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Le salto arrière était digne d’une grande gymnaste. Après avoir refusé de reconnaître le déclin du français au Québec lors de sa première mêlée de presse à titre de ministre des Langues officielles – ce qui est pourtant un fait que démontrent tous les indicateurs linguistiques –, Rachel Bendayan a rétropédalé.
Je n’ai pas refusé de répondre. C’est vrai que le français est en déclin au Québec
, a-t-elle lâché à son arrivée, vendredi après-midi, à la réunion du nouveau cabinet de Justin Trudeau.
Or, Mme Bendayan était beaucoup moins convaincue quelques heures plus tôt en sortant de Rideau Hall, la résidence de la gouverneure générale, immédiatement après son assermentation.
Le Québec a un rôle très important. C’est la province qui doit d’abord et avant tout être francophone afin de s’assurer que la dualité linguistique que nous avons ici au Canada est protégée et maintenue
, a-t-elle d’abord répondu.
Mais la journaliste parlementaire qui l’a questionnée lui a coupé la parole, répétant sa question une seconde fois et de manière on ne peut plus claire. Est-ce qu’il est en déclin, oui ou non?
, a-t-elle envoyé.
Mme Bendayan, qui est députée d’Outremont, a une fois de plus ignoré la question, comme c’est souvent l’habitude chez les libéraux.
Son rôle de ministre des Langues officielles, a-t-elle poursuivi, est de s’assurer que la minorité anglophone au Québec soit protégée et que la minorité francophone hors Québec soit protégée afin que le bilinguisme soit protégé partout à travers le pays, et que nous maintenons la dualité linguistique que nous avons et dont nous sommes si fiers
.
Une erreur de Justin Trudeau, selon le Bloc
Appelé à réagir, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a déploré que le premier ministre ait donné la responsabilité des langues officielles à une personne qui est « dans le déni » par rapport à la situation du français au Québec.
C’est l’une des erreurs les plus importantes de Justin Trudeau s’il veut avoir une petite chance de ralentir sa chute au Québec.
Au Nouveau Parti démocratique aussi, on n’y est pas allé de main morte.
Quand t’es rendu à nommer Rachel Bendayan aux Langues officielles, t’as atteint le fond du baril. Quand est-ce qu’elle a montré un quelconque intérêt au fait français ou aux francophones hors Québec? C’est du n’importe quoi
, a écrit le chef adjoint Alexandre Boulerice sur X.
Québec interpelle la ministre Bendayan
À Québec, le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, soutient que c’est « un fait » que le français recule dans la province.
La nouvelle ministre des Langues officielles, Rachel Bendayan, doit absolument le reconnaître, car il est de sa responsabilité d’inverser ce déclin
, a-t-il écrit sur X.
Mme Bendayan lui a répondu que protéger et promouvoir le français peut se faire de concert avec notre appui envers les anglophones du Québec
.
Elle a transmis la même réponse au ministre québécois Simon Jolin-Barrette, qui a piloté la réforme de la Charte de la langue française, après qu’il eut émis des propos semblables à ceux de M. Roberge.
Il n’y a qu’une langue officielle au Canada en danger et qui doit être protégée : c’est le français. Le niez-vous?
Une tendance statistique
Quoi qu’il en soit, Statistique Canada a confirmé à répétition la tendance que suit le français au Québec.
De 2016 à 2021, l’agence a observé une baisse de la proportion de Québécois qui possédaient le français comme langue maternelle (de 77,1 % à 74,8 %), comme langue parlée de façon prédominante à la maison (de 79,0 % à 77,5 %) et comme première langue officielle parlée (de 83,7 % à 82,2 %).
La proportion de Québécois pouvant soutenir une conversation en français est passée, au cours de la même période, de 94,5 % à 93,7 %, bien qu’elle ait été stable durant plusieurs décennies après avoir connu une chute marquée dans les années 1970.
Quant à la langue la plus souvent utilisée dans les milieux de travail, le français est passé de 79,9 % à 79,7 %. La différence est encore plus marquée en comparaison avec le recensement de 2011, où le français recueillait 81,9 %.
La nouvelle ministre Bendayan n’était pas la première à refuser de reconnaître le déclin du français au Québec. Elle suivait ainsi les traces de sa collègue de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount, Anna Gainey, qui avait fait de même l’an dernier.
Toujours dans l’équipe des rouges, la députée de Saint-Laurent, Emmanuella Lambropoulos, avait pour sa part été forcée de démissionner du comité des langues officielles après avoir nié le déclin du français au Québec.
Les libéraux se sont souvent dits préoccupés par le déclin du français au Québec et ailleurs au pays. Ils ont même fait adopter une réforme de la Loi sur les langues officielles dans l’espoir de s’y attaquer.
Source: Radio Canada