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Aucun président, quelles que soient les politiques qu’il préconise, ne peut mettre en péril la profondeur des relations qui existent entre le Canada et les États-Unis, estime l’ambassadeur des États-Unis à Ottawa, David Cohen.
Les liens qui ont été tissés au fil des ans entre les dirigeants canadiens et américains, entre les premiers ministres des provinces et les gouverneurs des États, entre les maires des grandes villes, les gens d’affaires, les membres de la société civile et les gens ordinaires des deux côtés de la frontière sont trop solides pour s’étioler en raison du retour au pouvoir de Donald Trump, avance M. Cohen en entrevue avec La Presse.
Se décrivant comme un « éternel optimiste », M. Cohen souligne que la première administration de Donald Trump, si tumultueuse fût-elle aux yeux d’une majorité de Canadiens, « n’a pas fait exploser » les relations canado-américaines.
« Je pense que l’avenir des relations entre les États-Unis et le Canada est excellent, et je m’appuie sur le fait que nous entretenons l’une des meilleures relations entre deux pays au monde, que nous entretenons cette relation depuis plus de 100 ans, qu’elle est durable, qu’elle est résiliente, qu’elle est solide et que ses racines s’étendent dans l’ensemble de nos deux pays », affirme le diplomate durant notre entretien de 30 minutes.
Ces relations ne reposent pas sur les personnalités propres d’un président, d’un premier ministre, d’un gouverneur, mais sur la portée extraordinaire de la relation que nous entretenons à tous les égards.
David Cohen, ambassadeur des États-Unis à Ottawa
Onde de choc
À la fin de novembre, le président désigné Donald Trump a menacé d’imposer, dès son retour au pouvoir le 20 janvier, des tarifs douaniers de 25 % sur tous les produits canadiens et mexicains si le Canada et le Mexique ne mettent pas fin à ce qu’il appelle le flux de drogues et d’immigrants traversant leurs frontières.
Cette menace a provoqué une onde de choc au pays. Car si elle est mise à exécution, cela pourrait provoquer une récession et forcer le gouvernement canadien à riposter en imposant à son tour des tarifs douaniers sur les produits américains.
Devant cette menace, le premier ministre Justin Trudeau s’est rendu à Mar-a-Lago, le domaine de Donald Trump en Floride, pour rencontrer le président désigné et certains membres de sa future administration. Durant la rencontre, à laquelle a aussi participé le ministre de la Sécurité publique Dominic LeBlanc (maintenant ministre des Finances), M. Trudeau a martelé que les enjeux liés à la frontière canado-américaine ne sont pas du même ordre que ceux qu’on observe à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
En entrevue, M. Cohen tient à souligner qu’il ne s’exprime pas au nom de la prochaine administration. Son mandat d’ambassadeur va prendre fin en janvier. Son successeur, Peter Hoekstra, un ancien membre du Congrès du Michigan, a été choisi par Donald Trump.
Des relations maintenues
« Je ne peux pas prédire ce que dira ou fera la prochaine administration, mais vous savez que le prochain président a été président des États-Unis pendant quatre ans, et les relations entre le Canada et les États-Unis n’ont pas explosé au cours de ces quatre années », insiste-t-il.
Durant ce premier mandat de M. Trump, le Canada, les États-Unis et le Mexique ont renégocié avec succès le pacte commercial signé dans les années 1990 (il est maintenant connu sous le nom d’Accord Canada–États-Unis–Mexique ou ACEUM). Cet accord doit faire l’objet d’un examen en 2026 et les pourparlers devraient commencer l’an prochain.
Je ne pense pas qu’il y ait un quelconque incitatif pour le prochain président à faire exploser cette relation commerciale.
David Cohen, ambassadeur des États-Unis à Ottawa
Au sujet de la frontière, M. Cohen affirme qu’il existe des « enjeux » qui sont minimes en comparaison de ceux de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, qui préoccupent davantage Washington. Certes, l’an dernier, on a observé une augmentation du nombre de migrants qui sont entrés de façon irrégulière aux États-Unis en passant par le Canada. Mais ce nombre est de retour à la baisse, souligne-t-il, après la décision du Canada d’imposer à nouveau des visas aux visiteurs mexicains cette année, comme le souhaitait l’administration Biden.
La décision du gouvernement canadien de réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires et d’étudiants étrangers au Canada a aussi contribué à corriger la situation. « Le gouvernement Trudeau a examiné ce qui se passait dans le dossier de l’immigration. Je pense qu’il a reconnu qu’un certain recalibrage était approprié », analyse l’ambassadeur.
Défendre le Nord
Durant ses trois années à Ottawa, M. Cohen s’est dit satisfait d’avoir contribué à rétablir le sentiment de confiance des Canadiens envers les États-Unis. Il a aussi exprimé sa satisfaction de voir que le gouvernement canadien affirme son intention d’augmenter les dépenses en matière de défense et de sécurité.
« Dans le passé, les gens pouvaient comprendre le Canada de ne pas vouloir dépenser beaucoup d’argent pour la défense. Ils voyaient que le pays est bordé par deux grands océans à l’est et à l’ouest, et qu’au nord il y a l’Arctique et au sud il y a les États-Unis. C’était peut-être une façon pratique de voir les choses il y a 20, 30 ou 40 ans. Mais de nos jours, voir l’Arctique comme une zone tampon est une erreur colossale en matière de sécurité », fait-il valoir.
« L’Arctique est maintenant une porte d’entrée vers l’Amérique du Nord, une porte d’entrée vers le Canada. Regardez toute l’attention que la Russie et la Chine portent à l’Arctique. […] Il faut investir plus d’argent pour défendre l’Arctique », dit-il.
Source: la presse