Été noir pour le réseau d’aqueduc

17 août 2024
Été noir pour le réseau d’aqueduc

Assahafa.com

Rupture après rupture, le réseau d’aqueduc montréalais a révélé toute sa fragilité au cours des dernières semaines.

Des catastrophes humaines ont été évitées de justesse, mais les dommages matériels, eux, se calculent déjà en millions.

Une giclée d’exemples :

Le 12 juillet, une grosse conduite d’eau a éclaté à côté du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Interventions chirurgicales annulées, ambulances détournées : le branle-bas de combat a été immense.

Le 24 juillet, une rupture de conduite d’eau a causé une infiltration dans la ligne orange du métro. Le service a été interrompu pendant près de deux heures en pleine heure de pointe.

Trois jours plus tard, une rupture de canalisation, dans le quartier Rosemont, a inondé les trois étages souterrains du fameux garage à 600 millions de la Société de transport de Montréal (STM). L’ampleur des dégâts est considérable.

Et puis, vendredi : l’apothéose. Un geyser d’une hauteur de 20 mètres a jailli pendant des heures à l’ombre du pont Jacques-Cartier, après l’éclatement d’une conduite majeure installée en 1985.

Les incidents s’accumulent, et dans le cas le plus récent, les ravages sont énormes.

Je me suis rendu sur place vendredi midi, quelques heures après le début de la fuite. Le geyser s’était apaisé, et j’ai pu m’approcher suffisamment pour constater la puissance de ce qui s’est produit ici.

L’eau a fusé tellement fort que la chaussée, la sous-chaussée et des morceaux de la conduite ont été propulsés dans les airs. De gros blocs de bitume étaient éparpillés tout autour du lieu de la fuite, dans une mer de boue. Quasi miraculeux qu’il n’y ait pas eu de blessés.

Dans les rues environnantes, l’eau a inondé des dizaines d’appartements. Les garages souterrains de plusieurs immeubles, dont les bureaux de Bell Média, ont été remplis à ras bord.

Le grand nettoyage prendra du temps et coûtera une petite fortune. Mes meilleurs vœux à cette nouvelle cohorte de sinistrés.

La réponse des autorités – pompiers, policiers, cols bleus, élus – a été musclée et rapide, je dois le souligner. La communication, efficace tout au long de la journée.

L’entrevue que j’ai faite avec Chantal Morissette, directrice du Service de l’eau de la Ville de Montréal depuis 2011, m’a aussi permis d’en apprendre beaucoup sur les circonstances de cette fuite – et sur l’état général du réseau d’aqueduc.

La piètre qualité des tuyaux installés dans les années 1970 et 1980 – comme celui qui a pété vendredi – se traduit par une durée de vie beaucoup plus courte que les vieux aqueducs centenaires, m’a-t-elle expliqué. Pas de bol : il y en a 700 kilomètres dans le sous-sol de Montréal.

Leur dégradation est en général causée « par l’usure du temps, la corrosion, les cycles de gel et de dégel, l’eau autour de la conduite et le sel de déglaçage ».

Pour ce qui est de la rupture de vendredi, « présentement, on ne soupçonne pas autre chose que l’usure du temps », a-t-elle précisé.

Plusieurs des ruptures les plus spectaculaires des dernières années se sont produites dans des tuyaux de cette même génération, de la gamme « C301 ». La Ville a lancé un vaste programme pour tous les « ausculter », mais l’ensemble du réseau n’a pas encore été inspecté.

C’est un exercice délicat et compliqué. Il faut parfois utiliser des robots pour examiner l’intérieur des conduites. D’autre fois, interrompre l’alimentation en eau de tout un quartier.

Chantal Morissette n’a pas pu me dire si la conduite qui a éclaté vendredi avait été vérifiée par ses équipes. Mais elle affirme que plusieurs ruptures majeures ont été évitées grâce au programme d’auscultation.

Les fuites importantes marquent les esprits, avec raison. Mais dans son ensemble, et c’est peu connu, le réseau d’aqueduc montréalais est en bien meilleure santé aujourd’hui qu’il y a quelques années.

Le taux de ruptures par 100 kilomètres – la mesure-phare pour en évaluer l’état – a fondu de moitié en une décennie. Il est passé de 24,3 en 2011 à 12,5 en 2022.

La Ville a réinvesti massivement dans son sous-sol pendant cette période, après des années de financement famélique. Ça explique en partie la mer de cônes orange qui encombrent les rues de la métropole.

Le réseau fuit encore d’un peu partout, mais là encore, la situation s’est améliorée. La production d’eau par personne a diminué de plus de 30 % depuis 2011 à Montréal, signe que les travaux incessants de remplacement et de colmatage portent leurs fruits.

Les investissements des dernières années tournent bon an mal an autour de 500 millions. C’est beaucoup, mais insuffisant. Il faudrait injecter au bas mot 1,3 milliard tous les ans pour suivre la cadence, estime Chantal Morissette.

Car en plus de toutes ces conduites des années 1970 et 1980 qui devront être retapées, il faudra aussi accélérer le remplacement des aqueducs centenaires, arrivés eux aussi en fin de vie.

L’objectif est limpide : « ne pas reperdre le contrôle ». Un réinvestissement majeur sera « le nerf de la guerre », tranche la patronne du service de l’eau.

Où Montréal trouvera-t-il tout cet argent ? C’est la question à 1,3 milliard.

Source: la presse

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