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La menace du président des États-Unis, Donald Trump, d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur tous les produits canadiens se précise. Cette épée de Damoclès pourrait tomber sur l’économie canadienne à partir du 1er février.
Le président américain a évoqué cette date lundi soir en répondant aux questions des journalistes dans le bureau Ovale tandis qu’il signait une kyrielle de décrets présidentiels portant entre autres sur le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, la suspension pendant 75 jours de la loi interdisant TikTok aux États-Unis ou l’octroi d’un pardon à des centaines de personnes condamnées pour leur participation à l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021.
M. Trump a indiqué qu’il songeait à imposer des tarifs douaniers sur les produits canadiens et mexicains à compter du 1er février, accusant de nouveau les deux partenaires commerciaux de ne pas contrôler adéquatement les frontières et de ne pas stopper les exportations de fentanyl. Il a aussi indiqué s’être entretenu avec le premier ministre Justin Trudeau.
« Nous envisageons des prélèvements de 25 % sur le Mexique et le Canada, car ils autorisent un grand nombre de personnes [à franchir la frontière] », a affirmé M. Trump. Il a par la suite qualifié le Canada de « très mauvais abuseur » et a déclaré que la date cible pour les tarifs serait, « [il] pense, le 1er février ».
En principe, Washington doit achever des enquêtes sur les pratiques commerciales de pays comme le Canada, le Mexique et la Chine avant de trancher. Les conclusions doivent être remises au président américain d’ici le 1er avril, selon le décret qu’il a signé à cet effet. Mais ses propos tenus en soirée brouillent les pistes.
Ces déclarations du locataire de la Maison-Blanche ont conclu une journée qui avait jusque-là permis aux dirigeants du pays, aux gens d’affaires et aux grands syndicats de croire que le Canada avait échappé au pire scénario au premier jour de la nouvelle administration.
Car durant son discours d’investiture, le président américain n’avait pas soufflé un mot sur sa menace de lancer une salve tarifaire de 25 % en direction du Canada – une menace brandie pour la première fois le 25 novembre dernier.
Ottawa « prêt à riposter »
Ces signaux en provenance de Washington avaient mené les principaux ténors du gouvernement Trudeau à pousser prudemment un soupir de soulagement. Mais ce sentiment a été de courte durée. Ils ont dû ajuster leur discours lundi soir.
« Notre pays est absolument prêt à riposter », a lancé le ministre des Finances, Dominic LeBlanc, prenant la parole en compagnie de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, en marge d’une retraite de deux jours du cabinet consacrée essentiellement aux relations canado-américaines.
« Nous sommes prêts à toute éventualité. Le plan est prêt. Le gouvernement est prêt. Cependant, nous allons continuer de travailler avec le gouvernement américain. Si l’inquiétude du président est la sécurité frontalière, c’est une inquiétude que nous partageons totalement. Nous avons annoncé un plan d’au-delà d’un milliard de dollars américains pour renforcer des mesures de sécurité à la frontière », a avancé le ministre LeBlanc.
Il a aussi souligné que le gouvernement Trudeau et les provinces planchaient depuis plusieurs semaines sur des mesures de rétorsion dans l’éventualité où l’administration Trump impose des tarifs.
Rien de ce qu’il a dit n’est surprenant. Une chose que nous avons apprise, c’est que le président Trump peut être imprévisible par moments.
Dominic LeBlanc, ministre des Finances du Canada
Ottawa et les provinces ont convenu d’une réplique tarifaire visant les importations de produits américains d’une valeur annuelle variant entre 35 et 40 milliards de dollars. Cette première vague pourrait être mise en œuvre dans un court délai. Elle viserait à éviter, dans la mesure du possible, de pénaliser indûment les consommateurs canadiens.
Le jus d’orange, les toilettes et certains produits d’acier font partie des produits américains qui pourraient être frappés de tarifs.
La deuxième réponse du Canada pourrait toucher des produits américains totalisant 110 milliards de dollars si Washington refusait de faire marche arrière.
