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Le premier ministre François Legault demande à son homologue Justin Trudeau de créer des « zones d’attente » pour les demandeurs d’asile afin de réduire la pression sur le Québec et les répartir dans d’autres provinces. Le modèle existe en France, a-t-il insisté en mission à Paris mardi – ce à quoi le ministre fédéral de l’Immigration Marc Miller répond que le Canada n’est pas la France.
« Ce qu’on a demandé à Ottawa, c’est : inspirez-vous donc entre autres de la France », a lancé le premier ministre lors d’une mêlée de presse.
Actuellement, on a 160 000 demandes d’asile. On a des problèmes de logement, il nous manque d’enseignants, d’infirmières. Et plus que le tiers, je pense que 40 % des demandeurs d’asile ne parlent pas français et s’installent à Montréal, et déjà il y a un déclin du français à Montréal. Donc est-ce qu’il y a possibilité de les déménager dans d’autres zones ? Et il y a les prochains qui s’en viennent aussi. Actuellement, il n’y a pas de changements majeurs annoncés par M. Trudeau pour les demandeurs d’asile. »
Une zone d’attente pourrait être créée à proximité de l’aéroport Montréal-Trudeau et dans d’autres provinces. Il faudrait déterminer combien de temps un demandeur d’asile devrait rester dans une telle zone où il est logé et nourri pendant que son dossier est étudié. La durée ne peut dépasser 26 jours en France.
Les ministres Jean-François Roberge (Relations canadiennes) et Christine Fréchette (qui n’est plus à l’Immigration aujourd’hui) ont écrit le 22 juillet à leurs homologues Dominic Leblanc et Marc Miller pour leur demander de créer de telles zones d’attente. « Afin d’assurer une répartition équitable des demandeurs d’asile au pays, nous sommes d’avis que votre gouvernement devrait mettre en place et coordonner un réseau pancanadien d’hébergement temporaire. Des quotas de places seraient déterminés par votre gouvernement pour chaque province et territoire, en fonction de leur poids démographique respectif », peut-on lire.
« Les demandeurs d’asile seraient dirigés vers ces lieux d’hébergement temporaire en fonction d’un ensemble de facteurs, dont leurs connaissances linguistiques ainsi que la présence de membres de leur famille directe dans une province ou un territoire donné. Ce système permettrait d’accueillir dignement les demandeurs d’asile et de faire en sorte qu’ils puissent contribuer à la vitalité économique de toutes les régions du Canada. Ceci permettrait par ailleurs d’alléger la pression que subissent déjà les provinces accueillant un grand nombre de demandeurs d’asile, tels le Québec et l’Ontario, et éviterait que ces personnes ne se dirigent systématiquement vers les régions métropolitaines de Montréal et de Toronto. Selon ce système, si les demandeurs d’asile font le choix de s’établir dans un endroit autre que celui attribué par le gouvernement fédéral, ils devront assumer dès leur arrivée les coûts de leur hébergement. »
Les ministres ajoutent que « la possibilité d’imposer une limitation géographique de leur permis de travail devrait également être envisagée. »
« Ainsi, à son arrivée au Canada, le demandeur serait informé que la portée territoriale de son permis de travail se limitera à la province ou au territoire dans lequel il s’est vu attribuer une place d’hébergement temporaire, et ce, jusqu’à ce qu’une décision favorable de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada soit rendue », expliquent-ils.
Il est « essentiel » selon eux qu’Ottawa « mette en place rapidement de telles infrastructures transitoires à l’échelle du Canada dont il assurerait la gestion ». Ils plaident que « plusieurs États, qui sont parties prenantes des mêmes conventions internationales que le Canada, ont mis en place de tels sites par lesquels doivent passer les demandeurs d’asile dès leur arrivée sur le territoire. C’est le cas notamment de la France, où les demandeurs d’asile arrivant à l’aéroport font d’abord l’objet d’une mesure de restriction et sont logés dans une zone d’attente aux abords de l’aéroport, avant d’amorcer le processus de demande d’asile ».
La semaine dernière, François Legault a rencontré le président Emmanuel Macron à Montréal. Ce dernier lui a indiqué que le délai de traitement des dossiers des demandeurs d’asile depuis son entrée en fonction est passé de trois ans et demi à quatre mois. « Il me disait : je ne suis pas satisfait de ça, je veux qu’on réduise à deux mois. Au Québec, on est à trois ans ! » a affirmé M. Legault.
Québec déposera cette semaine son projet de loi pour réduire le nombre d’étudiants étrangers au Québec. Ils sont 120 000 en ce moment. Le texte législatif permettra au gouvernement d’imposer un nombre maximal d’étudiants étrangers en formation professionnelle, dans les cégeps et les universités. « On n’est pas rendu à donner le nombre pour chaque établissement », a précisé M. Legault, ajoutant que le sujet fera l’objet de discussions.
« Un certain ton de la droite »
À sa sortie de la réunion du Cabinet, mardi, le ministre de l’Immigration, de la Citoyenneté et des Réfugiés Marc Miller n’a pas voulu s’étendre sur le sujet, arguant que la proposition émanant de Québec était floue. Il a toutefois évoqué un projet « potentiellement contraire à la Charte ».
Il ne s’est cependant pas privé de critiquer ce qu’il a qualifié de « tentative désespérée » du gouvernement Legault de « brandir comme épouvantail », encore une fois, l’enjeu des demandeurs d’asile à des fins politiques.
« Il me semble que c’est un certain ton de la droite qu’on voit de plus en plus dans certains pays que M. Legault essaie d’adopter, a-t-il lâché en mêlée de presse. Il faudrait regarder ce que M. Legault propose, mais ça me semble […] quelque chose qui n’est pas des plus humanitaires. »
Et par ailleurs, les défis auxquels est confronté le Canada ne sont pas les mêmes que ceux de la France, a fait valoir le ministre Miller. « On n’est pas la France […] On n’a pas des gens qui arrivent par bateau, par train, et on n’a pas des frontières aussi perméables que celles de la France », a-t-il insisté.
Il s’agit d’un « parallèle malaisant », a-t-il déploré, en assurant que le projet n’avait jamais été évoqué lors de ses échanges avec son ancienne homologue québécoise Christine Fréchette ou le successeur de celle-ci, Jean-François Roberge.
Source: la presse