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Une frontière « tracée artificiellement », un « 51e État », des cartes montrant un territoire canado-américain unifié sous la bannière des États-Unis : Donald Trump multiplie les remarques à propos d’une annexion du Canada. De l’avis des experts, le scénario est improbable. Mais techniquement, que prévoient les deux pays à ce sujet ?
Trump a dit qu’il n’utiliserait pas la force militaire pour prendre le Canada, donc ça veut dire un processus politique qui aboutit dans chacun des pays – et ce n’est même pas près d’être probable », commente Adam Chapnick, professeur d’études en défense au Canadian Forces College, à Toronto.
Il précise qu’il ne croit pas à la volonté réelle du président désigné d’annexer son voisin du Nord, y voyant plutôt les moqueries d’un « intimidateur » galvanisé par l’attention.
La seule façon d’annexer pacifiquement les deux pays nécessiterait un feu vert à la fois du Congrès américain, du Parlement du Canada et des provinces canadiennes.
Au Canada
La Constitution est l’acte qui définit le système politique canadien, le rôle de ses institutions, ses procédures. Une modification serait nécessaire pour changer complètement le statut du pays.
Mais ce n’est pas simple.
Pour modifier la Constitution sur ce type de question, il faut le consentement de toutes les provinces, de la Chambre des communes et du Sénat.
« Ça fait belle lurette qu’on ne transfère plus des bouts de territoire comme si c’était une partie du patrimoine d’un individu, explique le professeur à la faculté de droit de l’Université de Montréal Stéphane Beaulac. Le changement de souveraineté d’un territoire nous amène aussi au droit international, qui requiert l’approbation de la population. Il serait donc nécessaire de passer par un référendum pancanadien. »
Le spécialiste de droit international public et de droit constitutionnel canadien estime qu’il pourrait être requis d’y obtenir un appui majoritaire de la population dans chaque province.
Environ 82 % des Canadiens interrogés par la firme Léger en décembre ont répondu ne pas aimer l’idée du Canada comme 51e État, selon un sondage réalisé auprès de 1520 répondants.
Et si une province tenait tout de même à se joindre aux États-Unis ? Elle devrait d’abord obtenir son indépendance du Canada. Devenue souveraine, elle pourrait établir ses règles d’adhésion à un autre pays. Les États-Unis devraient aussi accepter ce nouvel État.
Aux États-Unis
La Constitution prévoit la possibilité d’accueillir de nouveaux États dans l’Union – une disposition qui a été utilisée à maintes reprises, les États-Unis étant passés de 13 États à la création du pays en 1776 à 50 aujourd’hui. Le Congrès a la responsabilité de paramétrer l’adhésion d’un nouveau pays.
Le professeur de droit de la New York University Roderick Hills Jr. explique que le Congrès a établi des règles, qui prévoient de recevoir la demande d’un gouvernement élu, de promulguer une loi pour autoriser son admission, à certaines conditions, et de voter pour son admission. Un principe d’équité pour les autres États admis avec cette procédure fait en sorte qu’il est très difficile de la modifier, dit-il.
Les nouvelles entités admises dans l’Union sont souvent devenues d’abord des territoires. Le processus peut être long avant d’accéder au statut d’État : les États-Unis ont annexé Hawaii en 1898, mais ce n’est qu’en 1959 que l’archipel est devenu le 50e État américain.
« Mais Donald Trump fait juste se moquer de votre premier ministre, et la raison pour laquelle les républicains ne vont jamais voter pour admettre le Canada comme État, c’est la même raison pour laquelle ils ne donneront pas le statut d’État à Washington ou à Porto Rico : vous êtes trop libéraux », ajoute-t-il.
Ce ne sont pas tous les républicains qui voudraient que le Canada se joigne aux États-Unis, à cause de la façon dont fonctionne le système américain, acquiesce M. Chapwick. Avec notre population de 40 millions, on aurait autant de sièges à la Chambre que la Californie, et la plupart iraient aux démocrates. »
Droit international
Sans se lancer dans un conflit armé, y aurait-il une autre stratégie pour forcer le Canada à entrer dans le giron de son voisin du Sud ?
« Des menaces qui pourraient contraindre le Canada à accepter de passer sous la souveraineté américaine, ça se heurterait complètement au droit international public », répond M. Beaulac.
Mais la structure des organismes internationaux comme l’ONU, rappelle-t-il, a été « conçue et structurée autour de certains pouvoirs dominants, avec, au premier chef, les États-Unis », et ont des règles difficiles à appliquer si la superpuissance devient un « État voyou »…
Source: la presse