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Québec solidaire (QS) aurait dû miser sur des propositions « plus simples et plus faciles à vulgariser » lors des dernières élections. C’est l’une des leçons tirées par le parti, selon un document interne obtenu par Radio-Canada qui sera présenté aux 300 délégués de QS réunis en conseil national dès vendredi soir, à Montréal.
Intitulée Bilan politique des élections 2022, cette autopsie postélectorale déplore entre autres le manque de concision de la plateforme de QS. Celle-ci contenait plus d’une centaine de promesses que le public ne comprenait pas toujours
, admet le parti.
Le degré de détails de nos propositions fut un réel enjeu tout au long de la campagne
, peut-on lire dans le Bilan. Parmi les promesses qui lui ont donné le plus de fil à retordre, QS cite entre autres l’impôt sur les grandes fortunes.
Au-delà des nombreuses attaques qu’elle a inspirées, cette proposition s’est révélée déstabilisatrice pour les équipes électorales et les personnes candidates, qui avaient de la difficulté à l’expliquer au quotidien
, reconnaît le parti.
« Le caractère complexe de la proposition […] nous a forcés à nous mettre en mode pédagogique et explicatif et moins en mode offensif et politique. »
L’expression taxes orange
, forgée par François Legault pour insinuer que la plateforme solidaire coûterait cher aux Québécois, englobait aussi une autre promesse que QS a eu de la difficulté à vulgariser : la surtaxe de 15 % sur les véhicules énergivores.
Nous savions que cette mesure serait plus difficile à plaider en territoires plus ruraux
, indique le Bilan, mais cet épisode doit nous faire prendre conscience que la lutte aux changements climatiques […] continue d’être un sujet polarisant
.
Sans répondre clairement à la question, QS se demande même s’il a sous-estimé le potentiel polarisant de l’enjeu environnemental
.
« Le fait qu’une portion de plus en plus grande de l’électorat s’intéresse à cet enjeu n’en fait pas un sujet consensuel pour autant, notamment sur le plan des propositions concrètes, qui ont un impact important dans le quotidien des gens. »
Le parti constate aussi que sa plateforme a été dévoilée trop tôt pour bien tenir compte de la hausse de l’inflation, ce qui l’a forcé à concevoir des propositions qui se trouvaient en dehors de [la] plateforme pour pouvoir répondre de manière efficace à la crise du coût de la vie
.
Contexte complètement unique
Malgré tout, QS se félicite d’être parvenu à s’imposer comme le parti de l’environnement
lors de l’élection de 2022. Or, la formation de gauche croit que la conjoncture a joué contre elle.
La lutte contre les changements climatiques, qui avait atteint un sommet au Québec avec la venue de Greta Thunberg en 2019, a été reléguée à l’arrière-plan avec l’apparition de la COVID-19, souligne le Bilan.
Non seulement QS admet qu’il a eu de la difficulté à identifier ses gains potentiels
dans ce contexte, mais il constate qu’une grande partie de la population était décidée à donner une deuxième chance à François Legault
, quelle que soit la tournure de la campagne.
« Cette dynamique a diminué énormément le nombre de votes réellement en jeu lors de l’élection. »
QS se targue néanmoins d’avoir su mener la plus grosse campagne de son histoire, d’avoir mobilisé plus de 11 000 bénévoles, ainsi que d’avoir réuni des candidatures diversifiées et d’une qualité sans égal
.
En matière d’organisation et de communication, nous n’avons plus rien à envier à nos adversaires
, indique le Bilan. QS souligne aussi « le travail admirable » de ses deux porte-paroles, Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé, tout en déplorant un « déséquilibre » dans leur visibilité respective.
Bien qu’inévitable en raison de notre système politique qui tourne autour d’une personne cheffe
, ce déséquilibre est difficilement conciliable avec l’objectif de parité préconisé par le parti
, peut-on lire.
Tensions
Sans trop s’étendre sur le sujet, le Bilan évoque certaines tensions
survenues au sein des équipes
et entre les différentes équipes
de la campagne solidaire.
Le document sous-entend que certains désaccords
sont apparus entre la campagne nationale et les campagnes locales dans les circonscriptions.
La surveillance accrue des médias envers notre campagne 2022, ainsi que les attaques incessantes de nos adversaires, ont certainement fait monter la pression à plus d’une reprise
, indique le Bilan, tout en souhaitant que des moyens de dialogue
soient mis en place.
« Il est légitime pour la campagne nationale de vouloir favoriser la cohésion générale de la campagne, tout comme il est légitime et souhaitable que les campagnes locales disposent d’une certaine marge de manœuvre […] »
Les campagnes locales ont d’ailleurs connu leur lot de difficultés, particulièrement dans les circonscriptions rurales où le vote de QS a reculé en moyenne de 2,15 points de pourcentage par rapport aux élections de 2018.
Pointage déficient
Le Bilan rapporte que certains organisateurs ont déploré que l’autobus de campagne ne soit pas suffisamment allé dans les régions ou que leurs médias locaux n’avaient peut-être pas été assez sollicités lors de son passage
.
QS constate aussi que son pointage surreprésentait les milieux urbains
et sous-estimait à quel point nous sous-performions ailleurs
.
Le parti trouve une explication possible dans le fait que son électorat le plus populaire
, c’est-à-dire les jeunes, se retrouve de moins en moins en campagne
.
De plus, le Bilan souligne qu’il pouvait être plus difficile de faire campagne dans les milieux ruraux avec la plateforme solidaire.
« Certaines de nos propositions ou la façon avec laquelle elles ont été présentées semblaient aussi […] moins intéressantes ou plus difficilement adaptables au contexte rural, par exemple celles sur les véhicules polluants, le transport en commun, les taxes sur les successions ou le logement. »
Au menu du conseil national
Ce Bilan politique des élections 2022 devrait être présenté samedi matin, au deuxième jour du conseil national de QS qui a lieu au Collège Ahuntsic, dans le nord de Montréal. Les perspectives postélectorales sont aussi au menu.
Plusieurs autres points figurent à l’horaire, dont un hommage à l’ex-députée de Rouyn-Noranda-Témiscamingue Émilise Lessard-Therrien, la seule élue solidaire à ne pas avoir de nouveau remporté son siège le 3 octobre dernier.
Une activité de mobilisation est aussi prévue pour dimanche dans Saint-Henri–Sainte-Anne, une circonscription montréalaise que QS espère remporter lors de l’élection partielle du 13 mars, rendue nécessaire par la démission de l’ex-cheffe du Parti libéral du Québec Dominique Anglade.
Source: Radio-Canada