Le Québec va encore manquer de profs

8 août 2024
Le Québec va encore manquer de profs

Assahafa.com

À quelques semaines de la rentrée, les écoles font à nouveau face à un casse-tête insoluble. En pleine pénurie d’enseignants et de personnel qualifiés, et alors que les départs à la retraite sont à la hausse, une forte augmentation du nombre d’élèves est prévue au cours des prochains mois. Cela pourrait contraindre Québec à ouvrir jusqu’à 1000 nouveaux postes de professeurs au cours du calendrier scolaire 2024-2025, et ce, même si les classes ont pris fin en juin dernier sans que tous les postes déjà affichés pour la dernière année scolaire aient été pourvus.

Selon des projections préliminaires du ministère de l’Éducation obtenues par La Presse, environ 20 000 nouveaux élèves devraient s’ajouter en cours d’année au réseau primaire et secondaire public de la province. Seulement pour faire face à cet afflux de nouveaux élèves, l’équivalent d’un millier d’enseignants devrait être ajouté au réseau, estime-t-on à Québec.

Orl’an dernier, les centres de services scolaires ne sont pas parvenus à trouver un enseignant pour chaque poste ouvert en raison de la pénurie de main-d’œuvre.

Dans ce contexte, l’augmentation du nombre d’élèves – qui requiert l’ouverture de plus de postes d’enseignants – pourrait amplifier les effets de la pénurie.

D’où viennent tous ces nouveaux élèves prévus en 2024-2025 ? Le ministère de l’Éducation n’est pas en mesure de décortiquer et préciser sa prévision. Toutefois, pour l’année scolaire 2023-2024, près de 80 % de la hausse provenait d’élèves nés hors du Canada, souligne-t-on au cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville. Ce dernier a d’ailleurs déploré par le passé que la hausse de l’immigration temporaire et du nombre de réfugiés exerçait une pression importante sur les écoles, qui peinent déjà à répondre à la demande.

Une nouvelle date butoir

Lors des dernières négociations du secteur public, Québec a obtenu une mesure qui devait selon lui assurer « une plus grande stabilité dans les écoles » et permettre que « les enseignants, les élèves et les parents [vivent] moins d’incertitude » avant le retour en classe. Pour la première fois cette année, la date limite pour que les centres de services scolaires terminent le processus d’affectation des enseignants a été fixée à ce jeudi 8 août, environ trois semaines plus tôt que les années précédentes.

Mais cette « avancée importante pour le système d’éducation » pourrait avoir un effet limité. Même si cette année les postes sont pourvus plus tôt, les directions d’école prévoient qu’il manquera encore de profs pour répondre à la demande et que la pénurie d’enseignants et de professionnels se maintiendra, voire se creusera, dans certaines catégories d’emploi.

L’an dernier, à la mi-août, 8000 postes d’enseignants n’avaient toujours pas trouvé preneur dans le réseau. À la fin de l’année scolaire, en date du 20 mai, malgré l’ajout d’enseignants non qualifiés, la prise en charge d’un plus grand nombre d’élèves par certains enseignants, 471 postes d’enseignants n’étaient toujours pas pourvus.

« On s’attend à une rentrée très similaire à celle de l’année dernière. Qu’on affiche les postes le 8, le 15 ou le 22 août, il n’y aura pas plus d’enseignants disponibles », affirme Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES).

« On n’inventera pas des profs qualifiés en devançant les séances d’affectation », renchérit de son côté Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), un syndicat d’enseignants.

De son côté, la Fédération québécoise des directions d’établissement scolaire (FQDE) a effectué un coup de sonde auprès de ses membres. Son président, Nicolas Prévost, prévoit que la pénurie d’enseignants devrait se maintenir.

Du service de garde à la classe

La pénurie de personnel ne se fera pas sentir que dans les classes, craint le président de la FQDE. Selon M. Prévost, les nouveaux postes d’aide à la classe créés lors des dernières négociations avec le secteur public pourraient dégarnir les services de garde dans certaines écoles.

Selon les nouvelles conventions collectives, les éducatrices en service de garde peuvent poser leur candidature à ces postes destinés à aider les enseignants dans leurs tâches qui se complexifient. Or, constate la FQDE, un certain nombre d’entre elles seraient tentées de délaisser leur poste en service de garde plutôt que de combiner les deux tâches, ce qui devait au départ leur permettre de compléter leur horaire.

Nous, on n’a pas le luxe de mettre de la pression sur les éducatrices en leur demandant de garder leur poste au service de garde si elles veulent faire de l’aide à la classe. Si on fait ça, elles vont aller ailleurs.

 Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement scolaire

Le manque d’effectif pourrait par ailleurs être criant au sein du personnel de soutien des écoles, ajoute M. Prévost.

Québec doit faire le point

Au début de la semaine prochaine, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, aura en main un portrait à jour de la pénurie d’enseignants et de professionnels dans le réseau. Il doit faire le point au cours des jours suivants.

À son cabinet, on indique que la hausse des départs à la retraite et « la hausse prévue du nombre d’enfants dans les classes du Québec [font] en sorte que les besoins d’enseignants seront encore plus importants pour la prochaine rentrée ».

« Ça démontre toute l’importance du nouveau processus que nous avons mis en place pour que les affectations se fassent avant le 8 août afin de nous assurer d’une stabilité plus rapidement. C’est un changement de culture important. On revoit des pratiques qui sont en place depuis des années et ça demande une certaine adaptation. Maintenant, on est réalistes, il va rester des enjeux, notamment de pénurie de main-d’œuvre. On a fait des avancées majeures dans le renouvellement des nouvelles conventions collectives, mais ça prend du temps [pour] inverser une tendance », affirme le cabinet de M. Drainville.

Nicolas Prévost, président de la FQDE, ajoute que « la pénurie va durer encore un petit bout ». « Il y a plus de gens qui partent à la retraite que de jeunes diplômés. Mathématiquement, on n’y arrive pas », dit-il.

Pour Kathleen Legault de l’AMDES, les nouvelles conventions collectives, les aides à la classe ou les nouveaux programmes pour qualifier rapidement les profs qui n’ont pas étudié en enseignement, et qui sont déjà dans le réseau, ne suffiront pas à résoudre l’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre.

« On a besoin d’états généraux en éducation. On a besoin d’établir des priorités. L’école ne peut pas tout faire et on lui en demande beaucoup », estime-t-elle.

Sur la collecte de données, par exemple, c’est bien, les tableaux de bord, mais on nous demande de plus en plus de faire des tâches qui n’apportent pas de points positifs concrets aux élèves. S’il manque de personnel, si on est moins pour faire le même travail, peut-on se concentrer sur ce qui est essentiel et qui fera la différence pour nos jeunes ? », demande-t-elle.

Source: la presse

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