Ottawa brandit le marché des armes comme « levier » face aux tarifs douaniers

7 février 2025
Ottawa brandit le marché des armes comme « levier » face aux tarifs douaniers

Assahafa.com

Le Canada pourrait utiliser le secteur de l’armement comme un « levier » de pression économique pour dissuader l’administration de Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens.

C’est ce qu’ont affirmé le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, et celui de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, lors d’un appel téléphonique avec plusieurs journalistes à l’issue de leur visite à Washington, jeudi.

Le président américain évoque depuis des mois l’idée d’imposer des droits de douane de 25 % sur les biens importés du Canada et du Mexique. Ces tarifs douaniers devaient entrer en vigueur le 4 février, mais ont finalement été repoussés d’un mois à la suite d’un appel téléphonique entre M. Trump et le premier ministre Justin Trudeau, ce dernier réaffirmant son engagement à renforcer la sécurité à la frontière entre les deux pays.

M. Trump accuse régulièrement le Canada de ne pas faire assez d’efforts pour lutter contre le trafic de fentanyl et le flux de migrants clandestins, et utilise cet argument pour justifier ses menaces tarifaires.

Même si le gouvernement Trudeau a évité de justesse ces tarifs douaniers, il poursuit son offensive diplomatique auprès des responsables américains à Washington afin de renforcer les liens politiques et économiques entre les deux pays.

Cette semaine, les ministres Blair et Champagne se sont rendus dans la capitale américaine avec pour mission, entre autres, d’expliquer l’importance du rôle que joue le Canada auprès de son voisin du Sud en matière de défense et la façon dont les tarifs pourraient déstabiliser cette relation. Pour ce faire, ils ont rencontré des leaders politiques et économiques, mais aussi des acteurs du secteur industriel militaire.

L’intégration remarquable entre les industries militaires des États-Unis et du Canada représente un avantage stratégique important pour nous, a dit le ministre Blair en réponse à une question de Radio-Canada.

Ce partenariat reste très très fort, [mais] nous leur avons expliqué que l’impact qu’auraient les tarifs douaniers pourrait facilement briser cette relation importante qui existe actuellement, a-t-il ajouté.

« Diversifier » le marché militaire

Le ministre Champagne a, pour sa part, souligné l’importance pour le Canada de se tenir prêt à toute éventualité et la nécessité de diversifier sa base industrielle, notamment militaire.

Les dépenses militaires […] et les investissements, ça sera un levier économique, comme on l’a fait […] en 1945 pour rebâtir la base industrielle du Canada.

Une citation deFrançois-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Lorsqu’on lui a demandé si le Canada serait prêt à chercher d’autres partenaires internationaux pour diversifier son marché de l’armement, M. Champagne a dit qu’on peut diversifier notre marché d’exportation, le Canada ayant des accords de libre-échange avec tous les autres pays du G7, et il y a une possibilité de diversifier nos importations avec nos autres partenaires.

Mercredi, dans un entretien accordé au média américain Politico, les ministres Blair et Champagne ont dit que le Canada pourrait se tourner plutôt vers la Corée du Sud et l’Europe pour s’approvisionner en armement si le président Trump finit par imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens.

Les deux ministres ont également laissé entendre à Politico que le Canada serait disposé à acheter encore plus de produits militaires des États-Unis afin de convaincre M. Trump d’abandonner ses menaces tarifaires.

Je pense qu’on a bien calibré notre message à Washington en disant oui, nous avons un partenariat privilégié, mais, en même temps, le Canada dispose de plusieurs options pour riposter, a dit jeudi M. Champagne à Radio-Canada.

Dans ses rapports annuels sur les exportations et importations d’armes, le gouvernement du Canada ne fournit pas de données sur le volume de ses transactions avec les États-Unis. Mais selon la base de données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (mieux connu sous l’acronyme SIPRI), une référence en matière de défense, les États-Unis représentent plus de la moitié des exportations canadiennes de technologie militaire.

L’ONG canadienne Project Ploughshares, qui s’intéresse à la question du contrôle des armes, estime de son côté que la valeur des contrats d’exportation d’armes canadiennes vers les États-Unis dépasserait un milliard de dollars chaque année.

Excluant les États-Unis, c’est l’Arabie saoudite qui représente, depuis 2016, le plus grand importateur d’armes canadiennes. En 2023, le royaume saoudien a importé du matériel militaire canadien pour une valeur avoisinant le milliard de dollars.

La cible de l’OTAN

Lors de leur conversation téléphonique avec les médias, les deux ministres canadiens ont évoqué un autre point de friction entre Ottawa et Washington, celui des dépenses du Canada en matière de défense alors que le pays peine à atteindre la cible de 2 % du PIB fixée par l’OTAN depuis plus de 10 ans. Donald Trump a même récemment réclamé aux pays membres de l’Alliance atlantique l’augmentation de leurs dépenses militaires à 5 % de leur PIB.

En juillet dernier, le gouvernement Trudeau s’était engagé à atteindre la cible de 2 % d’ici 2032.

En 2015-2016, les dépenses militaires canadiennes étaient tombées sous la barre de 1 % du PIB. L’an dernier, elles avoisinaient plutôt 1,34 %, selon un rapport de l’OTAN.

Jeudi, M. Blair a dit qu’il était possible d’atteindre cette cible plus rapidement, sans donner de date précise. Il a toutefois assuré que la cible de 5 % n’avait pas été évoquée lors de ses discussions avec les responsables américains pendant son voyage à Washington.

Plus tôt dans la journée, le sénateur républicain de la Caroline du Nord Thomas Tillis avait accusé le Canada de ne pas faire sa part auprès de l’OTAN, allant jusqu’à comparer les Canadiens à des enfants frustrés qui tiennent les États-Unis pour acquis en matière de défense.

Appelé à réagir à ces déclarations, le ministre Blair a affirmé que l’une des raisons pour lesquelles nous sommes venus aux États-Unis, c’est pour expliquer à nos collègues américains les importantes contributions que fait le Canada pour la défense de l’Amérique du Nord.

Le Canada travaille très fort pour atteindre la cible de dépenses militaires appropriées, mais nous voyons chaque dollar dépensé comme un investissement non seulement dans nos capacités militaires, mais aussi dans notre industrie, notre économie et nos travailleurs, a-t-il ajouté.

Il n’est pas uniquement question de savoir combien nous dépensons, mais aussi pourquoi nous le faisons et comment nous le faisons.

Une citation deBill Blair, ministre de la Défense nationale du Canada

Le ministre Champagne a renchéri en soulignant l’importance pour le Canada et les États-Unis d’augmenter leurs capacités industrielles […] pour être capables d’absorber ces investissements-là.

Il a aussi affirmé qu’il avait été question de vulnérabilités au niveau des chaînes d’approvisionnement dans différents secteurs, comme les minéraux critiques, le titane, les semi-conducteurs, le cobalt, etc. Nous avons besoin de travailler ensemble pour nous attaquer à ces vulnérabilités et le Canada est le mieux placé pour y remédier, a-t-il ajouté.

Selon lui, les responsables américains rencontrés sont désormais conscients du fait que la sécurité économique est aussi [une question de] sécurité nationaleNous avons maintenant plus d’alliés à Washington qui comprennent le rôle stratégique [que joue le] Canada […] pour rendre l’Amérique plus sécure dans cette période de turbulence mondiale, a enfin dit M. Champagne.

Source: Radio Canada

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