Toronto optera-t-elle pour l’incinération de ses déchets?

6 janvier 2025
Toronto optera-t-elle pour l’incinération de ses déchets?

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Les Torontois ont produit plus de 700 000 tonnes de déchets l’an dernier. Près de 54 % de ces ordures ont été recyclés ou compostés. Néanmoins, au rythme actuel, le dépotoir que possède Toronto sera plein d’ici 2034 ou 2035, estime la Ville. Que faire après? La mairesse Olivia Chow ne ferme pas la porte à l’incinération.

On s’est engagés à écouter [d’abord] les résidents, souligne la mairesse Chow.

La Ville a lancé des consultations publiques sur la mise à jour de sa politique de gestion des déchets pour les 10 prochaines années. Les résidents pouvaient entre autres remplir un sondage en ligne en décembre.

Une deuxième phase de consultations aura lieu le printemps prochain, lorsque la population sera invitée à comparer l’enfouissement à l’incinération, notamment, précise une porte-parole municipale par courriel.

Le dépotoir [Green Lane] sera bientôt plein, alors nous devons prendre une décision. […] Mais nous cherchons aussi des façons de consommer moins et de réutiliser et recycler davantage.

Il est important d’évaluer toutes les options, renchérit Jennifer McKelvie, mairesse adjointe de Toronto et présidente du comité municipal des infrastructures et de l’environnement.

Elle ajoute qu’il restera toujours des déchets à éliminer, même si la Ville réussit à accroître son taux de recyclage et de compostage.

Taux de détournement du dépotoir (recyclage et compostage) à Toronto

Un dépotoir nommé désir

L’ancien maire David Miller avait évité une crise des déchets en 2006 en achetant le dépotoir Green Lane près de London dans le Sud-Ouest de la province, où Toronto envoie ses ordures depuis.

Pour prolonger la durée de vie du site d’enfouissement, Toronto s’était fixée pour objectif d’atteindre un taux de détournement des ordures du dépotoir de 70 % d’ici 2010, grâce au recyclage et au compostage. Mais la Ville Reine n’a jamais atteint cette cible. Le taux de 70 % est devenu l’objectif de Toronto pour 2030.

En guise de comparaison, Montréal veut atteindre un taux de réacheminement des déchets de 70 % d’ici 2025, et de 85 % en 2030.

Toronto compte réaliser une étude de faisabilité sur la possibilité d’agrandir le dépotoir Green Lane, afin de voir s’il s’agit d’une option viable, précise la Ville. Toronto veut aussi tâter le pouls de dépotoirs privés et d’autres Villes, pour voir s’ils seraient prêts à accepter ses matières résiduelles. La Ville est consciente toutefois que l’espace d’enfouissement actuel est limité et devrait être rempli d’ici 10 ans.

La quatrième option à l’étude est l’incinération.

L’incinération est-elle la solution?

L’environnementaliste Karen Wirsig du groupe Environmental Defence est préoccupée par le fait que Toronto ouvre la porte à l’incinération des déchets, qualifiant cette option de solution malsaine, en raison des émissions qui y sont liées.

Ce qu’on devrait prioriser, c’est la diminution des déchets qu’on génère à Toronto, dit-elle.

L’incinération des déchets n’est pas une façon écologique ou sanitaire de traiter des déchets.

Il existe actuellement deux incinérateurs en banlieue de Toronto. Les exploitants assurent qu’ils respectent les normes environnementales, ajoutant que l’incinération permet aussi de produire de l’électricité.

Charles Jia, professeur en génie chimique à l’Université de Toronto, affirme que la technologie a « évolué » et permet de nos jours de « nettoyer le gaz de combustion ». Il cite l’exemple des incinérateurs à Tokyo, au Japon.

Les dépotoirs, c’est une technologie du passé. […] L’incinération est la solution.

Une citation deCharles Jia, professeur en génie chimique, Université de Toronto

Les incinérateurs d’aujourd’hui sont « beaucoup mieux » qu’il y a 50 ans, en matière d’émissions, affirme lui aussi Kelvin Tsun Wai Ng, professeur en génie des systèmes environnementaux à l’Université de Regina, en Saskatchewan.

Mon inquiétude [avec l’incinération], ce n’est pas la pollution environnementale. C’est plutôt que ça entre en compétition avec nos programmes de recyclage.

Une citation deKelvin Tsun Wai Ng, professeur, génie des systèmes environnementaux, Université de Regina

Il explique qu’un incinérateur a constamment besoin de produits à brûler et que des matières recyclables comme des bouteilles en plastique ont en fait une grande valeur énergétique.

C’est sans parler des cendres produites par l’incinération, qu’il faut gérer, note le chimiste et professeur Marc Olivier de l’Université de Sherbrooke, au Québec, qui est spécialisé en environnement et en gestion des matières dangereuses.

Il n’y a pas de solution miracle, souligne la mairesse adjointe McKelvie sans se mouiller en faveur d’une solution ou une autre pour l’instant.

La Ville veut consulter les autres municipalités pour voir si un autre site d’enfouissement serait disponible, explique-t-elle, tout en cherchant à réduire la quantité de déchets à gérer, grâce au compostage, au recyclage et à l’élimination des plastiques à usage unique, notamment.

Mme McKelvie ajoute que Toronto n’a pas examiné pour l’instant où pourrait être situé un incinérateur ni si sa gestion serait confiée à un exploitant privé.

Comment recycler plus dans les condominiums?

Le taux de recyclage et de compostage dans les condominiums et les immeubles d’appartements (neuf unités ou plus) à Toronto étaient d’à peine 27,9 % l’an dernier, selon la Ville.

C’est 2,2 fois moins que chez les occupants de maisons.

Quentin de Becker, enseignant et fondateur du groupe environnemental Scarborough Zero Waste, ne montre pas les locataires du doigt pour autant.

Je peux difficilement critiquer quelqu’un qui doit descendre 30 étages pour aller faire son recyclage.

Une citation deQuentin de Becker, fondateur, organisme Scarborough Zero Waste

Il souligne que de nombreux immeubles n’ont pas de chute. Et souvent, s’ils en ont une, elle sert uniquement aux ordures.

Outre ce problème d’infrastructures, il faudrait plus de financement public, selon lui, pour des organismes comme le sien qui font la promotion du recyclage et du compostage par le biais d’activités communautaires.

Le professeur Olivier croit lui aussi qu’il faut organiser des défis de quartier avec des objectifs à atteindre et récompenser les bons comportements, pour tenter d’accroître le taux de participation.

Il y a des solutions qui peuvent s’adapter à une partie de clientèle, d’autres solutions pour une autre partie de clientèle, [plutôt qu’avoir] un seul programme où tout le monde passe par le même petit trou de la serrure.

Une citation deMarc Olivier, chimiste spécialisé en environnement, Université de Sherbrooke

Il ajoute qu’il faut une approche orientée vers la récupération quand on bâtit de nouveaux immeubles, parce que s’il n’y a qu’une chute à déchets, bien des résidents vont opter pour la solution de facilité et tout envoyer à la poubelle, plutôt que de faire le tri, dit-il.

La mairesse adjointe McKelvie cite l’exemple d’un condominium de son quartier qui a transformé sa chute à déchets pour qu’elle serve uniquement à la collecte des matières organiques.

Nous aurons des discussions au cours de la prochaine année, afin d’établir un nouveau plan de 10 ans pour les déchets, dit-elle. Mais je préfère les incitatifs [aux amendes] pour accroître le taux de recyclage.

Source: Radio Canada

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