« Rouvrez les classes de francisation! » : des enseignants portent plainte contre Québec

9 novembre 2024
« Rouvrez les classes de francisation! » : des enseignants portent plainte contre Québec

Assahafa.com

Un collectif d’enseignants a déposé une plainte à l’Office québécois de la langue française (OQLF) contre le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) après la fermeture de nombreuses classes de francisation dans la province.

Québec a considérablement réduit les budgets des centres de services scolaires (CSS), déplorent depuis plusieurs semaines syndicats, élus et enseignants. Par faute de financement, les classes de francisation ferment tour à tour leurs portes, des milliers d’élèves sont renvoyés chez eux et la plupart des enseignants perdent leur emploi.

Pour le Collectif francisation, qui regroupe environ 250 enseignants en colère, il s’agit tout bonnement d’une violation de la Charte de la langue française.

Dans une plainte déposée vendredi à l’OQLF, le Collectif reproche entre autres au gouvernement caquiste d’avoir échoué à fournir les services promis en francisation en ne pouvant pallier la fermeture annoncée de 40 % des cours qui se donnaient jusqu’à présent au Québec, entravant de ce fait l’accès à la francisation aux immigrants sur le territoire.

Selon les plaignants, le gouvernement Legault contrevient ainsi à l’article 6.1 de la loi 101, qui mentionne que toute personne domiciliée au Québec a droit aux services prévus et offerts […] pour faire l’apprentissage du français.

[Les réformes budgétaires de Québec] privent déjà ou bientôt des milliers de personnes de cours de français de qualité susceptibles de leur permettre de s’intégrer en français dans notre société.

Une citation deextrait de la plainte déposée vendredi par le Collectif francisation

Le Collectif accuse également le MIFI de vouloir contourner les syndicats et de transformer son réseau de partenaires en organisant une sous-traitance pour, selon lui, faire des économies.

Toute tentative de faire des économies en ressources humaines […] en recrutant des formateurs non qualifiés plutôt que des enseignants se paiera rapidement par un taux d’échec et de décrochage des élèves plus important, affirme le Collectif, qui porte par ailleurs plainte contre l’abolition de l’incitatif financier pour les cours de français à temps partiel.

Québec est dans l’incapacité de gérer l’aspect administratif de la francisation, comment compte-t-il le faire avec l’aspect pédagogique?

Une citation deVictorine Michalon, enseignante et plaignante du Collectif francisation

Sans réelles solutions de rechange

Cette réduction draconienne de l’offre de cours de francisation touche quasiment tous les centres scolaires de la province.

L’un des plus grands centres de la région de Québec, le Centre d’éducation des adultes Louis-Joliet, a notamment annoncé jeudi qu’il coupait la totalité de ses cours de français. Environ 1300 étudiants n’auront plus de cours à partir de janvier et plus de 100 enseignants perdent leur emploi.

Le gouvernement assure à tous les élèves touchés par les fermetures qu’ils seront déplacés « en priorité », mais la forte demande, qui a quintuplé depuis 2022, risque de ne pas permettre à ces personnes de poursuivre leur formation, explique le Collectif.

Les partenaires du MIFI dans les grandes villes sont à pleine capacité, rappellent les plaignants, et Québec n’a aucun partenaire dans plusieurs régions, ce qui force les apprenants à faire parfois des centaines de kilomètres pour trouver un cours, écrivent-ils.

Selon Québec, entre le 1er avril et le 30 août 2024, le délai d’attente moyen pour obtenir un cours à temps partiel était de près de 81 jours ouvrables.

Du côté des enseignants, la plupart des permanents sont réaffectés à la formation des jeunes – ce qui n’est pas leur spécialité –, tandis que tous les autres, qui sont contractuels – et qui sont majoritaires –perdent leur emploi.

Selon le ministre québécois de l’Immigration, Jean-François Roberge, ces réductions survenues en cours d’année n’auraient pas eu lieu si les CSS avaient mieux étalé le financement auquel ils ont droit.

L’an passé, on a envoyé 104 millions de dollars dans les centres de services scolaires, et cette année, on envoie encore 104 millions dans les centres de services scolaires […] Il n’y en a pas de coupures, a notamment déclaré Jean-François Roberge lors d’une entrevue avec Radio-Canada le 24 octobre.

Invisibilisation de la crise

Tout se fait dans l’opacité la plus totale. Le MIFI ne dit rien sur le nombre total de postes d’enseignants coupés et sur [le nombre de] classes fermées.

Une citation deVictorine Michalon, enseignante et plaignante du Collectif francisation

Victorine Michalon, qui a elle-même perdu son poste d’enseignante en francisation dans le centre d’éducation des adultes (CEA) d’Outremont à Montréal, dénonce une stratégie d’invisibilisation de la crise.

On a des victimes invisibilisées et réduites au silence, affirme l’enseignante, qui évoque le déni du gouvernement.

En n’acceptant plus de nouveaux étudiants, en fermant progressivement les classes et en faisant partir les enseignants au compte-gouttes, on étale ça dans le temps, mais les dommages sont les mêmes, insiste Mme Michalon.

Elle constate aussi qu’une grande partie de nouveaux arrivants qui suivaient ces cours se retrouvent désormais démunis et sans ressources.

C’est une catastrophe. Ces nouveaux arrivants sont terrifiés à l’idée de dénoncer la situation en raison du moratoire en immigration au Québec. [C’est pourquoi] ils ne viendront pas parler aux journalistes sur ce qui se passe.

Une citation deVictorine Michalon, enseignante et plaignante du Collectif francisation

Selon Mme Michalon, certains de ses élèves à temps complet n’étaient déjà plus en mesure de poursuivre les cours de francisation en raison d’une mauvaise gestion administrative de Québec, qui tarde notamment à leur faire parvenir leurs allocations.

Où est l’argent du fédéral?

Du côté d’Ottawa, on s’explique mal cette situation. Dans une lettre envoyée mardi dernier au ministre Jean-François Roberge, le ministre fédéral Jean-Yves Duclos a mis en doute la manière dont les sommes d’Ottawa sont utilisées par Québec.

Des questionnements repris par l’opposition : dans une sortie commune mercredi dernier, le Parti québécois et Québec solidaire de même que des syndicats ont fustigé le gouvernement Legault pour ses coupes budgétaires dans le secteur de la francisation, demandant à la CAQ de reculer en rouvrant les classes de francisation fermées.

La CAQ va faire reculer le français! À cause des coupes en francisation, des milliers de personnes vont perdre une ressource indispensable pour s’intégrer à leur communauté et travailler en français […] La francisation est en grand péril, a notamment écrit Québec solidaire dans un communiqué publié le 30 octobre.

Le ministre Roberge avait répondu dans la foulée que Québec utilisait bien les sommes du fédéral et qu’il s’engageait à déployer de nouvelles ressources.

Le budget total consacré à la francisation, qui est en augmentation depuis quatre ans, atteint 251,3 millions de dollars en 2024-2025, selon des données du MIFI, qui incluent notamment les ressources allouées aux organismes communautaires.

Source: Radio Canada

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