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Le premier ministre Justin Trudeau participe au 19e Sommet de la Francophonie, les 4 et 5 octobre à Paris, alors que le français se bat pour sa place dans les contenus numériques et que les tensions s’accentuent au Moyen-Orient. Voici trois choses à surveiller.
Plus de contenu français sur Netflix
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a un rôle primordial à jouer dans la promotion du contenu de création en français et dans sa disponibilité sur les plateformes numériques de visionnement.
Pour le Québec et le Canada, c’est une question de souveraineté culturelle. Les algorithmes des grandes plateformes numériques contrôlent 70 % de ce qu’on regarde et écoute
affirme l’ex-ministre québécoise Louise Beaudoin, coauteur du rapport sur la souveraineté culturelle à l’ère du numérique.
Mais là-dedans, il n’y a pas grand-chose de francophone, il y en a à peu près 10 %
, indique Mme Beaudoin.
Il va falloir trouver des façons pour imposer aux grandes plateformes numériques une meilleure accessibilité et une meilleure découvrabilité des contenus francophones.
Pour de nombreux pays africains francophones ou francophiles, c’est une question de survie de la langue, croit Hilarion Etong, député de l’Assemblée nationale du Cameroun et président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
Il faut permettre à la Francophonie d’être visible dans le monde des colonies, dans le monde politique
, indique M. Etong.
Il y a maintenant plus de 340 millions de locuteurs francophones dans le monde. Ce nombre est en hausse, mais pas en raison du taux de natalité. De moins en moins de personnes naissent dans un foyer où on parle français.
L’important, c’est que l’on puisse trouver des plateformes en français pour permettre aux générations de s’arrimer au français. Ceux qui ne seront pas arrimés seront perdus.
Le Québec a un rôle à jouer, selon Mme Beaudoin, comme ce fut le cas lors de l’adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui permet d’invoquer l’exception culturelle lors des négociations internationales de libre-échange.
Les géants du numérique pourraient être assujettis à ce même concept afin de protéger l’inclusion de davantage de contenu en français (ou dans toute autre langue) dans les marchés non anglophones.
La culture, ce n’est pas des chaussures ou des voitures, lance l’ex-ministre Beaudoin. La langue française devrait obtenir le même genre de protection dans les algorithmes des géants numériques, selon elle, parce que nos cultures sont reliées à nos langues
.
C’est pour cette raison qu’il faut davantage investir dans l’enseignement du français, selon Richard Marcoux, directeur de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone à l’Université Laval. Selon lui, l’OIF doit apprendre à utiliser son poids politique dans le dossier de la francophonie numérique.
Si on ne fait pas cet effort maintenant, dit-il, on va se retrouver avec une organisation en ralentissement assez considérable.
Si la langue française perd son utilité à l’échelle internationale, il va y avoir un déclin à ce moment-là
, estime-t-il.
Le premier ministre du Québec, François Legault, doit d’ailleurs prononcer un discours à l’UNESCO jeudi. Québec cherche des alliés et souhaite mobiliser des partenaires d’autres pays, qui souhaitent eux aussi protéger leur identité dans l’univers numérique, dans le but de stimuler un débat sur la question.
L’innovation et la création sont deux thèmes centraux du 19e Sommet de l’OIF.
La crise au Moyen-Orient
Alors que le conflit armé s’envenime entre Israël, l’Iran et le Liban, la question du Moyen-Orient risque de s’inviter au Sommet de la Francophonie.
Le Liban est membre de l’OIF avec 38 % de sa population qui parle français. Une délégation libanaise est attendue à Paris cette semaine. Il n’est pas exclu que des membres de la délégation canadienne rencontrent leurs homologues libanais.
Au sein de l’OIF, il y a des débats, des discussions, des sensibilités plus fortes
sur les questions internationales, comme la situation au Moyen-Orient, selon Richard Marcoux.
La Francophonie contient une population musulmane très importante. Le conflit au Liban, le conflit avec Israël, la position d’Israël actuellement, ça risque de faire débat, ça, c’est clair.
Pour Louise Beaudoin, qui a assisté au 9e Sommet de la Francophonie au Liban en 2002 à titre de ministre des Relations internationales du Québec, la crise au Moyen-Orient devrait être un sujet incontournable à Paris cette semaine.
Il me semble que la Francophonie devrait aussi mettre son poids sur des questions comme celle-là
, croit-elle tout en reconnaissant que c’est plus difficile, parce que la politique, c’est moins dans l’ADN de la Francophonie
.
Mais j’espère, poursuit-elle, que tout le monde va comprendre que ce qui se passe au Liban et ce qui se passe au Moyen-Orient est extrêmement grave.
La secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, a exprimé la solidarité de la famille francophone avec le peuple libanais. Elle en appelle au respect du droit international humanitaire et invite tous les acteurs concernés à œuvrer en faveur de la désescalade.
Avant son départ pour Paris, le premier ministre Trudeau a dénoncé sans réserve l’attaque de missiles par l’Iran sur Israël, une action d’un régime qui appuie le terrorisme et met à risque la paix dans la région
.
Nous reconnaissons qu’Israël a le droit de se défendre de ces attaques
, a affirmé le premier ministre, qui en a également appelé à la protection des civils et à l’augmentation de l’aide humanitaire à Gaza et au Liban
.
Les chicanes en immigration
Comme le Québec est un membre de plein droit de l’OIF, François Legault a un siège à la table du Sommet, pas trop loin de celui de Justin Trudeau.
Est-ce que les deux hommes, après avoir lavé leur linge sale en public à propos de l’immigration en présence du président français la semaine dernière au Canada, vont aller jusqu’à poursuivre la dispute chez les cousins français?
J’espère très franchement qu’ils vont attendre d’être de retour au Québec et au Canada pour continuer ce débat-là. Ce n’est pas la place, ce n’est pas l’endroit.
Déjà en France depuis le début de la semaine, François Legault a évoqué un transfert obligatoire de migrants vers d’autres provinces et proposé à Ottawa de créer des zones d’attente pour héberger les migrants qui attendront ce transfert.
Le Canada, ce n’est pas la France, a rétorqué le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller. Il dénonce cette idée comme une tentative désespérée
du gouvernement Legault et comme une mesure qui pourrait être contraire à la Charte
.
Contrairement au Sommet de la Francophonie de Djerba, en Tunisie, en 2022, François Legault et Justin Trudeau n’ont pas de rencontre en tête-à-tête prévue lors du sommet de Paris.
Source: Radio Canada