Trump et les tarifs : aux sources d’une obsession

23 décembre 2024
Trump et les tarifs : aux sources d’une obsession

Assahafa.com

Le 25président des États-Unis fait partie des successeurs de George Washington qui n’ont pas laissé l’impression la plus durable ou favorable. Mais peu de républicains ont fait plus que Trump ces dernières années pour le remettre à la page. Historiens et économistes ont du mal à expliquer l’admiration du président désigné pour cet occupant de la Maison-Blanche.

Mais ceux qui veulent comprendre l’origine de son obsession pour les tarifs douaniers ont tout intérêt à prêter attention à cette drôle d’histoire.

Le débat sur les tarifs de 1888 pris en exemple

Trump a exprimé son admiration pour McKinley à plusieurs reprises pendant la dernière campagne présidentielle. Un exemple :

« Dans les années 1890, notre pays était probablement le plus riche qu’il ait jamais été parce qu’il y avait un système de tarifs, a-t-il déclaré lors d’un déplacement au Michigan en septembre dernier. Nous avions un président, vous connaissez McKinley ? […] C’était un très bon homme d’affaires, qui a engrangé des milliards de dollars à l’époque. Nous étions un pays très riche à l’époque. »

Cette déclaration contient deux erreurs. Primo, les États-Unis ont connu durant les années 1890 de sérieux problèmes économiques, dont une dépression qui s’est étendue de 1893 à 1897. Secundo, McKinley n’était pas un homme d’affaires.

Une autre déclaration de Trump explique peut-être d’où lui vient l’idée que les tarifs douaniers ont permis aux États-Unis de connaître un sommet de prospérité dans les années 1890.

« Vous savez, ils ont eu un débat en… C’était le grand débat sur les tarifs de 1888 », a raconté le 45e président lors d’un discours-fleuve de deux heures devant un groupe de conservateurs, en 2019. « Et le débat tenait au fait que nous ne savions pas quoi faire de tout l’argent que nous gagnions. Nous étions si riches. »

Même si ce débat paraît très lointain, nous entrons dans le vif du sujet, ou plutôt de l’obsession de Donald Trump pour les tarifs douaniers. À la fin du XIXsiècle, ceux-ci avaient deux objectifs aux États-Unis : générer des recettes pour le gouvernement fédéral à une époque où l’impôt sur le revenu n’existait pas et protéger les manufacturiers de la concurrence étrangère.

Un peu d’histoire

Tenus élevés depuis le début de la guerre de Sécession, ces tarifs douaniers avaient fini par créer des surplus budgétaires qui ont mené à ce fameux débat auquel Trump a fait allusion lors de son discours de 2019. Ainsi, lors de la campagne présidentielle de 1888, le candidat démocrate s’est engagé à réduire les tarifs douaniers dont son électorat largement issu des régions rurales faisait les frais.

Le candidat républicain ne s’opposait pas à l’idée de diminuer ces surplus. Mais il croyait y parvenir non pas en réduisant les tarifs douaniers, mais plutôt en les augmentant !

Selon lui, une telle politique allait réduire les recettes du gouvernement en décourageant les Américains, une fois pour toutes, d’acheter des produits étrangers.

Ce candidat, Benjamin Harrison, a perdu le vote populaire, donc le grand débat sur les tarifs. Mais il a été élu à la présidence grâce au fameux collège électoral. De sorte que les républicains ont cru devoir donner suite à leur idée d’augmenter les tarifs douaniers.

C’est ici que William McKinley entre dans cette histoire. En 1890, à titre de président de la commission responsable des questions fiscales à la Chambre des représentants, il rédige un projet de loi qui fait passer la moyenne des droits de douane pour toutes les importations de 38 à 49,5 %.

La loi, qui contribuera à une hausse des prix à la consommation, s’avérera catastrophique sur le plan électoral. Lors des élections de mi-mandat de 1890, les républicains perdront 86 sièges à la Chambre (et la présidence en 1892).

McKinley avait changé son fusil d’épaule

La question est évidemment de savoir pourquoi Trump ne tient pas compte de cette histoire quand il chante les vertus de McKinley et de ses tarifs. Il est tentant de croire qu’il n’a retenu de cette histoire qu’un fait : les droits de douane ont déjà créé des surplus budgétaires.

D’où peut-être son idée selon laquelle les tarifs douaniers recèlent un pouvoir quasiment magique.

Un pouvoir qui, à l’entendre, ne permettra pas seulement de ramener les manufactures aux États-Unis, mais aussi de juguler les déficits, d’aider les familles de la classe moyenne à payer les frais de garde de leurs enfants et peut-être même d’éliminer ce satané impôt sur le revenu.

L’ironie veut que Donald Trump semble avoir fait fi de l’évolution de William McKinley sur les tarifs douaniers après son élection à la Maison-Blanche, en 1896. Élection soutenue par les plus grandes fortunes, dont celle de John D. Rockefeller, l’Américain le plus riche de l’époque et l’une des figures de proue du Gilded Age, cette époque marquée par des écarts de richesse éhontés aux États-Unis.

Réélu en 1900, le président McKinley a commencé à tourner le dos au protectionnisme tous azimuts au début de son second mandat. « Les accords commerciaux réciproques avec d’autres nations devraient, dans un esprit libéral, être soigneusement cultivés et encouragés », a-t-il dit lors de son deuxième discours d’investiture.

Plus tard, il a ajouté cette phrase que ses voisins du Nord et du Sud devraient rappeler à Trump : « Les guerres commerciales ne sont pas rentables. Une politique de bonne volonté et des relations commerciales amicales permettront d’éviter les représailles. »

William McKinley n’a pas vraiment eu le temps de donner suite à ses nouvelles idées. Un anarchiste l’a assassiné le 14 septembre 1901.

Source: la presse

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