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Le nouveau ministre fédéral de la Justice et procureur général devait prêter serment à nouveau, mardi, parce qu’il n’a pas lu la semaine dernière le nouveau libellé qu’on avait créé après l’« affaire SNC-Lavalin ».
Le député libéral torontois Arif Virani, un avocat spécialisé en droits de la personne et en droit constitutionnel, a repris mercredi le portefeuille clé de David Lametti lors du récent remaniement ministériel fédéral – l’un des plus importants depuis l’entrée en fonction du gouvernement libéral il y a près de huit ans.
Au début de 2019, une tempête politique avait frappé les libéraux fédéraux, au milieu d’allégations selon lesquelles de proches conseillers du premier ministre auraient fait pression sur Jody Wilson-Raybould, alors procureure générale, pour qu’un « accord de réparation » soit conclu afin d’éviter que la société d’ingénierie montréalaise SNC-Lavalin soit poursuivie au criminel pour corruption et fraude.
Le Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique a également conclu que le premier ministre Justin Trudeau avait enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts dans cette affaire.
L’« affaire SNC-Lavalin » a mis en lumière le fait que contrairement à ce que l’on voit dans d’autres pays, les postes de ministre de la Justice et de procureur général sont occupés au Canada par la même personne.
Le procureur général doit, de façon strictement indépendante des intérêts politiques, offrir au gouvernement des avis juridiques non partisans et superviser les poursuites. Le ministre de la Justice, par contre, est habilité à prendre des décisions qui peuvent faire avancer des intérêts partisans ; il répond directement au premier ministre.
À la suite de l’« affaire SNC-Lavalin », Mme Wilson-Raybould avait recommandé au gouvernement d’envisager de diviser ces deux postes et d’exclure complètement le procureur général de la table du cabinet – une suggestion soutenue par certains juristes.
Mais cette idée n’a pas été retenue par Anne McLellan, l’ancienne ministre libérale que M. Trudeau avait nommée pour examiner les deux rôles. Dans un rapport publié en août 2019, Mme McLellan, qui a elle-même occupé simultanément les deux fonctions, a conclu que la séparation des deux rôles ne renforcerait pas l’indépendance du procureur général.
Par contre, cela risquerait, selon elle, d’édulcorer les avis juridiques fournis aux collègues ministres, car les ministres autour de la table pourraient estimer qu’un procureur général de l’extérieur du Cabinet manque du contexte politique nécessaire.
Souligner l’indépendance
Mme McLellan a néanmoins formulé une série de recommandations, y compris une modification du serment du ministre de la Justice et procureur général. Elle recommandait ainsi de souligner le « rôle unique du procureur général pour ce qui est de maintenir la primauté du droit, de donner des avis juridiques et de prendre des décisions au sujet des poursuites, et ce, de manière indépendante ».
Après les élections fédérales d’octobre 2019, M. Lametti, pour bien distinguer les deux rôles, avait adopté un nouveau libellé de serment qui soulignait l’indépendance du procureur général.
M. Lametti a alors fait le serment qu’en tant que procureur général, il ferait respecter la Constitution, la primauté du droit « et l’indépendance de la magistrature et de la fonction de poursuite ». Après la victoire électorale des libéraux en 2021, M. Lametti n’a pas prêté serment à nouveau, puisqu’il conservait son poste au Cabinet.
Mais ce n’est pas ce serment qu’a prêté le nouveau ministre Virani mercredi dernier, et La Presse Canadienne a commencé lundi à demander pourquoi. Le porte-parole du Bureau du Conseil privé, Pierre-Alain Bujold, a qualifié ce changement d’« erreur administrative », qui devait être corrigée mardi avec un nouveau serment prononcé en mode virtuel.
« Il est important de reconnaître le double rôle, distinct et unique, joué par le ministre de la Justice et le procureur général du Canada », a écrit M. Bujold. Il a déclaré que l’erreur avait été remarquée dès la semaine dernière, ce qui a poussé les responsables à faire en sorte que le ministre Virani « reprenne le serment pour être conforme à la recommandation du rapport McLellan ».
Avant d’entrer au Cabinet, M. Virani avait été secrétaire parlementaire de Mme Wilson-Raybould puis de M. Lametti.
L’un des derniers gestes posés par M. Lametti en tant que ministre a été une directive, donnée en juillet, pour mieux clarifier le processus lorsque le directeur des poursuites publiques informe le procureur général d’un cas « d’intérêt général » – une réponse à une autre recommandation qui découle de l’affaire SNC-Lavalin.
Source: La presse