Les 9 vies du Bloc québécois

4 octobre 2024
Les 9 vies du Bloc québécois

Assahafa.com

« Why [are] there so many English people here? » Sourire aux lèvres, Yves-François Blanchet semblait ravi de constater à quel point les journalistes étaient nombreux à sa mêlée de presse mercredi.

Plusieurs médias anglophones – qui, généralement, ne couvrent pas assidûment les déclarations du chef du Bloc québécois – l’ont pressé de questions au sujet de son ultimatum à Justin Trudeau et de sa motion sur les pensions des aînés.

Cette frénésie démontre parfaitement l’importance stratégique du Bloc dans la composition actuelle du Parlement.

Et surtout, elle illustre à quel point – après avoir été maintes fois déclaré à l’article de la mort – le Bloc est bien vivant.

Un phénix?

Quand elle a repris le flambeau de la chefferie du Bloc québécois, en 2017, Martine Ouellet y était allée d’une analogie qui avait laissé de nombreux observateurs de la scène politique circonspects.

Le Bloc québécois, ce n’est pas un dinosaure, c’est un phénix, avait-elle lancé. Quelques mois plus tard, le parti se déchirait et 70 % de son caucus claquait la porte en critiquant son leadership.

L’histoire nous a par la suite démontré que – si ce n’est pas Martine Ouellet qui a réussi à faire renaître le Bloc de ses cendres – le parti a néanmoins été capable, avec les années, de remonter la pente.

Je pense qu’elle avait raison et on en fait la preuve présentement, lance en entrevue le député bloquiste Louis Plamondon. Après 40 ans en politique, il est non seulement le doyen de la députation bloquiste mais également celui de toute la Chambre des communes.

Les hauts et les bas en politique, il les prend désormais avec philosophie. Aujourd’hui, oui, avec philosophie. Mais sur le coup, il y a des moments qui ont été très difficiles à vivre. L’épisode qu’il a trouvé le plus cruel : quand la vague orange a déferlé sur le Québec, ne laissant au Bloc québécois que quatre députés, dont lui-même.

Tu ne sais jamais quand tu t’en vas.

La nouvelle popularité du Bloc

Toutefois, pour l’instant, le parti a le vent dans les voiles. Il a gagné un nouveau siège lors de l’élection partielle de LaSalle–Émard–Verdun – une percée dans l’ouest de la ville de Montréal! –, ce qui a hissé sa députation à 33.

Il fait également bonne figure dans les sondages. Selon un sondage Abacus dévoilé à la fin du mois, le Bloc mène au Québec avec 37 % des intentions de vote. Le Parti libéral du Canada suit avec 28 %, puis les conservateurs avec 22 %. La vague orange ne semble plus être qu’un souvenir, alors que le NPD obtient 10 % des intentions de vote.

Certains bloquistes se prennent désormais à rêver de former de nouveau l’opposition officielle aux Communes, comme ce fut le cas en 1993.

C’est certainement possible, mais ce n’est pas le scénario qu’on voit présentement, tempère l’analyste de sondages Philippe J. Fournier. Selon le fondateur du site 338Canada, il faudrait que le parti mène une excellente campagne et que le PLC perde plusieurs sièges.

Selon lui, le Bloc pourrait profiter de la division du vote. Vous avez vu ce qui s’est passé à LaSalle–Émard–Verdun? Gagner un siège avec 28 %… Ça pourrait arriver à bien des endroits au Québec si le vote libéral s’effondre.

Stratégie gagnant-gagnant

En attendant le test des élections, les troupes d’Yves-François Blanchet travaillent actuellement à leur stratégie parlementaire.

En faisant de la bonification de la pension de la sécurité de la vieillesse l’une de ses deux conditions à un appui provisoire au gouvernement libéral, les bloquistes ont fait le pari qu’ils ne pouvaient tout simplement pas perdre avec un tel thème.

Pile : je gagne. Face : tu perds.

Si le gouvernement Trudeau accepte cette bonification, les bloquistes pourront se vanter d’avoir obtenu ce gain au nom des aînés. Si les libéraux refusent, ils pourront se poser comme les uniques défenseurs des retraités.

Il s’agit justement d’un bassin d’électeurs clés pour les bloquistes, dont le taux de participation aux élections est typiquement très élevé.

Si cette tactique électoraliste paraît judicieuse, certains des paris qu’ont pris les bloquistes semblent toutefois plus risqués.

En fixant son ultimatum au 29 octobre pour l’adoption complète de deux projets qui lui tiennent à cœur, le Bloc québécois s’est lié les mains, d’autant que ceux-ci doivent être étudiés au Sénat, une étape dont la durée est souvent imprévisible.

Dans quelques semaines, si Yves-François Blanchet retire officiellement son appui à Justin Trudeau, il n’y aura plus de retour en arrière. Le Bloc sera à nouveau relégué au rôle secondaire qu’il occupait avant que le NPD ne déchire son entente avec le PLC.

Son refus d’ouvrir la porte à d’éventuels compromis sur la bonification de la pension pourrait également en refroidir quelques-uns, particulièrement les plus jeunes qui ont en tête des questions d’équité générationnelle.

Le directeur parlementaire du budget estime qu’une bonification de 10 % de la pension de sécurité de la vieillesse pour les Canadiens entre 65 et 74 ans coûterait 16,1 milliards $ sur cinq ans. Plusieurs se demandent si c’est vraiment ce groupe de retraités qui est la cohorte qui souffre le plus au Canada en ce moment.

La position d’Yves-François Blanchet n’est pas particulièrement confortable : il doit critiquer le gouvernement Trudeau tout en lui tendant la main. Il subit les pressions du gouvernement de François Legault, qui lui demande de faire tomber les libéraux tout en remettant ouvertement en question la pertinence de son parti à Ottawa.

Et il doit prouver son utilité sans vendre au rabais son appui aux libéraux.

Le tout en sachant que la popularité est parfois éphémère, comme l’histoire de son propre parti le lui a démontré.

Source: Radio Canada

Derniers articles
Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse.
j'accepte!