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S’il fallait une preuve qu’Hydro-Québec aurait besoin d’augmenter ses tarifs domestiques de plus de 3 % pour rentrer dans ses coûts, elle se trouve enfouie dans les dizaines de documents soumis par la société d’État à la Régie de l’énergie, le mois dernier. On y découvre comment la société d’État a fait de la gymnastique comptable pour se soumettre à la volonté du premier ministre du Québec.
Hydro-Québec a déjà publiquement reconnu que, pour rentrer dans son argent, elle aurait eu besoin d’augmenter les tarifs résidentiels de 3,9 % l’an prochain. En les limitant, selon la volonté de François Legault, à un maximum de 3 %, elle doit absorber « un manque à gagner de 60 millions de dollars » à même ses bénéfices.
Dans l’argumentaire déposé à la Régie de l’énergie, on découvre un autre élément qui n’avait jamais été expliqué au public. Hydro-Québec aurait aussi eu besoin d’imposer 1,7 % de hausse de tarifs supplémentaire pour couvrir ses coûts de maîtrise de la végétation qui explosent.
Ainsi, la hausse théorique à laquelle se seraient exposés les clients résidentiels d’Hydro-Québec aurait été de 5,6 % (3,9 + 1,7) afin que les revenus soient suffisants pour couvrir les coûts.
Toutefois, on le sait, François Legault l’a promis : Tant que je serai premier ministre, les tarifs d’électricité résidentiels n’augmenteront pas de plus que 3 % par année.
La société d’État a donc dû trouver une solution. Et cette solution passe par les arbres.
Dans le document, Hydro-Québec demande à la Régie « d’approuver une pratique comptable réglementaire » qui lui permettrait d’amortir sur plusieurs années les coûts de maîtrise de la végétation de 272 millions de dollars qu’elle devra dépenser dans la prochaine année.
- 190 M$ pour les lignes de distribution seraient amortis sur 5 ans.
- 82 M$ pour les lignes de transport seraient amortis sur 7 ans.
L’application de cette nouvelle pratique réglementaire permettrait de diluer cet impact sur la clientèle et d’éviter ainsi un choc tarifaire. […] Cette mesure a un impact d’environ -1,7 % sur les tarifs d’électricité.
Divers groupes calcule le besoin de hausse à au moins 5.6 %
Les chiffres issues du document déposé à la Régie rejoignent plusieurs analyses présentées dans le cadre de l’étude du projet de loi 69, sur l’énergie, à l’Assemblée nationale.
Selon les calculs de l’Union des consommateurs, pour qu’Hydro-Québec entre dans ses coûts, il faudrait qu’elle augmente les tarifs résidentiels de 5,6 % à 9 % à partir de 2028.
La société d’État doit financer un immense chantier de production d’électricité et d’amélioration du service, estimé entre 155 et 185 milliards de dollars.
Plusieurs observateurs ne comprennent pas comment le gouvernement peut maintenir la hausse sous les 3 %, dans ce contexte.
Ça ne tient pas la route. Il va falloir qu’on rembourse ces milliards-là
, disait récemment le directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal, Normand Mousseau.
Selon les estimations de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, le plan d’Hydro-Québec devrait entraîner des hausses tarifaires moyennes de 5,7 % pour l’ensemble des consommateurs sur la période 2025-2035.
L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) déposera demain un mémoire, dans lequel il estime la hausse nécessaire de 5 à 6 % par an pour financer le plan de la société d’État.
Avant de démissionner de son poste de ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon avait mis dans l’embarras son premier ministre en déclarant qu’il y aurait des « hausses importantes » de tarifs pour les consommateurs d’ici 5 à 10 ans.
Explosion des coûts de maîtrise de la végétation pour limiter les pannes
Dans son plan 2035, Hydro-Québec promet aux clients de réduire les pannes de 35 %, ce qui nécessite des travaux de maîtrise de la végétation pour éviter que des arbres ou des branches tombent sur les fils.
Les phénomènes météorologiques importants que le Québec a connus dans les dernières années, tels que des vents violents, des épisodes de verglas, de neige mouillée ou des feux de forêt, ont provoqué des événements réseau plus fréquents et de plus grande ampleur.
Hydro-Québec ajoute que les changements climatiques accélèrent la croissance de la végétation, ce qui rend les travaux « plus longs et plus onéreux ».
En amortissant ces dépenses de 2025 sur plusieurs années, on évite une augmentation tarifaire plus élevée dans l’immédiat, mais au total, on va payer quelques dizaines de millions de dollars de plus
, estime l’analyste en réglementation du secteur de l’énergie Jean-François Blain, qui a collaboré au mémoire de l’IRIS qui sera déposé demain.
Si la valeur des dépenses en maîtrise de la végétation continue d’augmenter au même rythme, le problème va être remis en scène avec superposition et chevauchement des périodes d’amortissement
, explique-t-il.
On risque de créer un effet boule de neige qui amplifie, au total, le coût qui devra être assumé par les tarifs.