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Le premier ministre François Legault a cherché à remettre, mardi, les habits de bon père de famille qu’il avait tenté de porter tout au long de la pandémie, pour rassurer les Québécois, particulièrement ceux qui sont en affaires : le gouvernement caquiste sera là pour les soutenir afin de passer au travers de cette période trouble de guerre commerciale déclenchée par l’administration Trump.
On ne va pas se laisser faire, on ne va pas se laisser intimider et c’est le temps de se retrousser les manches ensemble, tous les Québécois, pour passer au travers. Ça va être une période dure, mais je suis convaincu qu’on est capables de passer au travers et même d’en sortir plus forts
, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Montréal où il a présenté des outils pour aider les milieux d’affaires.
Prêts aux entreprises
Il a ainsi annoncé que les entreprises québécoises pourront compter sur des liquidités afin de survivre aux droits de douane américains, notamment grâce au programme Frontière
, qui permettra d’offrir un soutien pouvant aller jusqu’à 50 millions $ par entreprise pour une période de 12 mois.
Ce programme, dont l’objectif est de leur permettre d’ajuster leur modèle d’affaires ou leur chaîne d’approvisionnement
, s’adresse aux entreprises dont le chiffre d’affaires est d’au moins 3 millions $ et qui sont fortement affectées par les droits de douane.
L’aide financière sera toutefois sous forme de prêts ayant un terme maximal de sept ans avec un moratoire de remboursement allant jusqu’à 24 mois. Il a encouragé les entreprises qui avaient des projets de développement à se tourner vers Investissement Québec.
Québec bonifie également l’aide aux entreprises qui veulent augmenter leur productivité avec des prêts et même dans certains cas des subventions dans le cadre d’une initiative baptisée Chantier productivité
destinée aux entreprises qui prévoient faire des investissements de plus de 10 millions $ axés sur la productivité.
Espoir d’un retour à la réalité de Trump
Même s’il garde espoir que Donald Trump va revenir à la réalité, va se rendre compte que sa stratégie est mauvaise pour les Américains
, François Legault tire un certain réconfort de voir que l’aluminium se trouve dans la catégorie des minéraux critiques qui, comme l’énergie, seront frappés de droits de douane de 10 % plutôt que des 25 % imposés aux autres produits.
On voit que, contrairement à ce que dit Donald Trump, il ne peut pas se passer de certains produits : énergie, minéraux critiques, incluant l’aluminium.
Ironiquement, il voit dans cette guerre commerciale la possibilité d’obtenir un résultat similaire à celui que recherche le président américain, soit un renforcement de l’économie québécoise par une augmentation de la demande et, donc, de la production de produits et services québécois, et un accroissement des échanges interprovinciaux.
Il faut concrètement augmenter les échanges avec le reste du Canada et faire tomber les barrières interprovinciales
, a-t-il martelé, répétant un souhait exprimé depuis des décennies par des intervenants tant politiques qu’économiques. Le premier ministre reconnaît tout de même que cette guerre commerciale va faire mal
, réitérant que de 100 000 à 160 000 emplois pourraient être perdus en raison des droits de douane américains, selon la durée de leur imposition.
Le premier ministre a aussi annoncé que les entreprises américaines allaient être pénalisées lorsqu’elles vont soumissionner sur des appels d’offres publics et que tous les produits américains sont retirés des tablettes de la SAQ.
Contre-tarifs : démarche délicate
Sur la question des contre-tarifs que le Canada pourrait imposer sur les produits américains en guise de représailles, M. Legault dit ne rien exclure, expliquant même que l’on analyse les implications juridiques liées à la vente d’électricité aux États-Unis. Il se montre malgré tout prudent sur les représailles, faisant valoir qu’il fallait tenir compte des entreprises québécoises dont les intrants proviennent des États-Unis.
Il a d’ailleurs lancé un avertissement à son homologue fédéral à cet effet : Ce que j’ai dit à Justin Trudeau, c’est qu’il n’est pas question de mettre des tarifs à l’exportation sans l’accord du Québec pour des entreprises qui sont au Québec.
Quant à l’affirmation du premier ministre canadien selon qui l’intention réelle de Donald Trump est d’écraser l’économie canadienne pour faciliter une annexion par les États-Unis, il s’est demandé si M. Trump veut avoir nos minéraux critiques en essayant [de faire en sorte] que le Canada devienne le 51e État des États-Unis. Moi, je peux vous dire que ça n’arrivera pas
, a-t-il affirmé en s’esclaffant.
Griefs des oppositions
Le chef intérimaire de l’opposition officielle, le libéral Marc Tanguay, invite le gouvernement Legault à créer immédiatement un conseil économique de crise
qui regrouperait des représentants des travailleurs, des associations économiques et des industries directement touchées. Le chef libéral ne manque pas de blâmer au passage le gouvernement pour son entrée dans cette guerre commerciale en position de faiblesse en raison de son déficit record, d’une absence de gain de productivité et de l’accroissement des files d’attente dans les banques alimentaires, preuve d’une pauvreté croissante.
Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, lui, rappelle à M. Legault qu’il avait dit vouloir garder la tête froide
, mais il voit au contraire dans son approche un encouragement à l’escalade.
Donald Trump a été au pouvoir de 2016 à 2020 : il a déjà appliqué, puis retiré des tarifs à plusieurs reprises.
Sur la plateforme X, il a ajouté que ce sont les Américains qui vont en souffrir. De même, croit-il, des contre-tarifs auraient pour effet de punir davantage les consommateurs et les entreprises québécois. Il demande donc au premier ministre de s’en tenir à des tarifs chirurgicaux qui ont le potentiel d’avoir un impact politique aux États-Unis
.
Enfin, la co-porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal, invite le gouvernement à tout faire pour soutenir les travailleurs, à commencer par arrêter immédiatement de couper des emplois dans les services publics
.
Elle lui demande de privilégier l’achat local dans les contrats publics et lui enjoint d’utiliser ce qu’elle appelle l’as dans sa manche
qu’est Hydro-Québec. François Legault doit envisager une hausse du prix de l’hydroélectricité vendue aux États-Unis. Si les Américains font la guerre à notre économie, pourquoi leur ferait-on des cadeaux tarifaires?
Source: Radio Canada