Mendicino ouvert à revoir les pouvoirs du service de renseignement de sécurité

28 décembre 2022
Mendicino ouvert à revoir les pouvoirs du service de renseignement de sécurité

Assahafa.com

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, s’est dit ouvert à l’idée de discuter de changements qui pourraient être apportés au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans la foulée de la Commission d’enquête sur l’état d’urgence.

Au cours des audiences sur les circonstances qui ont mené à l’évocation de la Loi sur les mesures d’urgence en février 2022, des critiques ont été formulées à l’égard de la structure du SCRS. Certains témoins ont soulevé l’idée d’une réforme pour pallier les lacunes qui sont devenues manifestes, selon eux, lors de l’occupation du centre-ville d’Ottawa par le convoi de camionneurs.

Le SCRS a comme mandat d’enquêter sur les activités qui représentent potentiellement une menace pour la sécurité du Canada et d’en informer le gouvernement. Or, la définition même de ce qui pourrait constituer une menace à la sécurité nationale dans le cadre de la Loi sur les mesures d’urgence s’est avérée être un point de discorde lors de l’enquête.

Dans une entrevue accordée à huis clos aux avocats de la commission Rouleau, le directeur du SCRS, David Vigneault, et la directrice ajointe des opérations, Michelle Tessier, ont été interrogés sur les réformes qui pourraient être mises en œuvre au sein du service de renseignement.

Selon un résumé de cet entretien, M. Vigneault a « expliqué qu’un des points cruciaux à réformer était la modernisation de la définition de menace envers la sécurité du Canada ».

En vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, les menaces sont définies ainsi :

  • l’espionnage ou le sabotage;
  • les activités qui sont soumises à une influence étrangère et qui sont préjudiciables aux intérêts du Canada;
  • le recours à la « violence grave » ou la menace de violence dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique;
  • les activités qui ont pour but de saper le gouvernement ou de le renverser par la violence.

À l’instar de M. Vigneault, Michelle Tessier est d’avis que la définition qui en est faite est dépassée.

Dans le contexte actuel, nous devons vraiment nous pencher sur la définition des menaces envers la sécurité du Canada. Il s’agit plutôt de menaces envers les intérêts nationaux du Canada, peut-on lire dans le résumé de la rencontre.

Mme Tessier a en outre indiqué qu’une révision de la définition permettrait « de répondre aux attentes croissantes du gouvernement, qui souhaite obtenir davantage d’informations de la part du SCRS, notamment en ce qui concerne la sécurité économique, la sécurité de la recherche et les renseignements sur la santé et les pandémies ».

« La définition actuelle de [ce qui représente] une menace peut être assez étroite. »

— Une citation de  Michelle Tessier, directrice adjointe des opérations du SCRS

Le premier ministre Justin Trudeau avait lui aussi souligné aux avocats de la commission que le SCRS n’avait pas nécessairement les bons outils, le bon mandat, ni même la bonne mentalité pour répondre à la menace à laquelle le Canada faisait face à ce moment-là.

En entrevue avec CBC News, le ministre Mendicino a affirmé que le gouvernement fédéral continuait d’évaluer les « pouvoirs » du SCRS afin de déterminer, entre autres, s’il nécessitait l’ajout d’outils pour mieux répondre à l’évolution des menaces.

C’est une chose à laquelle nous allons tous continuer de réfléchir, a-t-il déclaré. [Il nous faut] comprendre comment une idéologie politique extrême peut motiver des individus à épouser la cause et à devenir potentiellement violents.

À la lumière de ces observations, « la conversation » sur la révision de certaines lois se « poursuit », a-t-il fait savoir.

Un mandat plus « étroit, précis et clair »

La directrice de la division Confidentialité, technologie et surveillance à l’Association canadienne des libertés civiles (CCLA), Brenda McPhail, prévient toutefois qu’une définition trop large pourrait mener à une concentration accrue du pouvoir politique.

Si tout relève de la sécurité nationale, alors rien n’est exclu, souligne Mme McPhail.

Les autorités nationales bénéficient, avec raison, de pouvoirs extraordinaires pour exécuter le travail important et difficile qu’ils ont à faire. [Il] est important que le mandat de cet organe soit étroit, précis et claire, estime-t-elle.

Par le passé, poursuit Mme McPhail, des agences responsables de la sécurité nationale ont profité d’événements majeurs afin d’acquérir de nouveaux pouvoirs. Il n’y a qu’à penser aux changements apportés après les attentats du 11 septembre, selon la représentante de la CCLA.

Bon nombre des mesures qui ont été mises en place à l’époque étaient en réalité des demandes de longue date des agences de sécurité, explique-t-elle. Mais personne n’en voyait la nécessité avant qu’une crise déchirante ne se déclare en Amérique du Nord.

Nous parlons de changer le degré d’intervention que peut exercer l’agence de sécurité nationale dans la vie des Canadiens, rappelle-t-elle. Ce n’est pas le genre de décision qui doit être prise à la légère.

Dennis Molinaro, un ancien analyste de la sécurité devenu professeur à l’Université Ontario Tech, est lui aussi d’avis que le SCRS doit se doter d’un mandat plus clair pour affiner ses pouvoirs d’enquête.

En laissant aux agents du SCRS « le soin d’être créatifs quant à la façon dont ils peuvent enquêter », ceux-ci peuvent soit s’abstenir d’aller jusqu’au bout de leur démarche, soit outrepasser ce qui leur incombe. « Et on peut alors se retrouver avec des abus », prévient-il.

Un intérêt accru pour la sécurité nationale

Les avis sont mitigés quant aux chances de réforme du SCRS après la publication du rapport du juge Paul Rouleau, prévue pour février 2023. Pour mener à bien tout changement législatif, le gouvernement libéral minoritaire devra obtenir le soutien du NPD, observe Wesley Wark, du Centre for International Governance Innovation.

Je crois que le chemin à parcourir avant qu’on en vienne à des changements sera long, dit-il.

De son côté, Dennis Molinaro fait remarquer que l’intérêt des Canadiens pour les questions de sécurité nationale s’est toutefois accru, notamment grâce aux récents reportages sur l’ingérence étrangère de la Chine dans les dernières élections fédérales.

Je suis un peu plus optimiste maintenant que je ne l’ai été par le passé, lance-t-il. Je pense que beaucoup de Canadiens réalisent l’importance de la politique étrangère. Ils voient comment celle-ci est liée à la politique intérieure, en particulier à la politique de sécurité.

Le ministre Mendicino a dit espérer que les recommandations finales du juge Rouleau permettent de répondre aux préoccupations soulevées quant au SCRS.

Source: Radio-Canada

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