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Le CISSS de la Côte-Nord signe des contrats de gré à gré en urgence pour combler une partie des 600 à 700 postes liés au personnel d’agences.
En principe, le plus dur devait survenir à la fin. Dès l’automne 2026, les établissements de santé en régions éloignées, comme la Côte-Nord et l’Abitibi-Témiscamingue, doivent cesser d’avoir recours à du personnel d’agences privées.
Dans ce processus graduel, les établissements de la région de Montréal sont les premiers à devoir se sevrer, dès octobre prochain.
Or, l’entrée en vigueur de taux horaires plafonnés partout au Québec et de nouvelles clauses contractuelles liées à des renouvellements de contrats ont ébranlé les plans du ministre de la Santé ces derniers jours.
Sur la Côte-Nord, les mesures sans précédent dévoilées lundi ont provoqué moult inquiétudes.
Rencontrée à la sortie de l’urgence de l’hôpital de Sept-Îles, Rosalie Jérôme n’a pas hésité à commenter les réductions de services.
Quand je veux voir un spécialiste, des fois, il y a une année d’attente. Je vais être obligée d’attendre deux ans pour voir un spécialiste? C’est ça que je me pose comme question.
Les agences, c’est 50 % de notre main-d’œuvre dans les soins critiques et dans les soins intensifs, donc c’est sûr que ça va amener des fermetures de lits, de salles d’urgence
, a déploré le Dr Youssef Ezahr, président du comité exécutif du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et chef du département d’anesthésiologie au CISSS de la Côte-Nord.
Je pense qu’on est tombés dans un trou de la loi. Les régions éloignées, on tombe souvent dans ces trous-là.
La Côte-Nord déjà éprouvée
La Côte-Nord est déjà une région éprouvée en matière d’accès aux soins de santé.
L’accès à un médecin spécialiste, par exemple, y est plus ardu qu’ailleurs au Québec. Plus de 75 % des 17 000 patients attendant une consultation auprès d’un spécialiste sont considérés comme hors délais sur le plan médical. Un taux largement supérieur à la moyenne provinciale de 58 %.
Le taux d’occupation des lits d’hospitalisation par des usagers ne requérant plus de soins en centre hospitalier y dépasse également 24 %, le double du taux provincial.
Ne pas reculer
À la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), on encourage le gouvernement à maintenir le cap.
Le gouvernement ne doit pas céder aux pressions
, a commenté le président du syndicat, Réjean Leclerc. Il doit rester ferme dans sa décision de couper les vivres aux agences privées pour réinvestir dans le réseau public les sommes colossales qui leur sont versées, afin de le rendre attrayant pour la main-d’œuvre.
Le syndicat représente 120 000 employés en santé et services sociaux.
Mardi, le ministre Dubé a déclaré sur le réseau social X que le réseau [de la santé] est à la merci d’entreprises qui ont passé des années à nous menacer d’interruptions de services et à augmenter leurs tarifs. Ce n’est pas le moment de reculer.
En fin de journée, le ministre a partagé une note d’optimisme en précisant que 2400 employés des agences avaient fait le saut au public ces derniers mois.
Le président de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec, Patrice Lapointe, souligne de nouveau le caractère impraticable
, à son avis, des nouveaux contrats.
On cherche à nous faire porter le chapeau. C’est odieux quand ça fait plus d’un an qu’on lève la main, qu’on dit au gouvernement : écoutez, on a un rôle essentiel à jouer dans le réseau.
Plus d’un milliard de dollars sont en jeu.
La Côte-Nord signe des contrats d’urgence de gré à gré
Les nouveaux contrats octroyés à la suite d’un appel d’offres prévoient le recours à de nombreuses agences privées.
Comme le précise le Centre d’acquisitions gouvernementales (CAG), il y a 169 prestataires de services aux contrats […] disponibles partout au Québec pour combler les besoins auprès des établissements
.
Or, Radio-Canada a appris que le CISSS de la Côte-Nord a recours à des contrats de gré à gré avec d’autres agences pour tenter de voir au plus pressant.
En vertu de l’article 13.1 de la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP) […] des démarches sont effectivement en cours afin de procéder à la signature de contrats de gré à gré avec des agences hors contrat provincial, et ce, pour certains titres d’emplois dont les besoins sont jugés critiques.
Le réseau de la santé de la Côte-Nord a versé plus de 157 millions de dollars pour de la main-d’œuvre indépendante en 2022-2023, selon les dernières données, de loin la somme la plus importante au Québec. En Abitibi-Témiscamingue, ce montant atteint 112 millions.
Devant les tribunaux
Selon nos informations, Québec n’exclut aucun moyen pour s’assurer d’avoir le personnel suffisant en régions éloignées, incluant le recours aux tribunaux afin de faire respecter les nouveaux contrats octroyés à des agences privées. Ces contrats tiennent compte des tarifs plafonnés.
Une saga juridique déjà engagée ces dernières semaines par le regroupement des agences privées de placement de personnel en santé, qui a déposé une requête en Cour supérieure afin de faire obstacle à la Loi limitant le recours aux services d’une agence de placement de personnel et à de la main-d’œuvre indépendante dans le secteur de la santé et des services sociaux.
Le CHU de Québec se prépare
Le CHU de Québec, où des patients de la Côte-Nord pourraient être transférés, se dit mobilisé
depuis vendredi dernier.
D’autres établissements, notamment à Laval, sollicitent du personnel pour aller prêter main-forte dès la semaine prochaine.
Source: Radio Canada