Carney recule sur les contre-tarifs pour faire avancer les négociations avec Trump

23 août 2025
Carney recule sur les contre-tarifs pour faire avancer les négociations avec Trump

Assahafa.com

Le Canada va retirer, dès le 1er septembre, les contre-tarifs sur les produits américains couverts par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), a annoncé vendredi Mark Carney. Le premier ministre du Canada espère ainsi réduire les tensions avec Donald Trump avant de prochaines négociations sur les droits de douane touchant des secteurs névralgiques, tels que l’acier, l’aluminium, les automobiles et le bois d’œuvre.

Le jus d’orange de Floride, le bourbon du Kentucky ainsi qu’un large éventail de produits électroniques comptent parmi les produits américains qui seront exemptés de contre-tarifs canadiens à partir du mois prochain.

Le Canada maintiendra ses droits de douane sur l’acier, l’aluminium et l’automobile pendant qu’il travaillera d’arrache-pied avec les États-Unis à résoudre les enjeux dans ces secteurs, a assuré M. Carney.

Le premier ministre a fait cette annonce au lendemain d’un entretien téléphonique avec le président américain qui a été qualifié de constructif. Il a soutenu que le Canada avait en ce moment le meilleur accord commercial avec les États-UnisBien qu’il soit différent de celui que nous avions auparavant, il demeure supérieur à celui de tout autre pays, a-t-il encore dit.

Selon Mark Carney, le taux tarifaire moyen réel des États-Unis sur les produits canadiens est de 5,6 %Ce qui est clair, c’est que les États-Unis nous accordent le meilleur accord commercial du monde, avec plus de 85 % de nos exportations qui sont dans un état de libre-échange, a-t-il ajouté.

C’était la première fois qu’Ottawa évoquait publiquement de telles estimations.

Selon les plus récentes données du Bureau du recensement des États-Unis, en juin, 93 % des produits canadiens ont traversé la frontière sans être assujettis à des droits de douane, notamment en raison de l’exemption accordée aux exportations conformes à l’ACEUM.

Le taux moyen des tarifs sur les importations canadiennes aux États-Unis était alors de 2,4 %, selon les données de l’agence statistique américaine.

Des industries toujours fortement touchées par les tarifs

Questionné sur les chances d’obtenir une réduction des tarifs sur les secteurs critiques d’ici l’automne, Mark Carney a laissé planer le doute, ne voulant visiblement pas s’engager sur un calendrier. Il a toutefois indiqué qu’un tel accord serait nécessaire avant la révision de l’ACEUM, qui est prévue pour 2026 et qui pourrait prendre, selon lui, de 6 à 18 mois.

Ce qui est important maintenant, c’est le secteur stratégique : l’acier, l’aluminium, les automobiles, le bois de construction. Il y a l’occasion d’avoir un partenariat économique et sécuritaire avec les États-Unis qui concerne ces secteurs avant la révision de l’ACEUM.

Une citation deMark Carney, premier ministre du Canada

En marge du Sommet du G7, à Kananaskis, en juin, M. Carney avait pourtant dit qu’un accord devrait être conclu en juillet.

Vendredi, le premier ministre a également écarté l’idée d’augmenter les contre-tarifs canadiens sur l’acier et l’aluminium en provenance des États-Unis, même si l’administration Trump a doublé, en juin, ses droits de douane sur ces secteurs canadiens.

Les États-Unis imposent des droits de douane de 50 % sur l’acier et l’aluminium en provenance du Canada, tandis qu’Ottawa n’en impose que 25 % sur les produits en acier et en aluminium américains.

En juin, le secteur métallurgique canadien était de loin le plus touché par les tarifs de l’administration américaine.

Des concessions déjà faites

Ce n’est pas la première fois que le Canada offre des concessions aux États-Unis dans l’espoir de faire avancer les négociations commerciales avec le voisin du Sud. Fin juin, le gouvernement fédéral a annulé la taxe sur les services numériques que l’administration Trump qualifiait d’attaque directe et flagrante contre les États-Unis.

