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Plusieurs provinces canadiennes prolongent encore la durée de leurs routes en ajoutant une couche de bitume supplémentaire, mais sur le sol québécois, cette pratique n’est plus beaucoup utilisée. Devant le lourd déficit d’entretien de notre réseau routier, des entrepreneurs et des experts appellent aujourd’hui le ministère des Transports à renouer avec cette technique nettement moins coûteuse.
De trois à dix ans
« On en a, des solutions pour le gouvernement. Mais encore faut-il nous écouter », lance le vice-président exécutif des Entreprises Bourget, André Simard, dont le groupe est spécialisé en traitement de surface – qu’on appelle aussi du « resurfaçage » ou de l’« enduit superficiel » dans le milieu de la construction. À ses yeux, le ministère des Transports écarte systématiquement cette technique pourtant peu coûteuse et rapide à effectuer. « Avec une couche de bitume, on peut prolonger la vie d’une route de trois à sept ans. Et avec deux couches, on peut aller de huit à dix ans. Tout ça, dans des délais très courts », illustre M. Simard. « Ils n’en parlent même pas au gouvernement. Et dans la plupart des villes, le resurfaçage, ça n’arrête pas de diminuer parce qu’on ne leur donne pas les moyens requis pour entretenir leurs routes », persiste-t-il.
Très marginal
Dans la métropole et dans certaines autres villes québécoises, le traitement de surface se pratique encore à certains endroits, mais de moins en moins. La technique consiste à déposer des couches superposées d’émulsion de bitume et de granulats sélectionnés sur la route. On peut le faire d’une à trois fois, et chaque couche va de 5 à 20 millimètres d’épaisseur. Québec n’a utilisé cette façon de faire qu’une quinzaine de fois depuis 1997, surtout en région nordique. Elle l’était beaucoup plus dans les années 1980. « C’est encore utilisé partout sur la planète, mais pour le Québec, c’est comme s’il y avait un blocage. On est pourtant capables de donner un nouveau revêtement à bien des routes rapidement, en évitant les cônes orange. C’est une vision qu’il faut explorer », martèle le président des Entreprises Bourget, Luc Delangis.
Une question d’efficacité, dit Québec
Au ministère des Transports et de la Mobilité durable, le responsable de l’expertise en conception de chaussées, Guy Bergeron, affirme que le traitement de surface « a eu beaucoup de cas de contre-performance » dans l’histoire récente. « Au Québec, contrairement à l’Ontario, on a beaucoup d’entretien hivernal à faire et ça cause bien souvent une dégradation rapide du traitement de surface », explique M. Bergeron. « On a eu des cas où le revêtement a carrément été projeté, tellement l’équipement est puissant. Tant qu’on n’aura pas des techniques plus douces de déneigement, ça va être difficile d’en faire plus », ajoute-t-il. Il précise que les pneus à clous, utilisés au Québec et non en Ontario, jouent aussi pour beaucoup. « C’est un enjeu majeur. Ça donne une usure rapide avec des débits quotidiens élevés de passages automobiles. Sur des autoroutes à plus de 90 000 voitures par jour, on passerait à travers le bitume en quelques mois », note le fonctionnaire.
Et un « fonds dédié » ?
Pour Pierre Barrieau, expert en planification des transports à l’Université de Montréal, le traitement de surface aurait tout de même intérêt à être davantage utilisé, surtout sur les routes pas trop endommagées. « On parle d’une technique qui fonctionne bien lorsque la base de la route est encore relativement en bon état. Le problème au Québec, c’est qu’on attend tellement longtemps pour faire les travaux, bien souvent, que la détérioration est trop grande », explique le spécialiste et consultant. Le cœur du problème, selon M. Barrieau, est que faire du resurfaçage signifie souvent qu’il faut désinvestir ailleurs. « Il faudrait que politiquement, le gouvernement décide de débloquer un fonds dédié. Ça permettrait réellement de préserver plusieurs routes tout de suite, et pour longtemps. En ce moment, on n’a juste pas la capacité d’en faire plus », constate-t-il. « Je pense qu’avec tout ça, on serait capables de retarder les chantiers majeurs à plus loin, puis peut-être de reprendre le contrôle de la situation de plusieurs routes », conclut M. Barrieau.
Moins de 1000
Dans des documents internes que La Presse a obtenus, le ministère des Transports précise que « la technique du traitement de surface sur des routes en gravier où il y a peu de circulation [moins de 1000 passages par jour] et une sollicitation moyenne par les véhicules lourds [moins de 10 %] constitue une avenue intéressante ». « Sincèrement, on voudrait bien utiliser le traitement de surface davantage, mais les contre-performances du passé » pèsent lourd, affirme toutefois Guy Bergeron à ce sujet. Les Entreprises Bourget, de leur côté, estiment qu’environ 80 % du réseau routier québécois est composé de routes à faibles volumes, qui pourraient convenir pour du traitement de surface. L’entreprise soutient que « chaque dollar investi en adaptation permet d’éviter en moyenne entre 13 et 15 dollars en dommages directs aux routes résultant de sinistres, et ce, sans compter les dommages indirects pour l’économie ».
Source: la presse