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Il n’y a pas vraiment de crise migratoire à la frontière canado-américaine. Aucun afflux massif de migrants n’est attendu au Québec dans l’immédiat. Le nombre de passages illégaux vers les États-Unis reste faible, mais la crise politique, elle, est bien réelle. Et ses répercussions provoquent leur lot d’incertitudes et d’inquiétudes. Le tour de la question.
Qui contrôle quoi ?
Excellente question. Le débat sur la sécurisation de la frontière est souvent complexe parce qu’on ne s’interroge pas assez sur cet aspect fondamental. Une frontière a deux côtés. Il n’y a pas un contrôle frontalier, mais bien deux, qui ont chacun leur rôle : le Canada surveille les personnes et les marchandises entrant sur son territoire, tandis que les États-Unis font de même pour leur côté. Cette répartition des responsabilités est essentielle pour comprendre les enjeux actuels.
Faut-il craindre un Roxham 2.0 ?
Non, pas pour l’instant. Pour une raison simple : Donald Trump n’est pas encore au pouvoir et le détail de ses politiques n’est pas encore connu.
« La situation est sous contrôle », a affirmé François Bonnardel, ministre québécois de la Sécurité publique, lors d’une conférence de presse mardi. Aucune information provenant de la Sûreté du Québec (SQ), de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou des autorités frontalières américaines ne laisse croire qu’un afflux massif d’immigrants pourrait traverser des États-Unis vers le Canada. Cependant, le ministre a souligné l’importance de rester vigilant. « Je reste très lucide. Il y a des éléments d’incertitude importants. On ne peut pas prévoir ce qui va se passer dans les prochains mois, ni même les prochaines semaines », a-t-il précisé, insistant sur la nécessité d’un renforcement de la sécurité frontalière « dans les deux sens ».
La frontière canado-américaine est-elle une « passoire » ?
Pas du tout. Les données de 2024 montrent que les passages illégaux vers les États-Unis depuis le Canada restent marginaux, comparativement à ceux qui sont observés à la frontière sud des États-Unis. Toutefois, il est important de noter que les passages illégaux vers les États-Unis depuis le Canada ont considérablement augmenté : 2238 en 2022, 10 021 en 2023 et 23 721 en 2024.
Cette hausse reflète un enjeu migratoire croissant. Elle s’inscrit dans un contexte où le président désigné Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 25 % sur tous les produits canadiens et mexicains dès son retour au pouvoir, prévu le 20 janvier 2025. Selon lui, ces droits resteront en vigueur tant que l’immigration irrégulière et l’entrée de drogues aux États-Unis ne seront pas maîtrisées.
Qui sont ces migrants qui traversent vers les États-Unis ?
En 2024, la majorité des migrants interceptés à la frontière nord étaient des Indiens (14 197 sur 23 721).
Fait à noter : depuis le mois de juin 2024, les passages illégaux vers les États-Unis ont diminué, passant de 3601 en juin à 1283 en octobre, essentiellement en raison d’une réduction du nombre de ressortissants indiens.
Quel est le plan d’Ottawa ?
Pour répondre aux menaces américaines et gérer l’augmentation des passages illégaux, le gouvernement fédéral a annoncé le 27 novembre un plan d’investissement pour assurer une surveillance accrue à la frontière. Ce plan comprend l’embauche d’agents supplémentaires et l’acquisition d’équipements, comme des hélicoptères et des drones, pour surveiller les passages isolés.
Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a qualifié ce plan de nécessaire pour rassurer les provinces et répondre aux attentes de la future administration Trump.
François Bonnardel a souligné l’importance d’un plan clair. « Nous souhaitons que le plan fédéral bien détaillé soit mis sur papier rapidement », a-t-il insisté.
Même si la responsabilité première du Canada est de protéger sa frontière, et non pas celle des États-Unis, ce déploiement de ressources, en plus de permettre de contrôler les entrées illégales au Canada, pourra jouer un rôle pour restreindre les mouvements dans l’autre sens, et ainsi rassurer le président désigné. Légalement, les autorités canadiennes ne peuvent pas arrêter quelqu’un qui entre aux États-Unis, parce que cette personne n’a rien fait d’illégal au Canada. Mais une présence policière accrue pourra contribuer à menacer les migrants, qui craindront les contrôles.
Source: la presse