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Le Canada franchira lundi prochain, à Bruxelles, une étape importante vers son réarmement en officialisant son intention d’adhérer au plan ReArm Europe. Mais déjà, les Allemands et les Norvégiens sont prêts à sceller un pacte trilatéral pour construire et acquérir des sous-marins dont le Canada a cruellement besoin.
Le premier ministre Mark Carney passera une partie de la semaine prochaine sur le continent européen. Son premier arrêt sera Bruxelles, où se tient le Sommet Canada-Union européenne (UE), le 23 juin. Ensuite, il se dirigera à La Haye, aux Pays-Bas, afin de participer au Sommet de l’OTAN, les 24 et 25 juin.
Le bureau du dirigeant canadien n’a pas voulu confirmer si ce dernier parapherait un document d’adhésion au plan ReArm Europe pendant son escale dans la capitale belge. De hauts responsables européens ont toutefois confirmé vendredi lors d’une séance d’information technique qu’un partenariat devait bel et bien être signé.
L’ambassadeur d’Allemagne au Canada, Matthias Lüttenberg, s’y attend également. « Je suis très optimiste quant aux chances d’en arriver à une entente au Sommet Canada-UE, avant le Sommet de l’OTAN. Ce serait un moment propice pour finaliser cet accord », affirme-t-il en entrevue.
Des discussions en matière de sécurité maritime
L’accord permettra de réaliser des économies d’échelle en matière d’acquisitions militaires, au moment où le Canada planche sur un réinvestissement massif en défense.
Par le fait même, le premier ministre Carney veut prendre ses distances par rapport au marché américain, où le Canada dépense de 75 % à 80 % de son budget militaire.
Avant même le dépôt du plan européen d’une valeur pouvant aller jusqu’à 800 milliards d’euros (plus de 1250 milliards de dollars canadiens), l’Allemagne, la Norvège et le Canada se parlaient.
Au Sommet de l’OTAN de Washington, en juillet 2024, les trois pays ont signé une lettre d’intention en matière de sécurité maritime.
Nous aimerions beaucoup que le Canada choisisse de rejoindre le club des pays constructeurs et acheteurs de sous-marins », expose l’ambassadeur Matthias Lüttenberg. D’autant plus que le géant allemand de l’industrie navale, ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS), est en pleine expansion.
« Ils viennent d’acquérir un deuxième chantier naval dans l’est de l’Allemagne. Leur capacité de production sera donc doublée », indique l’envoyé de Berlin à Ottawa. L’entreprise a d’ailleurs ouvert un bureau dans la capitale fédérale il y a quelques semaines pour mousser son projet de sous-marins de type 212CD.
« TKMS s’engage résolument à établir une forte présence industrielle au Canada », écrit dans un courriel le porte-parole Nils Beyer. S’il se concrétise, le projet générerait des retombées économiques considérables en créant au pays des emplois hautement qualifiés, ajoute-t-il.
Et c’est sans compter qu’il s’agit d’une « occasion stratégique de renforcer l’interopérabilité de l’OTAN » et de faire du Canada « un partenaire industriel stratégique au sein d’une entreprise sous-marine transatlantique », plaide-t-il.
Chargé d’affaires à l’ambassade de Norvège au Canada, Trygve Bendiksby indique que le sous-marin de type 212CD, fruit d’une collaboration germano-norvégienne dont les bases ont été jetées il y a une décennie, est configuré de manière à répondre aux besoins opérationnels de pays nordiques comme le Canada.
Et l’approche collaborative a fait ses preuves, dit-il. « En mutualisant ressources et expertise, l’Allemagne et la Norvège ont déjà réalisé des bénéfices et des économies considérables […] Ce programme commun a démontré un fort potentiel de réduction du coût total de possession », a-t-il expliqué.
Un besoin flagrant
Le Canada possède en ce moment quatre sous-marins de classe Victoria, dont il a fait l’acquisition auprès du gouvernement britannique à la fin des années 1990. Mais depuis leur mise en service, au début des années 2000, ils ont fréquemment été à quai ou en cale sèche.
Et en ce moment, un seul d’entre eux est opérationnel, a confirmé le ministère de la Défense nationale.
Il y a près d’un an, le gouvernement canadien a lancé le processus visant à solliciter officiellement l’industrie dans le but d’acquérir « jusqu’à 12 sous-marins à propulsion classique capables de naviguer sous la glace » afin « de détecter et de prévenir les menaces et de contrôler nos voies d’accès maritimes ».
L’appétit canadien pour de nouveaux sous-marins n’est pas passé inaperçu.
Trois entreprises de la Corée du Sud ont fait une offre non sollicitée au gouvernement canadien en mars dernier, avec promesse de livraison des quatre premiers sous-marins d’ici 2035, a rapporté il y a quelques semaines le réseau CBC1.
De son côté, TKMS évoque un horizon moins lointain. « Si le Canada se joint au programme d’ici 12 à 18 mois, le premier sous-marin pourrait être livré en 2033, bénéficiant du calendrier de production en cours en Allemagne », indique le porte-parole Nils Beyer.
L’acquisition de sous-marins gonflera le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) consacré au budget de la défense par le Canada. Mais le premier ministre Mark Carney, qui a récemment promis d’atteindre la cible de 2 % fixée par l’OTAN en 2025-2026, se fera peut-être malgré tout tirer l’oreille au sommet de La Haye.
Car la proposition américaine de hausser le niveau à 5 % a fait son chemin, et sera sans aucun doute à l’ordre du jour dans la ville néerlandaise.
Source: la presse