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Il fut une époque où un employé devait franchir la ligne de piquetage s’il voulait travailler malgré tout. Aujourd’hui, il est possible pour certains fonctionnaires de contourner la grève avec le télétravail. Le gouvernement fédéral n’a pas hésité à le leur rappeler, ce que dénonce l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC).
Une note a été envoyée aux employés du ministère de l’Emploi et du Développement social il y a quelques semaines pour leur indiquer qu’ils « peuvent choisir de ne pas exercer leur droit de grève » et qu’ils recevront leur salaire s’ils continuent de travailler.
Une haute fonctionnaire du Conseil du Trésor a confirmé lors d’une séance d’information mercredi que l’orientation donnée à l’ensemble de la fonction publique pour le travail hybride continue de s’appliquer. Les fonctionnaires dont les tâches peuvent être effectuées à distance peuvent ainsi choisir de travailler de la maison deux ou trois jours par semaine, selon l’entente prise avec leur gestionnaire.
« L’employeur n’agit pas correctement en encourageant les employés à briser les lignes de grève ! », s’indigne Judith Côté, vice-présidente nationale pour le Québec du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada. Nous l’avons rencontrée mercredi matin au cœur de la petite foule de fonctionnaires rassemblés sur le boulevard René-Lévesque Ouest, à Montréal, à l’occasion de la première journée de grève.
« Pendant une grève, les employés syndiqués ont le droit de se présenter au travail », rappelle en entrevue le professeur Michael Wernick, titulaire de la Chaire de recherche Jarislowsky sur la gestion dans le secteur public. « De l’autre côté, l’employeur a l’obligation de continuer à livrer les services et d’accepter de payer les employés qui se présentent au travail », ajoute celui qui a été greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet sous le gouvernement Trudeau de 2016 à 2019.
Sauf que le télétravail peut ainsi nuire à la capacité du syndicat de négocier, note le professeur de gestion et de droit à l’Université d’Ottawa Gilles LeVasseur.
C’est sain dans notre société d’avoir des rapports de force qui sont clairement énoncés et où on ne contourne pas le système. Ça crée beaucoup plus de turbulences et de conflits de savoir que des gens sont capables de contourner une machine.
Gilles LeVasseur, professeur de gestion et de droit à l’Université d’Ottawa
Pénalité imposée par le syndicat
Les employés qui seraient tentés de franchir virtuellement la ligne de piquetage s’exposent à une pénalité financière imposée par leur syndicat, équivalente à l’indemnité quotidienne versée à chaque gréviste. Ces derniers reçoivent 75 $ par jour pour quatre heures de piquetage.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a invité tous les fonctionnaires en grève à se serrer les coudes. « On appuie l’idée de solidarité où tous les travailleurs sont ensemble pour se battre pour de meilleures conditions de travail, un meilleur salaire », a-t-il dit, se gardant de qualifier de briseurs de grève ceux qui décideraient de faire bande à part.
Le NPD presse le gouvernement Trudeau de déposer un projet de loi anti-briseurs de grève. Leur entente stipule que les libéraux ont jusqu’à la fin de 2023 pour s’exécuter s’ils veulent continuer d’avoir l’appui des néo-démocrates pour gouverner.
Ni le premier ministre Justin Trudeau ni la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, n’ont répondu directement à savoir s’il y avait une contradiction entre l’invitation à franchir le piquet de grève lancée aux fonctionnaires et la promesse du gouvernement de déposer une loi anti-briseurs de grève.
Source: La presse