Entrée en vigueur en 2024, cette taxe à hauteur de 3 % devait toucher les géants du web – dont Amazon, Apple, Airbnb, Google, Meta et Uber – qui offrent des services numériques, comme la publicité ou le magasinage en ligne, et qui génèrent plus de 20 millions de dollars de revenus sur le marché canadien. Selon le directeur parlementaire du budget, le Canada aurait récolté environ 7,2 milliards de dollars sur cinq ans si cette taxe était entrée en vigueur.

En avril, Ottawa avait également annoncé des exemptions temporaires sur les contre-tarifs canadiens imposés sur une gamme de produits américains, notamment dans le secteur alimentaire afin de limiter la hausse des prix dans les épiceries. Ces exemptions ont aussi touché les secteurs de l’industrie manufacturière, de la santé publique, des soins de santé, de la sécurité publique et de la sécurité nationale.

Lors de sa conférence de presse, Mark Carney s’est défendu de reculer face aux exigences de Donald Trump, utilisant une métaphore sportive pour illustrer le changement de cap dans la stratégie canadienne.

Durant la première période d’une partie de hockey importante, on joue robuste dans les coins et on jette les gants pour passer un message, ce que nous avons fait. Mais vient ensuite un moment dans la partie, a poursuivi M. Carney, où on tente de contrôler la rondelle et de marquer un but. Le Canada, a-t-il dit, entre dans cette phase du match.

Trump salue l’annonce du Canada

À Washington, le président américain s’est réjoui de l’annonce canadienne, estimant que c’est une bonne chose. Il a affirmé qu’il allait parler bientôt avec le premier ministre Carney.

Nous voulons être très bons envers le Canada. J’aime beaucoup [Mark] Carney, c’est une bonne personne et nous avons eu une très bonne conversation [jeudi].

Une citation deDonald Trump, président des États-Unis

Un peu plus tôt, la Maison-Blanche avait réagi à l’annonce du Canada en disant qu’elle était attendue depuis très longtemps.

Mais au Canada, les principaux partis de l’opposition ont dénoncé cette décision de M. Carney, l’accusant de reculer face au président américain.

Mark Carney est en train de perdre la guerre tarifaire face à la Chine et aux États-Unis, a déploré le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre.

Il a promis une entente avec Donald Trump en juillet et nous sommes maintenant en septembre et il n’y a toujours rien, a-t-il dit, invitant le premier ministre à accélérer l’approbation et la construction de projets de grande envergure, comme les mines et les pipelines, afin de renforcer l’autosuffisance du Canada.

C’est clairement une autre concession du gouvernement libéral, a critiqué de son côté le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

Peut-être que c’est un geste de bonne foi, mais il n’y a à date […] aucune indication à l’effet qu’il y aurait une contrepartie de bonne foi de la part des Américains, a-t-il ajouté. C’est comme si à chaque fois, M. Carney concède, concède et concède et c’est le contraire de ce qu’il nous avait promis.

Des réactions majoritairement positives dans le milieu des affaires

De nombreuses associations de commerçants ont salué la décision d’Ottawa de retirer des contre-tarifs qui engendraient des coûts supplémentaires pour les entreprises qui s’approvisionnent aux États-Unis.

Beaucoup de ces coûts-là étaient des coûts qu’ils absorbaient en attendant de voir ce qui se passerait avec la situation tarifaire, explique la directrice aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Christina Santini.

On le disait depuis le début de cette guerre tarifaire, il faut faire attention avec les contre-tarifs. C’est ce qui fait le plus mal à nos propres entreprises, ajoute Mathieu Lavigne, le chef de cabinet et directeur des relations médias de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

L’Association de l’aluminium du Canada juge quant à elle que l’assouplissement des droits de douane de représailles risque de faciliter les négociations avec la Maison-Blanche en vue d’obtenir un nouvel accord commercial.

C’est important de nettoyer l’ardoise le plus possible de part et d’autre pour pouvoir amorcer les discussions sur une base plus constructive, indique son président et chef de la direction, Jean Simard.

Unifor, le plus important syndicat du secteur privé au pays, a toutefois vivement critiqué la décision de Mark Carney.

Retirer les contre-tarifs n’est pas un geste de réconciliation. Ça ne fait qu’encourager davantage d’agressions américaines, a indiqué la présidente nationale du syndicat, Lana Payne.

Source: Radio Canada

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