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Le premier ministre canadien, Mark Carney, doit s’envoler lundi après-midi à destination de Washington pour son premier tête-à-tête avec le président américain, Donald Trump. À l’approche de cette rencontre qui s’annonçait déjà à haut risque, le locataire de la Maison-Blanche a confirmé qu’elle ne serait pas de tout repos, réaffirmant son désir d’annexer le Canada dans une entrevue diffusée dimanche.
C’est assurément l’éléphant dans la pièce, et il reste à voir s’il fera une apparition dans le bureau Ovale. Entre-temps, le sujet a été abordé dimanche à l’émission de télévision Meet the Press, un rendez-vous hebdomadaire traitant de la politique américaine. « Je parlerai toujours de ça », a laissé tomber Donald Trump en réponse à la question de l’animatrice Kristen Welker, réitérant l’affirmation trompeuse voulant que les États-Unis « subventionnent » le Canada à hauteur de 200 milliards de dollars et répétant que son pays ne veut pas des voitures, de l’énergie ou du bois d’œuvre de son voisin au nord.
Cette énième sortie compromet-elle la visite de Mark Carney, qui a maintes fois posé comme condition à toute rencontre la reconnaissance de la souveraineté canadienne ? Son bureau n’a pas répondu, dimanche, mais rien n’a été annulé non plus.
Le 51e État, bis
« Ça ne part pas d’un bon pied pour la rencontre de mardi », observe l’ancienne stratège libérale Sandra Aubé. Selon elle, des interactions doivent avoir eu lieu « au niveau politique » à la lumière de ce qui a été dit sur les ondes de NBC. Et si, malgré les efforts déployés sur le front diplomatique, l’imprévisible président ramenait sur le tapis ses velléités annexionnistes, la délégation canadienne devra envisager « différents scénarios », dit cette ancienne cheffe de cabinet de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly. « Incluant un scénario où on dit que ça suffit et que si la question revient, ça devient inacceptable et on quittera la table », argue-t-elle.
Éviter de se faire « zelenskyer »
Elle semble loin, l’époque où les dirigeants étrangers en visite à la Maison-Blanche espéraient surtout ne pas sortir trop amochés du rituel de la poignée de main. Depuis l’humiliation publique infligée à l’invité ukrainien Volodymyr Zelensky, les chefs d’État composent avec un niveau de risque encore plus élevé. « Va-t-il passer 30 secondes en photo-op ou 10 minutes en photo-op ? C’est très différent, et il [Trump] est imprévisible. Les médias vont être là, et lors de la visite de Zelensky, ils agissaient comme des joueurs de football, des boys qui lui demandaient où était son veston-cravate. La testostérone était pas mal élevée », expose Catherine Loubier, ancienne conseillère pour le Québec auprès du premier ministre Stephen Harper.
Pas de fumée blanche
« Écoutez, je vais là en m’attendant à des discussions constructives. Difficiles, mais constructives », a exposé Mark Carney en conférence de presse, vendredi dernier. Sans offrir de garantie de résultat, il a tout de même exprimé son incompréhension face au maintien des droits de douane en lien avec le trafic de fentanyl. « Ce n’est pas clair pourquoi ils sont encore en place », a-t-il déclaré. Et n’en déplaise à Donald Trump, qui a fait circuler une image de lui dans des habits de pape au courant de la fin de semaine, il ne faut pas « s’attendre à de la fumée blanche à la fin de cette rencontre », a lancé le premier ministre.
La forme et le fond
La forme aura probablement préséance sur le fond, ce qui est loin d’être inhabituel dans ce type d’exercice. Et c’est encore plus vrai dans le contexte bilatéral tendu qui règne actuellement. « On va se préoccuper du ton, de l’image, de la connexion humaine et du contenu. On voudra savoir quels sont les deux ou trois mots qui sortiront de la rencontre. Ça a l’air un peu simpliste, mais on est dans une situation où on doit réinitialiser la relation entre le Canada et les États-Unis », relève Catherine Loubier, qui a participé à l’organisation des rencontres entre l’ancien premier ministre Harper et les présidents américains George W. Bush et Barack Obama.
Contrôler ce qu’on peut
les choses peuvent déraper. On ne veut pas se mettre dans cette position pour une première rencontre. Je pense qu’à la Maison-Blanche, on souhaite ça aussi », avance-t-elle.
Gagner en ne perdant pas
Mark Carney s’est fait élire lundi dernier avec la promesse de tenir tête à Donald Trump. La réunion de mardi est une première étape. « Dans ce cas-là, gagner, ce sera ne pas perdre », juge Sandra Aubé. Rentrer avec une confirmation que Donald Trump sera du Sommet du G7 de Kananaskis, en Alberta, à la mi-juin, serait déjà un « résultat positif », indique-t-elle. « Il faut que le premier ministre ressorte de là et que les États-Unis pensent qu’on peut être un bon partenaire, et peut-être même un allié et un ami, comme on a toujours été », renchérit Catherine Loubier. Car ultimement, les exportations canadiennes ne pourront pas toutes prendre le chemin de l’Europe. « On n’a jamais été capables de faire ça. Ça n’arrivera jamais. Je comprends la rhétorique pendant l’élection, mais on a besoin des États-Unis », conclut-elle.
Source: la presse