« Nous continuons de croire que ce serait une erreur de la part du gouvernement américain d’aller de l’avant avec des tarifs. Cela aurait un impact sur le coût de la vie aux États-Unis, sur les emplois, sur la sécurité de la chaîne d’approvisionnement. Ce serait une période difficile pour l’économie du pays », a ajouté le grand argentier du pays.
Dans l’intervalle, la ministre Mélanie Joly a réaffirmé l’importance de maintenir un front uni devant la nouvelle administration. « Il faut rester unis », a-t-elle dit, lançant ainsi un message à la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, qui a refusé d’appuyer la semaine dernière une déclaration d’Ottawa et du Conseil de la fédération parce qu’elle ne veut pas que le gouvernement Trudeau utilise la carte des exportations de l’énergie comme le pétrole pour faire pression sur Washington.
Un plan de représailles « costaud », assure Legault
De son côté, le premier ministre François Legault a réagi à la déclaration de Donald Trump en disant que sa « priorité demeure d’éviter ces tarifs ». Il a réitéré qu’« il n’est pas dans l’intérêt des Américains d’entrer en guerre commerciale avec le Canada. Les deux pays y perdraient et les Américains nuiront à leur propre économie ».
Il a brandi à nouveau une riposte si M. Trump met sa menace à exécution. « Le Québec collabore avec le fédéral sur la mise en place d’un plan de représailles costaud », a-t-il ajouté dans une déclaration écrite diffusée vers 21 h 50, quelques minutes après avoir esquivé les questions de La Presse à la sortie d’un souper avec ses députés à Saint-Sauveur, où les caquistes se réunissent pour préparer le retour à l’Assemblée nationale le 28 janvier.
Pour le ministre du Travail Jean Boulet, la déclaration de M. Trump « paraît ne pas être compatible » avec les informations qui circulaient en matinée selon lesquelles le président américain demanderait d’abord une enquête sur de prétendues pratiques commerciales déloyales.
M. Boulet décodait qu’une telle enquête prendrait du temps. La déclaration de M. Trump sur l’imposition de tarifs dès le 1er février est une preuve de plus, selon lui, que le président est imprévisible.
François Legault a également assuré que le gouvernement sera présent pour « soutenir [les] entreprises ». Il disait en conférence de presse quelques heures plus tôt que son gouvernement prépare un plan d’aide pour faire face à la « crise Trump », qui lui rappelle la crise de la COVID-19. Et il n’écarte pas le report du retour à l’équilibre budgétaire.
« Est-ce que M. Trump va sortir l’arme atomique ? Qu’est-ce qu’il va faire exactement, M. Trump ? C’est beaucoup trop tôt pour répondre à cette question-là », a affirmé M. Legault lorsqu’on lui a demandé s’il pouvait toujours garantir le déficit zéro en 2029-2030.
Le premier ministre a réitéré qu’il n’exclut pas d’utiliser l’électricité en guise de riposte.
« Si M. Trump mettait des tarifs à l’importation, ça peut être soit qu’on mette nous aussi des tarifs à l’importation, mais ça peut être aussi des tarifs à l’exportation, par exemple dans le secteur de l’énergie », a-t-il affirmé à Prévost en marge de l’annonce de la construction d’une nouvelle école secondaire au coût de 226 millions de dollars.
Il envisage d’augmenter les investissements en infrastructures, comme l’avait fait d’ailleurs Jean Charest pour stimuler l’économie lors de la crise financière. Les investissements prévus au Plan québécois sur les infrastructures s’élèvent en ce moment à 153 milliards pour les 10 prochaines années.
« Est-ce qu’on doit l’augmenter encore plus en se disant : si jamais on perd des emplois dans certains secteurs manufacturiers, on pourrait les remplacer par des emplois dans le secteur de la construction, pour construire des infrastructures qui ne sont pas un luxe parce qu’on a un énorme rattrapage à faire au Québec ? Ça fait partie des réflexions qu’on a », a-t-il indiqué.
Source: la presse