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Les dirigeants municipaux du Québec cherchent des moyens d’inciter les jeunes, en particulier les femmes, à se présenter aux élections locales de l’année prochaine, mais c’est une tâche difficile compte tenu des incidents bien documentés de harcèlement et d’intimidation auxquels sont confrontés les élus de la province.
Pas moins de 800 conseillers municipaux, soit 10 % des quelque 8000 personnes élues à des postes locaux en 2021, ont démissionné avant la fin de leur mandat, selon l’agence électorale du Québec. Les raisons de leur départ sont diverses, mais certains ont été influencés par le comportement toxique des citoyens.
Le harcèlement est de plus en plus fréquent dans le monde municipal, que ce soit au Québec ou lorsque je parle à des collègues partout au Canada », reconnaît Antoine Tardif, maire de Victoriaville, lors d’une récente entrevue. « Je pense que les réseaux sociaux sont en partie la raison pour laquelle nous en voyons de plus en plus ».
Le Québec a lancé une campagne de recrutement de plusieurs mois, notamment auprès des femmes et des jeunes, en vue des élections municipales prévues en novembre 2025, a indiqué la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.
Les femmes constituent la moitié de la population, mais elles sont encore sous-représentées dans les conseils municipaux de la province. Aux élections municipales de 2021, elles ont représenté 35,5 % des candidats, et cinq grandes villes ont élu une femme à la mairie – mais au moins trois d’entre elles ne se représenteront pas l’an prochain.
Des élus intimidés
France Bélisle a invoqué un environnement de travail hostile, comprenant notamment des menaces de mort de la part de membres du public, pour justifier sa décision soudaine de quitter son poste de mairesse de Gatineau en février. La mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, a donné des raisons similaires pour ne pas se présenter à nouveau en novembre.
Être un élu en 2024 n’a pas tellement la cote », a reconnu Mme Beaudin en mai.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé en octobre qu’elle ne briguerait pas un troisième mandat. Et même si elle n’a pas spécifiquement cité le harcèlement en ligne et public comme raison de son départ – elle a dit qu’elle ne pensait pas avoir l’énergie pour encore quatre ans – Mme Plante a limité les commentaires sur ses profils de réseaux sociaux en raison des réponses vulgaires qu’elle reçoit régulièrement.
La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, a été placée sous protection policière intermittente et a reçu des menaces de mort à cause d’un projet controversé d’abattage de cerfs ; malgré tout, elle se présente à nouveau.
Le gouvernement provincial a tenté d’aider les politiciens locaux. En février, Québec a annoncé le financement d’une nouvelle ligne d’assistance téléphonique pour les élus. En juin dernier, il a adopté une loi qui prévoit des amendes allant jusqu’à 1500 $ pour quiconque intimide ou harcèle un politicien. La loi permet également aux élus de demander à la Cour supérieure une injonction contre un citoyen qui les menace, les intimide ou les harcèle.
« Les gens sont sur les dents »
M. Tardif, qui siège à l’exécutif de la Fédération québécoise des municipalités, met de l’avant les résultats d’un sondage réalisé par l’association plus tôt cette année, qui indiquait que 47 % des élus locaux avaient été victimes de harcèlement et d’intimidation.
Karim Boulos, qui a été conseiller municipal à Montréal entre 2005 et 2009, affirme que l’intimidation sur les réseaux sociaux n’était pas un problème pendant son mandat.
« Il y avait plus de respect – si on peut utiliser ce mot – ou plus de décorum, il y a quelques années, dit M. Boulos. Et je trouve que les gens [les élus] sont aujourd’hui injustement critiqués pour un travail qu’ils essaient simplement de faire au nom des citoyens. »
Les échanges à Victoriaville ont toujours été respectueux, soutient M. Tardif. Mais depuis quelques années, il note un niveau d’intolérance incomparable entre les gens.
« Je pense que les gens sont sur les dents, sont rapidement en mode confrontation, et ajoutons à cela les réseaux sociaux, où chacun peut se faire justice lui-même et attaquer les politiciens ou les élus, explique M. Tardif. Là, on peut avoir un cocktail qui est difficile à vivre pour certaines personnes. »
Dans certaines petites villes et certains villages où les gens se croisent plus facilement, certains maires restent loin des réseaux sociaux pour éviter les attaques personnelles ou le harcèlement, note M. Tardif.
« C’est un courant qu’il faut absolument contrer à l’approche des prochaines élections municipales, parce qu’il y a tellement de belles choses à réaliser dans le milieu municipal, c’est tellement valorisant comme emploi, soutient M. Tardif. Mais malheureusement, il y a des évènements qui viennent assombrir la fonction d’élu municipal. »
Attirer les jeunes
Moins de 10 % des candidats municipaux aux élections de 2021 avaient entre 18 et 34 ans. Une façon d’attirer cette tranche d’âge vers les élections, selon M. Boulos, est de rendre les horaires de travail plus flexibles, notamment en permettant aux élus municipaux de travailler parfois de la maison.
Julie Bourdon, mairesse de Granby, dirige le comité sur la démocratie de l’Union des municipalités du Québec. L’objectif de son comité est de recruter un groupe diversifié de candidats en 2025, et d’éventuellement offrir du mentorat aux politiciens.
Il y a plein de belles choses qui se passent au Québec en politique municipale, il y a encore plein de gens qui sont passionnés, qui font leur part […] ça pourrait amener d’autres personnes intéressées à s’impliquer », souligne Mme Bourdon.
« Est-ce que la politique municipale est facile ? Je ne pense pas, ça reste de la politique : il y a des enjeux, il y a une crise de l’itinérance, une crise du logement, une crise en termes de changements climatiques. »
Les élections municipales partout dans la province sont prévues pour le 2 novembre 2025.
Source: la presse