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Des résidants de quartiers cossus du Grand Montréal se cotisent pour embaucher des agents de sécurité qui patrouillent dans leur rue ou leur pâté de maisons, notamment pendant leur absence estivale.
Le phénomène n’est pas nouveau, mais la vague de vols de voiture des dernières années pourrait lui avoir donné un nouveau souffle.
L’an dernier dans ma ville, il y avait une grande quantité de vols. Des cambriolages, des entrées par effraction, des vols de voiture… En fait, il y a même eu des entrées par effraction sur ma rue », a relaté la courtière immobilière montréalaise Tatiana Londono, dans une vidéo récente.
Les voisins se sont rassemblés et se sont cotisés pour embaucher notre propre sécurité privée. La police était inutile parce qu’ils arrivaient seulement après les faits. […] Oui, ça coûtait cher, mais notre paix d’esprit est précieuse.
Tatiana Londono, dans une vidéo
Mme Londono n’a pas répondu aux appels ni aux messages de La Presse.
Elle a ajouté : « En étant capables de payer pour notre sécurité, nous ne dépendons pas de la Ville ou de la police. »
Des forfaits
C’est la firme Groupe canadien de sécurité privée qui a fourni les services de sécurité à la rue où habite Mme Londono. La Presse a choisi de ne pas nommer cette rue.
Marc Lambert, son dirigeant, a expliqué en entrevue avoir plusieurs contrats de patrouille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 avec des résidants de différents secteurs du Grand Montréal. En plus de certains quartiers dans l’île de Montréal, ses patrouilleurs surveillent notamment des rues à Blainville, Terrebonne, Saint-Jérôme et Laval. Certains contrats sont temporaires pour les vacances, mais la plupart durent toute l’année.
Les voisins ne sont pas forcés de cotiser, a expliqué M. Lambert. Dans une rue située sur un flanc du mont Royal, parsemée d’une quarantaine de luxueux manoirs, par exemple, seulement une dizaine de résidants acceptent d’assumer leur part du contrat de surveillance.
C’est comme si vous aviez votre forfait de Videotron. Vous recevez votre facture tous les mois et à partir du moment où c’est payé, les gars dans les véhicules savent que ces maisons-là sont couvertes », a-t-il expliqué.
Et si l’agent de sécurité soupçonne une situation louche dans une maison non couverte ?
On est un service privé. Je ne suis pas un service de police. Ma job primaire, c’est de surveiller ceux qui me paient. Ceux qui ne me paient pas, ils n’ont pas le service.
Marc Lambert, président de la firme Groupe canadien de sécurité privée
Marc Lambert suggère aux cotisants de lier leur système d’alarme à sa firme, afin de réduire le temps de réponse. « On est déjà sur place », a-t-il souligné. Il ajoute que ses patrouilleurs peuvent aussi intervenir dans d’autres situations d’urgence, notamment avec un défibrillateur installé dans leur voiture.
Le forfait peut coûter de 115 $ à plus de 1000 $ par mois, selon le nombre de voisins qui contribuent.
À l’automne 2023, Groupe canadien de sécurité privée se vantait d’avoir facilité « neuf arrestations pour vol de véhicules », « cinq arrestations pour entrée par infraction nocturne », « deux personnes sous mandats d’arrestation remis aux services policiers » et « 225 000 $ combinés » épargnés à ses clients en seulement 16 jours.
« Poser des questions »
Dany Laflamme, porte-parole de l’Association provinciale des agences de sécurité (APAS), affirme qu’il s’agit d’une pratique connue dans l’industrie.
Les résidants se mettent trois ou quatre ensemble et demandent un patrouilleur pendant un certain temps, par exemple parce qu’ils sont partis en vacances. Pendant la période des Fêtes, on voit ça de manière assez régulière », a-t-il expliqué en entrevue téléphonique. « Ce sont des demandes qu’on a. »
Dans ces cas, le rôle de l’agent de sécurité consiste essentiellement à « parler » et à « poser des questions » à toute personne qui semblerait suspecte et à appeler le 911 en cas d’urgence.
Le fait d’avoir une voiture de sécurité avec un lettrage, disons que ça a un rôle préventif et dissuasif.
Dany Laflamme, porte-parole de l’Association provinciale des agences de sécurité
Joseph Montanaro, autre courtier immobilier impliqué dans la vente de demeures luxueuses à Montréal, a confié à La Presse que trois de ses voisins à Westmount ont « de la sécurité stationnée 24/7 dans leur auto » devant leur domicile. Dans ce cas, les voisins ont chacun leur contrat de sécurité plutôt que de partager un contrat à trois. « C’est arrivé un peu après qu’il y a eu beaucoup de vols d’automobiles, il y a deux ans. C’était très populaire. Dans notre rue, les gens s’essayaient », a-t-il relaté. Les voisins « ont engagé des gardiens de sécurité, même quand ils ne sont pas en vacances. C’est toute l’année ».
Le Service de police de la Ville de Montréal a indiqué qu’il ne voyait pas de problème à ce que des voisins se rassemblent pour retenir les services d’agences de sécurité.
« Les citoyennes et citoyens sont libres d’engager des agents de sécurité », a indiqué le service de police. « Il est de la responsabilité des agences de sécurité de contacter les services policiers et collaborer avec eux, si nécessaire. Toutefois, si une problématique particulière est remarquée dans un secteur, nous encourageons toujours les citoyennes et citoyens à communiquer avec leur poste de quartier afin de leur en faire part. Le poste de quartier pourra adapter ses opérations et ses plans de patrouille en fonction de la situation. »
Source: la presse