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Le premier ministre Justin Trudeau est au Pérou pour entamer cinq jours de réunions avec des dirigeants du monde entier alors que la communauté internationale se prépare au retour imminent du président désigné américain, Donald Trump.
Le sommet se déroule tandis que des puissances émergentes comme la Chine rivalisent d’influence en Amérique du Sud et que le Canada s’accroche aux blocs commerciaux mondiaux et aux systèmes multilatéraux sous la pression des dirigeants populistes.
À Lima, M. Trudeau participe à un sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique, ou APEC. Le groupe se concentre à surmonter les barrières commerciales et à établir de meilleurs liens dans les pays du pourtour du Pacifique.
Il se rendra ensuite au Brésil pour le sommet des dirigeants du G20, qui rassemble les plus grandes économies du monde.
Vina Nadjibulla, vice-présidente de la recherche pour la Fondation Asie-Pacifique, estime qu’il y a beaucoup à critiquer à propos des deux sommets, notamment sur qui peut y assister et sur leur productivité.
Mais elle a souligné qu’ils sont essentiels pour que le Canada puisse s’y retrouver dans un monde en mutation.
« Notre prospérité en dépend, a-t-elle soutenu. Alors que les choses évoluent, il y a beaucoup d’anxiété et nous devons être à la table des négociations pour remodeler l’ordre commercial international et remodeler l’ordre économique international. »
Un rôle réduit pour les États-Unis
M. Trudeau doit participer vendredi à des réunions avec les pays invités par les hôtes péruviens, et le premier ministre prononcera un discours à l’heure du dîner devant les délégués. L’après-midi sera consacré à des rencontres avec divers dirigeants nationaux et d’entreprises, notamment lors d’un évènement axé sur la croissance inclusive et la durabilité environnementale.
L’APEC a joué un rôle dans la création de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), un accord commercial représentant une vaste zone de pays le long de la ceinture du Pacifique, de la Nouvelle-Zélande au Chili. Le Canada a ratifié l’accord en 2018.
Les États-Unis ont participé à la formation du pacte commercial, mais M. Trump en a retiré Washington au premier jour de son mandat en 2017. Son successeur, l’actuel président américain Joe Biden, n’a jamais rejoint le pacte, signe de la lassitude des Américains à l’égard de la mondialisation, qui touche tous les partis.
Mme Nadjibulla croit que la présidence Trump qui se profile signifie probablement un rôle réduit pour les États-Unis dans les institutions multilatérales et la lutte contre le changement climatique, ainsi qu’une plus grande tension avec la Chine sur le commerce, les tarifs et la technologie.
Le Canada préside actuellement le bloc commercial PTPGP et accueillera l’année prochaine le Sommet du G7 des économies avancées, qui se terminera par un sommet des dirigeants en Alberta. Cela signifie que M. Trudeau fera pression pour préserver le commerce fondé sur des règles « qui est essentiel à notre prospérité » au cours des prochains jours, a indiqué Mme Nadjibulla.
« L’APEC se réunit dans un contexte de protectionnisme croissant, de concurrence géopolitique intense, de croissance économique incertaine et de l’élection de M. Trump », a-t-elle expliqué.
« C’est vraiment très différent de la vision fondatrice de l’APEC, qui est axée sur la libéralisation du commerce (et) une intégration économique plus approfondie. L’APEC était essentiellement le produit d’une ère d’hypermondialisation, qui touche assurément à sa fin. »
Tensions avec la Chine et l’Inde
Les réunions de l’APEC donnent également aux dirigeants l’occasion de se rencontrer lorsqu’ils ne sont pas susceptibles de se rendre dans leurs pays respectifs, comme à San Francisco l’année dernière, lorsque le président chinois Xi Jinping et M. Biden ont apaisé les tensions diplomatiques causées par les ballons de surveillance et les restrictions sur l’utilisation des puces électroniques.
Les responsables canadiens sont restés muets sur la perspective d’une rencontre entre MM. Trudeau et Xi, que ce soit lors d’une réunion formelle ou d’une discussion informelle dans un couloir.
La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, s’est rendue à Pékin en juillet, ce qui pourrait ouvrir la voie à une rencontre de M. Trudeau lors de ce voyage, mais Mme Nadjibulla a avancé que le dirigeant chinois se concentrera probablement davantage sur les autres dirigeants lors des deux sommets.
« Le ton et la rhétorique, je pense, vont s’intensifier dans les mois à venir, en partie à cause des actions que les États-Unis sont susceptibles de prendre, et le Canada devra rester aligné sur cela », a-t-elle précisé.
Les médias de l’Inde évoquent également la possibilité que le premier ministre indien, Narendra Modi, rencontre M. Trudeau. Vina Nadjibulla croit cependant que c’est peu probable, étant donné que le gouvernement Modi blâme le gouvernement Trudeau, et non le Canada dans son ensemble, pour les tensions accrues.
Mais Mme Nadjibulla a souligné que le Canada est une nation respectée dans la région, y compris au Pérou.
« Nous ne sommes pas un petit acteur, en raison de notre engagement historique, en particulier dans le secteur minier. Et nous pouvons jouer un rôle important pour renforcer la présence occidentale aux réunions », a-t-elle noté.
Plus d’une douzaine de chefs d’entreprise canadiens participent au sommet, alors que l’industrie cherche à développer le commerce dans la région en impliquant les minéraux critiques et les technologies propres.
Se préparer à la présidence Trump
Dimanche, le premier ministre partira pour le Brésil pour le sommet du G20, pour des discussions allant de la guerre en Ukraine à l’intelligence artificielle, en passant par l’éradication de la faim.
Le Groupe des 20 comprend des alliés de longue date, comme le président français Emmanuel Macron, mais aussi des agitateurs populistes comme le président argentin Javier Milei, qui vient de retirer ses négociateurs des pourparlers actuels de l’ONU sur le climat en cours en Azerbaïdjan.
John Kirton, directeur du G20 Research Group, s’attend à ce que M. Trudeau et de nombreux dirigeants aient des discussions informelles pour réfléchir à la manière de gérer une nouvelle présidence Trump.
« M. Trudeau sera dans une position relativement privilégiée, car il a été aux côtés de Donald Trump lors de (plusieurs) sommets, et nous sommes les voisins immédiats ; nous sommes un État de première ligne », a-t-il indiqué.
Son équipe, établie à l’Université de Toronto, surveillera de près ce que le communiqué final aura à dire sur le commerce mondial, M. Trump promettant des politiques protectionnistes.
Donald Trump a promis d’appliquer des tarifs élevés qui ont été critiqués par les économistes. La London School of Economics a averti le mois dernier que ces politiques pourraient nuire aux économies des États-Unis, de la Chine et de l’Union européenne.
Mme Nadjibulla a déclaré qu’il était crucial que des gouvernements comme le Canada évitent le fatalisme et se souviennent que les politiques promises par M. Trump pourraient sembler différentes lorsqu’elles seront réellement mises en œuvre.
« Les économies et les pays ont la possibilité de se coordonner et de tenter de trouver des réponses communes à ce qu’ils perçoivent comme une menace », a-t-elle soutenu.
« Ces rencontres multilatérales sont toujours le meilleur moyen que nous avons. Et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour les rendre plus pertinentes et mieux adaptées aux défis d’aujourd’hui. »
Source: la presse