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Près de 55 000 travailleurs de Postes Canada sont en grève depuis 1 h du matin, vendredi, à la suite de l’échec des négociations en cours pour le renouvellement de leur contrat de travail.
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) avait donné mardi à l’employeur et au ministre fédéral du Travail un préavis de 72 heures, annonçant le déclenchement d’un arrêt de travail à compter de 1 h dans la nuit de jeudi à vendredi.
Postes Canada avait répliqué peu après en lançant à son tour un préavis de lock-out. Le mandat de grève, lui, avait été adopté à 95 % par les postiers en octobre.
Grève ou lock-out?
Une certaine confusion entourait ce matin le conflit dans la mesure où le syndicat affirmait que l’employeur avait bel et bien résolu d’imposer un lock-out à la suite de discussions qui se sont terminées tard dans la nuit.
Postes canada, de son côté, affirme qu’il n’y a pas de lock-out et que l’arrêt de travail découle entièrement de la décision du syndicat de débrayer. Postes Canada était déterminée à continuer ses activités, assure-t-on.
En entrevue au micro de l’émission Tout un matin, sur ICI PREMIÈRE, Yannick Scott, directeur national de la région du Montréal métropolitain pour le STTP, a expliqué que les négociations se sont terminées sur un ultimatum de l’employeur.
Or, la direction de Postes Canada n’a pas imposé officiellement de lock-out, mais elle l’a fait de facto, selon l’ancien directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Marc Ranger.
L’employeur n’a pas envoyé un nouvel avis pour annuler son premier avis [de lock-out]. Son premier avis avait toutes les qualités de ce qu’on appelle un lock-out, a-t-il expliqué sur les ondes d’ICI RDI.
Dès qu’on modifie les conditions de travail pour faire des pressions économiques sur les salariés, le Code canadien [du travail] attribue ça à un lock-out. L’employeur, Postes Canada, joue sur les mots pour une opération de relations publiques pour éviter de passer pour le méchant, estime M. Ranger qui est aujourd’hui conseiller stratégique chez Ryan Affaires publiques.
Postes Canada est déçue de la décision du STTP de fermer le service postal en déclenchant une grève nationale. Cette décision aura des répercussions importantes et immédiates sur des millions de Canadiens, de petites entreprises et d’organismes de bienfaisance qui comptent sur Postes Canada pendant la période achalandée des Fêtes, a déclaré Postes Canada.
Le courrier et les colis ne seront ni traités ni livrés durant la grève nationale et certains bureaux de poste seront fermés. Les garanties de service seront touchées pour les articles déjà dans le réseau postal. Aucun nouvel article ne sera accepté jusqu’à la fin de l’arrêt de travail à l’échelle nationale.
Une citation de Postes Canada
Pour ce qui est du courrier et des colis qui sont déjà dans les installations de Postes Canada, ils seront sécurisés et livrés dès que possible à la reprise des activités selon le principe du premier entré, premier sorti, poursuit Postes Canada, qui anticipe des perturbations bien après la fin de la grève.
Outre de meilleurs salaires, les postiers réclament une meilleure conciliation famille-travail ainsi qu’une amélioration des conditions de santé et de sécurité.
Postes Canada instaure de nouveaux systèmes de livraison de courrier qui font en sorte que les facteurs sont 8 heures maintenant à l’extérieur à livrer et certains font 30 km à pied.
Dans l’Ouest canadien, on a des facteurs qui font 30 km à pied chaque jour, ce qui est l’équivalent de deux marathons et demi par semaine.
Une citation de Yannick Scott, directeur national de la région du Montréal métropolitain pour le STTP
Dans les grands centres urbains, la modification des horaires fait en sorte que les travailleurs arrivent maintenant très tard chez eux en plus d’avoir passé souvent l’entièreté de leur quart à l’extérieur, peu importe les conditions météorologiques, déplore le syndicat.
Les parties tentent de s’entendre depuis bientôt un an.
Postes Canada, de son côté, affirme que son offre aux syndiqués est concurrentielle (11,5 % d’augmentation salariale sur quatre ans), compte tenu des pertes de revenus avec lesquelles elle doit composer depuis 2018.
Malgré cela, Postes Canada a continué de présenter des offres qui protègent et améliorent ce qui est important pour nos employés actuels […] tout en protégeant leur régime de retraite à prestations déterminées et les dispositions relatives à la sécurité d’emploi, assure-t-on.
Dans les faits, Postes Canada projette d’offrir, entre autres, un service de livraison de colis sept jours sur sept et des prix plus compétitifs à sa clientèle. Ce nouveau modèle de livraison est essentiel pour l’avenir de l’entreprise, explique la société d’État qui affirme avoir perdu 3 milliards de dollars depuis 2018.
Interrogé ce matin à Montréal sur le déclenchement de cette grève, le ministre fédéral du Travail Steven MacKinnon a affirmé qu’il suit la situation de minute en minute.
Il y a beaucoup d’enjeux difficiles et épineux à la table de négociation et bien peu de progrès enregistrés, a-t-il dit en ajoutant que toutes les ressources de son ministère sont mobilisées pour aider les parties à conclure une entente.
Questionné sur la volonté du gouvernement de forcer un retour au travail des postiers, comme cela a été récemment fait dans les secteurs des ports et de l’industrie ferroviaire, Steven MacKinnon a déclaré qu’il n’en était pas là.
Nous n’envisageons pas cela pour le moment. Nous investissons tous nos efforts à la table, entre les parties, afin de faciliter une entente négociée.
Le colis est roi
Au fil des années, Postes Canada est passée d’une entreprise qui livrait majoritairement du courrier à une entreprise de manutention et de livraison de colis. C’est en 2006 que les volumes de courrier ont atteint leur apogée au pays, avec 5,5 milliards de lettres traitées. En 2023, Postes Canada a livré moins de 2,2 milliards de lettres.
À l’autre extrémité du spectre, Postes Canada a livré 296 millions d’articles lors de l’exercice 2023, ce qui représentait une augmentation de 3,7 % par rapport à 2022. Cependant, l’entreprise fait face à une féroce concurrence dans ce créneau. Sa part de marché dans la livraison des colis est passée de 62 % en 2019 à 29 % en 2023.
Malgré l’augmentation des livraisons en 2023, les revenus tirés de la livraison de colis par Postes Canada ont reculé de 2,5 %, à 3,4 milliards de dollars.
Postes Canada estime que les volumes de colis issus du commerce en ligne canadien devraient doubler au cours de la prochaine décennie, indique le plus récent rapport annuel de l’organisation.
Source: Radio Canada