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Après les États-Unis et la France, c’est au tour du Canada de lancer une opération de rapatriement à partir d’Haïti. Une première évacuation de 18 Canadiens était prévue lundi, mais les conditions météorologiques défavorables ont empêché les vols entre la République dominicaine et Haïti.
Si tout se déroule comme prévu, les déplacements entre les deux pays voisins s’effectueront par hélicoptère « tout au long de la semaine », a annoncé la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, sans vouloir entrer dans le détail, pour éviter que les gangs contrecarrent les efforts de sauvetage.
Selon les informations préliminaires, des 30 Canadiens qui souhaitaient partir « immédiatement », 18 plus « vulnérables » – avec besoin d’assistance médicale ou avec enfants – devaient partir lundi. L’opération a toutefois été reportée en raison de la météo peu clémente, a indiqué Affaires mondiales Canada.
Parmi les 3029 Canadiens inscrits au registre gouvernemental, moins d’une centaine de personnes ont demandé de l’assistance et remplissent les critères de la première vague. Ottawa compte toutefois élargir l’opération aux résidents permanents et aux membres de leurs familles, a soutenu la ministre Joly.
La raison pour laquelle il a été décidé de procéder par étapes est que Saint-Domingue a « des conditions d’admissibilité strictes », ce qui signifie que seuls les citoyens canadiens possédant un passeport canadien valide peuvent entrer en territoire dominicain, a-t-elle exposé.
Jusqu’à tout récemment, le gouvernement du Canada avait écarté l’idée d’évacuer ses ressortissants, tout en assurant que des plans de contingence avaient été élaborés en cas de détérioration de la situation sécuritaire en Haïti.
« En connaissance de cause »
Tout en reconnaissant que le niveau de danger s’est en effet aggravé, la ministre Joly a tenu à rappeler que les voyages en Haïti étaient déconseillés depuis plus d’un an. « Les gens qui sont ici le sont en connaissance de cause », constatait récemment André François Giroux, ambassadeur du Canada à Port-au-Prince.
Journaliste en Haïti, Harold Isaac donne raison au diplomate canadien. « On sait à quoi s’attendre. C’est vrai qu’on en arrache, mais on n’en est pas à notre premier rodéo. On a vu l’apocalypse plus d’une fois ici », indique le Canadien d’origine.
Je vois passer des hélicoptères devant ma maison chaque jour. Ça envoie un message puissant, parce que les gens qui partent, ce sont des chefs d’entreprise, des travailleurs humanitaires… quand on part en catastrophe comme ça, on ne revient pas le lendemain matin.
Harold Isaac, journaliste canadien établi en Haïti
Même son de cloche du côté de Carmen*, aussi résidante de la capitale. « Je reste. J’assume la décision », dit cette infirmière de formation qui possède la double nationalité. Car elle a vu tant de personnel du milieu de la santé partir pour le Canada et les États-Unis qu’elle sent une responsabilité de rester.
« J’ai beaucoup d’attaches ici ; j’ai des collègues, des amis, alors ce serait difficile de partir et de transporter mon stress au Canada. Par ailleurs, est-ce que j’ai la force, l’énergie, le courage d’évacuer ? Et puis si on se fait évacuer, est-ce qu’on pourrait ensuite se faire dire qu’on ne peut plus revenir ? », enchaîne-t-elle.
À ceux qui se trouvent actuellement sur le territoire haïtien, le gouvernement canadien recommande de « se mettre à l’abri sur place, de faire le plein de produits de première nécessité (nourriture, eau et médicaments) » et de « limiter leurs déplacements ».
Ceux-ci ont été considérablement entravés, voire réduits à néant, depuis que l’aéroport international a fermé ses portes, il y a près de trois semaines, alors que la capitale est en proie à un énième regain de violence dans la foulée de la démission du premier ministre Ariel Henry.
La paralysie totale de l’infrastructure n’est pas étrangère à la décision de la France et des États-Unis d’évacuer certains de leurs ressortissants au cours des derniers jours, avant que le Canada ne décide de leur emboîter le pas.
Le gouvernement français a transporté dimanche par hélicoptère militaire certains des siens à un bâtiment de la marine nationale qui devait ensuite les transporter à Fort-de-France, en Martinique. Les États-Unis ont pour leur part évacué plus de 200 de leurs ressortissants.
Déjà des accrocs dans la transition
La période de transition de gouvernance promet d’être périlleuse en Haïti. On le savait, mais on en a eu la première démonstration au courant de la fin de semaine : la création du conseil présidentiel de transition se heurte à des désaccords.
Des désaccords qui ont marqué – et qui semblaient persister lundi – l’élaboration de la liste des membres du comité, qui doit compter sept membres votants représentant les principales forces politiques en Haïti et le secteur privé, en plus de deux membres non votants.
La seule femme qui avait été choisie pour en faire partie, l’ambassadrice d’Haïti auprès de l’UNESCO, Dominique Dupuy, a annoncé qu’elle jetait l’éponge, évoquant des menaces de mort contre sa famille ainsi que des attaques misogynes.
Source: la presse