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De passage à Washington avec ses homologues des autres provinces, François Legault a pour la première fois lancé l’idée, mercredi, d’ajouter aux tarifs américains de 25 % sur l’acier et l’aluminium en prélevant une taxe sur les exportations pour inciter les producteurs canadiens à diversifier leurs marchés.
Je pense qu’il ne faut rien exclure, même pas exclure de mettre des tarifs à l’exportation
, a déclaré le premier ministre du Québec, en début de journée, lors d’une première mêlée de presse à laquelle participaient tous les membres du Conseil de la fédération, qui organise la visite.
J’ai proposé ça à mes collègues
, a-t-il dit : une taxe sur [l’exportation] aux États-Unis, ce qui inciterait nos alumineries à exporter en Europe, en Asie, ailleurs dans le monde
.
De tels tarifs, a poursuivi le premier ministre, feraient en sorte de mettre en difficulté le gouvernement américain, qui serait obligé de payer plus de frais de transport en important de l’aluminium de l’Asie, du reste du monde
.
M. Legault réagissait ainsi à la déclaration de la Maison-Blanche qui, mardi, a indiqué que les tarifs de 25 % sur l’acier et l’aluminium qui seront imposés à compter du 12 mars pourraient s’ajouter aux tarifs généralisés de 25 % sur tous les produits canadiens pour lesquels Ottawa a obtenu un sursis de 30 jours se terminant le 4 mars.
Le premier ministre du Québec – qui avait qualifié de « ridicule » la stratégie du président Donald Trump, mercredi – a aussi maintenu que, selon lui, la meilleure façon de mettre fin au climat d’incertitude actuel était de renégocier l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) plus tôt qu’à la date prévue, en 2026.
Nous, on est prêts à beaucoup de compromis, dans l’aéronautique, dans la forêt, dans la sécurité à long terme sur l’aluminium
, a illustré M. Legault. Toutefois, la gestion de l’offre ainsi que la protection du français et de la culture dans les ententes internationales ne sont pas négociables
, a-t-il averti.
Défendue par François Legault depuis janvier, l’idée de rouvrir hâtivement l’ACEUM déplaît au gouvernement fédéral, au Parti québécois et aux autres groupes d’opposition à l’Assemblée nationale. Mais au sein du Conseil de la fédération, les avis des premiers ministres divergent, a fait savoir le principal intéressé, mercredi.
Il y en a qui sont pour, il y en a qui sont contre
, a confié M. Legault, mercredi. Certains de ses homologues, a-t-il expliqué, doutent de la capacité du Canada de pouvoir négocier avec un premier ministre qui est là de façon temporaire
, Justin Trudeau devant céder sa place au prochain chef du Parti libéral, le 9 mars.
Lui aussi de passage à Washington, le ministre fédéral des Finances et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, s’est toutefois dit en désaccord avec l’assertion de François Legault lors d’une mêlée de presse subséquente.
Selon lui, il est faux de prétendre que la situation politique en vigueur à Ottawa nuit à la défense des intérêts du Canada.
Nous sommes le gouvernement élu
, a-t-il rappelé. Est-ce qu’on pense que M. Legault est affaibli parce qu’il y aura une élection au Québec l’année prochaine? Est-ce qu’Andrew Furey [le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, NDLR] est affaibli parce qu’il est ici et qu’il aura une élection au mois d’octobre?
Je comprends l’argument
, a encore dit M. LeBlanc. Mais pour nous, ce n’est pas très constructif
, a-t-il ajouté, indiquant que les membres de son gouvernement avaient une tâche importante
devant eux, que lui-même avait un travail [qu’il] adore
et qu’il s’agissait d’un moment important pour le pays
.
Le ministre a aussi estimé qu’il n’était pas réaliste
, selon lui, d’envisager, comme le propose M. Legault, une renégociation à court terme de l’ACEUM, puisque Howard Lutnick, le secrétaire au Commerce choisi par Donald Trump, s’est vu confier le mandat de revoir l’ensemble des relations commerciales des États-Unis d’ici le 1er avril.
Pendant ce temps, les débats parlementaires se poursuivent à Québec en l’absence de François Legault. Mais tous les yeux des élus sont tournés vers Washington.
Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, par exemple, a prévenu sur X que l’idée d’imposer aux alumineries des tarifs sur l’exportation vers les États-Unis risquait fortement d’aggraver la situation
. Généralement, l’imposition de tarifs a d’abord un impact négatif sur le pays qui les impose
, a-t-il rappelé.
Déplorant que le premier ministre n’ait pas rencontré d’élu américain au premier jour de son voyage, mardi, le député solidaire de Rosemont, Vincent Marissal, a pour sa part accusé François Legault d’être parti aux États-Unis pour y faire du tourisme
.
Un tel commentaire est contre-productif
, a répliqué la ministre des Relations internationales, Martine Biron.
Selon elle, tout le monde sait
que François Legault est profondément préoccupé par la situation des tarifs et qu’il est à Washington pour défendre les intérêts des entreprises [et] des Québécois
. Alors je pense que c’est le temps de faire front uni avec notre premier ministre
, a-t-elle dit.
Source: Radio Canada