Carney réaffirme son engagement à réduire les impôts, mais renonce à présenter un budget

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Au lendemain de son assermentation, le premier ministre Mark Carney a réuni ses 28 ministres et 10 secrétaires d’État, à Ottawa. Premier sujet à l’ordre du jour : la baisse d’impôts promise par les libéraux lors de la campagne électorale.

À l’issue de la réunion de son Cabinet, M. Carney a réaffirmé son engagement d’alléger le fardeau fiscal de la classe moyenne, en réduisant d’un point de pourcentage le premier palier d’imposition pour le faire passer de 15 % à 14 %. Cette mesure devrait toucher environ 22 millions de contribuables à travers le pays.

Selon le gouvernement, cette mesure va permettre aux familles d’économiser jusqu’à 840 $ par année. Au Québec, toutefois, l’économie sera moins importante en raison de l’abattement fiscal.

Dans un geste symbolique, M. Carney a signé un document attestant cet engagement, qui, pour entrer en vigueur, doit encore être ratifié par le Parlement.

Habituellement, cette mesure fiscale aurait dû être comprise dans le prochain budget fédéral qui, à son tour, aurait dû être soumis au vote des députés à la Chambre des communes, mais M. Carney a plutôt décidé de faire passer son engagement à travers un projet de loi de voies et moyens.

Je charge le ministre des Finances et du Revenu national [François-Philippe Champagne] de préparer un projet de loi qui sera présenté à la première occasion ce printemps, peut-on lire dans le document signé par Mark Carney.

Un énoncé économique à l’automne

S’adressant aux médias après la réunion, M. Champagne a assuré que cet allégement va figurer parmi les premiers points à l’ordre du jour du gouvernement pour la nouvelle session parlementaire qui doit s’ouvrir le 26 mai.

M. Champagne a également confirmé que le gouvernement libéral ne va pas présenter de budget pour cette année financière et qu’il va plutôt tabler sur un énoncé économique à l’automne.

Réagissant à cette annonce, le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a accusé le gouvernement libéral de se dérober de ses responsabilités. Ce n’est pas le leadership que Mark Carney avait promis, c’est de l’abandon, a écrit M. Poilievre sur X.

L’annonce a également surpris plusieurs observateurs, dont Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques à l’Université d’Ottawa.

C’est étonnant parce que, justement, c’est un gouvernement qui se présente comme un gouvernement de l’économie, a dit Mme Tellier à Radio-Canada. On a l’impression qu’il y a beaucoup de dépenses qui vont se réaliser très rapidement […] et un plan budgétaire aurait permis justement d’expliquer aux Canadiens les intentions du gouvernement.

En mars dernier, lorsque Mark Carney avait formé son premier gouvernement restreint, il avait signé un décret pour abolir la taxe carbone pour les particuliers. Celle qui touche les industries a toutefois été maintenue.

Des ministres s’expriment

Avant la rencontre, plusieurs ministres se sont arrêtés devant les journalistes sur la colline du Parlement pour commenter les dossiers qui leur ont été confiés.

Pas de temps à perdre pour la ministre Mélanie Joly, qui est passée des Affaires étrangères à l’Industrie, au moment où la guerre tarifaire lancée par le président américain Donald Trump jette un froid sur les investissements étrangers. Le jour de l’assermentation, Honda annonçait qu’elle suspendait pour deux ans ses investissements dans les véhicules électriques au Canada.

Mme Joly a dit avoir eu une discussion constructive sur cette question, ce matin, avec Victor Fedeli, le ministre ontarien du Développement économique, de la Création d’emplois et du Commerce.

Mon objectif est de contacter les responsables de Honda d’ici la fin de la journée, a-t-elle ajouté, tout en rappelant qu’il s’agit d’une pause de la part du constructeur automobile et qu’il n’y a pas eu d’emplois perdus.

Mon objectif est de renverser la vapeur, […] de créer de la certitude économique pour attirer des investissements et créer de nouveaux emplois.

« Une seule économie » d’ici la fête du Canada

La ministre des Transports et du Commerce interne, Chrystia Freeland, a quant à elle mis l’accent sur l’importance de lever les barrières commerciales interprovinciales d’ici le 1^er juillet, comme promis par le premier ministre, dans l’objectif de bâtir une seule économie canadienne et non pas 13.

