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Moins d’impôt à payer et une meilleure couverture des soins de santé : voilà ce dont les Canadiens pourraient bénéficier s’ils devenaient un État américain, se plaît à dire le président Trump. Mais le système de santé américain serait-il vraiment plus avantageux ?
Pour les deux spécialistes interrogés par La Presse, il s’agit d’une affirmation on ne peut plus erronée. « C’est complètement faux », réagit Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), à l’écoute des paroles du président américain. « Ce serait un fardeau énorme pour les Québécois. »
Pourquoi ? Le système de santé canadien présente trois grands avantages avec lesquels les États-Unis ne peuvent concurrencer : l’équité d’accès, l’abordabilité des soins et un meilleur classement à l’échelle mondiale.
Vendredi, lors d’une conférence de presse en Caroline du Nord, ce n’est pourtant pas ce que Donald Trump a affirmé.
J’adorerais voir le Canada devenir le 51e État. Les citoyens canadiens, si cela se produisait, bénéficieraient d’une très importante réduction d’impôt, d’une énorme réduction d’impôt, car ils sont fortement imposés. […] Ils auraient une meilleure couverture santé.
Donald Trump, président des États-Unis
Selon le professeur Damien Contandriopoulos, titulaire à l’École de sciences infirmières de l’Université de Victoria, en Colombie-Britannique, une grande majorité des Canadiens perdraient au change, même dans le portefeuille.
Un avis que partage… Bernie Sanders, célèbre sénateur démocrate et ex-candidat à la Maison-Blanche.
« Une meilleure couverture santé ? Si les Canadiens devenaient citoyens américains, ils perdraient leurs soins de santé gratuits, paieraient près de trois fois plus pour leurs médicaments sur ordonnance et nombre d’entre eux ne pourraient pas du tout bénéficier d’une couverture », a-t-il répliqué sur X, vendredi. « Quelque chose me dit que cela ne les intéressera pas. »
Équité
Contrairement à la croyance populaire des citoyens canadiens, les Américains paient aussi des programmes de santé avec leurs impôts, indique M. Contandriopoulos. Il est question, notamment, des programmes Medicaid et Medicare. Leur financement provient en grande partie des fonds gouvernementaux et des recettes des cotisations sociales payées par les employeurs et les travailleurs.
En 2023, le financement de Medicare à lui seul s’est élevé à 1000 milliards de dollars, selon un centre de recherche indépendant en matière de politique de santé aux États-Unis.
Le hic ? Le fait d’y cotiser ne signifie pas qu’on est assuré. Seules les personnes âgées et les personnes au revenu très faible sont couvertes par ces systèmes, explique le professeur. Ces tranches de population requièrent statistiquement davantage de soins, et coûtent donc très cher à la classe moyenne — qui devient alors la plus désavantagée.
Abordabilité
L’accès aux soins est donc davantage déterminé en fonction de qui est en mesure de les payer, pas nécessairement en fonction de qui en a besoin, résume Damien Contandriopoulos.
« Dans l’ensemble, Donald Trump dit n’importe quoi, croit M. Contandriopoulos. Mais c’est vrai que si vous avez un emploi qui vous donne une excellente assurance, ou si vous êtes extrêmement riche, alors vous avez accès, effectivement, à un système de santé avec toutes les technologies possibles. »
L’assurance de l’employeur n’est toutefois pas gage de sûreté, estime-t-il, puisqu’elle n’offre pas une très grande couverture en général. D’ailleurs, il n’est pas impossible qu’un employé perde son travail en raison d’une hospitalisation trop longue. Le cas échéant, il perdrait également l’assurance à laquelle il avait droit.
Le coût moyen d’une simple visite aux urgences aux États-Unis est de 750 $, selon le plus récent rapport de l’Agency for Healthcare Research and Quality, en date de 2021. Cette année-là, les coûts globaux des visites aux urgences avaient totalisé 80,3 milliards de dollars.
Ici, les patients qui se rendent aux urgences n’ont rien à débourser s’ils ont leur carte de la Régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ).
La principale cause des faillites non commerciales, aux États-Unis, est le cancer, rappelle Roxane Borgès Da Silva. Selon l’American College of Surgeons, les patients atteints de cancer sont près de cinq fois plus susceptibles de faire faillite, et ont également des cotes de crédit bien inférieures.
Échelle mondiale
En plus de l’iniquité et de la plus grande inaccessibilité des soins, les deux spécialistes notent que la performance des États-Unis à l’international n’est pas enviable.
Chaque année, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évalue la satisfaction générale des soins de santé offerts dans ses pays membres, dont le Canada et les États-Unis. Selon le rapport 2023, 15 633 $ CAN sont dépensés annuellement par habitant chez nos voisins du Sud. Il s’agit des dépenses les plus élevées au monde, et de loin. Au Canada, ce montant s’élève plutôt… à 8046 $.
Pourtant, les États-Unis ont une moins bonne note que le Canada en matière d’espérance de vie, ou de santé en général — tabagisme, alcool, obésité, décès liés à la pollution atmosphérique.
« Le Canada se situe, encore une fois, dans le milieu du groupe des pays riches, conclut Damien Contandriopoulos. On ne peut pas dire que le système de santé canadien marche toujours très bien, mais on n’est pas non plus dans un système qui est une catastrophe. »
Source: la presse