà vu, mais ça reste que c’est la fin du libre-échange tel qu’on l’a connu.
Même si Donald Trump et son équipe disent que cette affirmation « n’a pas de bon sens », c’est la réalité.
Pas d’entente le vendredi 1er août?
Le Canada parviendra-t-il à s’entendre avec les États-Unis cette semaine? Il y a de bonnes chances que ce soit reporté à une date ultérieure […] parce que là, [les États-Unis] négocient avec tout le monde
, a fait valoir Jean Charest.
Mais si ce n’est pas cette semaine, si c’est dans les 10 ou 15 jours, ce n’est pas plus grave. On réglera au moment où on sentira qu’on est prêts à le faire.
M. Ghio ne s’étonne pas que le premier ministre Carney ne réagisse pas aux déclarations intempestives de Donald Trump afin notamment de ne pas le froisser
, mais il souligne que ça n’a pas empêché le premier ministre canadien de tracer une ligne rouge dans les négociations, à savoir la culture, la langue française et la gestion de l’offre
.
Il y a des [points] qui sont très difficiles pour M. Carney, notamment celui de promettre aux Américains d’investir massivement chez eux. Je ne suis pas certain que le Canada est prêt à dire ce que l’Union européenne a dit cette semaine
, a ajouté M. Ghio en entrevue à RDI.
Un avis partagé par Geneviève Dufour, professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. On n’a pas besoin de nouvelle entente avec M. Trump, on a déjà la meilleure entente du monde, c’est-à-dire un accord de libre-échange [l’ACEUM]. Et si on cède, on ne sait pas ce qu’on va se faire imposer par la suite
, a déclaré Mme Dufour en entrevue à l’émission Midi info sur ICI PREMIÈRE.
Mme Dufour juge que le type d’entente conclue dimanche entre les États-Unis et l’UE est terrible
.
C’est terrible pour l’Europe, mais c’est aussi terrible pour le reste du monde. C’est terrible pour le système commercial qu’on a fondé après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Elle souligne que l’accord signé dimanche ne compte que quelques pages, alors qu’un vrai accord de libre-échange, c’est plusieurs milliers de pages. Si Mme von der Leyen a affirmé dimanche que l’UE avait gagné en prévisibilité
et en stabilité
avec cette entente, Mme Dufour se demande toutefois si le président américain ne risque pas à l’avenir de rejeter l’entente et de menacer l’Europe au gré de ses envies et de ses humeurs
.
En négociant avec un voyou
, sans avoir l’accord des autres pays quant au contenu de l’entente, Mme von der Leyen vient de normaliser un comportement qui va à l’encontre du droit international
, en plus de donner du grain à moudre aux nationalistes qui s’opposent à l’Europe, selon la professeure.
Les pays comme le Canada qui n’auront pas trouvé d’entente commerciale avec les États-Unis d’ici le 1er août s’exposent à une surtaxe douanière d’environ 35 % sur leurs exportations vers les États-Unis.
Ces derniers imposent déjà au Canada des droits de douane sur l’acier, l’aluminium et l’automobile, et bientôt sur le cuivre.
Source: Radio Canada