Le gouvernement fédéral va faire tout ce qui est en son contrôle pour y parvenir et, en même temps, nous allons encourager les provinces et les territoires à faire la même chose, a-t-elle dit. Toutes les provinces veulent le faire, a-t-elle encore assuré.

Tous les économistes disent que c’est une bonne chose pour le Canada. […] Je pense que le moment est opportun pour y arriver, on peut le faire. Le commerce interne est redevenu sexy!

Anita Anand sur la situation à Gaza

La ministre Anita Anand qui est devenue la nouvelle cheffe de la diplomatie du Canada a, pour sa part, affirmé qu’elle mettra davantage l’accent sur les relations économiques avec les alliés à l’étranger, y compris les États-Unis.

Notre focus comme gouvernement est [de renforcer] notre économie interne, nous devons avoir des relations fortes avec nos alliés et trouver aussi de nouveaux alliés, a-t-elle dit.

Mme Anand a été aussi appelée à commenter la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza, alors que les autorités israéliennes bloquent depuis le 2 mars l’entrée de toute aide humanitaire dans l’enclave palestinienne, où elle est vitale pour les 2,4 millions d’habitants.

Nous ne pouvons pas permettre que la nourriture soit utilisée comme un outil politique. Ceci est tout simplement inacceptable.

La ministre a également dénoncé la mort de plus de 50 000 Palestiniens dans les agressions continues, appelant à un cessez-le-feu dans la région.

Steven Guilbeault invité à parler d’environnement

Le ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles, Steven Guilbeault, a pour sa part été appelé à commenter un des dossiers qui lui tiennent à cœur, mais dont il n’est plus responsable : l’environnement.

À la question de savoir s’il serait favorable à la construction de nouveaux oléoducs pétroliers qui traverserait le pays de l’ouest vers l’est, il a laissé entendre que cela serait contre-productif. Le premier ministre Mark Carney s’est pourtant déjà montré ouvert à cette idée-là, s’il y a un consensus parmi toutes les provinces.

M. Guilbeault, qui a piloté le ministère de l’Environnement sous Justin Trudeau, a par ailleurs rappelé que le gouvernement fédéral a déjà acheté un oléoduc, en référence à l’oléoduc Trans Mountain, qui, selon lui, n’est utilisé qu’à 40 % de capacité. D’ici 2029, la demande en pétrole va plafonner, a-t-il assuré. Aucun promoteur ne veut construire un nouveau projet de pipeline Est-Ouest.

On a déjà une infrastructure existante qui n’est même pas utilisée à 50 % de capacité. Donc avant de construire de nouvelles infrastructures, maximisons celles qui existent déjà.

Tim Hodgson veut se rendre dans l’Ouest

Tim Hodgson, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, qui figure parmi les nouveaux visages qui ont fait leur entrée au sein du Cabinet, est l’un des rares nouveaux venus à avoir répondu aux questions des journalistes avant le début de la réunion.

Il a dit qu’il a hâte de travailler avec toutes les provinces, ainsi qu’avec les partenaires autochtones et les industries pour bâtir un Canada plus prospère, tout en affirmant qu’il va se rendre dans l’ouest du pays très bientôt.

M. Hodgson, qui vient tout juste d’être élu comme député il y a deux semaines, a présidé le conseil d’administration d’Hydro One Limited et de l’Organisme canadien de réglementation des investissements. Il a également agi à titre de conseiller spécial de Mark Carney lorsque ce dernier était gouverneur de la Banque du Canada.

Il prend ses fonctions alors que les relations entre les libéraux et les provinces de l’Ouest, notamment l’Alberta et la Saskatchewan, sont au plus bas.

Danielle Smith réagit

Avant la campagne électorale, Danielle Smith avait soumis une liste de demandes à Mark Carney, qui incluait notamment la création de corridors d’exportation du pétrole et l’élimination du plafond des émissions de l’industrie pétrolière et gazière. Selon elle, le Canada risquait de tomber dans une crise d’unité nationale si ses demandes n’étaient pas écoutées par Ottawa.

Mme Smith a d’ailleurs critiqué les propos de M. Guilbeault, l’accusant d’induire les Canadiens en erreur. Dans une publication sur X, elle a appelé la nouvelle ministre de l’Environnement, Julie Dabrusin, à désavouer les propos de M. Guilbeault et à collaborer avec l’Alberta pour construire de nouveaux pipelines afin d’accéder à de nouveaux marchés.

Source: Radio Canada